
Des exploitants de la Manche ont signé un accord avec le conseil départemental. Au cœur du dispositif : une indemnisation pour le carbone stocké dans les haies implantées en bordure de champs. Grâce à la méthode Carbocage, les agriculteurs ont désormais une solution pour accéder au marché du carbone.
«Dans notre département, la haie occupe une place importante avec un linéaire estimé à plus de 50 000 km, soit près de 10 % des linéaires à l’échelle nationale, explique Benoît Hulmer, éleveur en Gaec à Hauteville-la-Guichard, dans la Manche. D’un point de vue culturel et touristique, le bocage fait partie de notre identité. La population y est attachée et les collectivités mènent depuis longtemps des politiques en faveur de son maintien. »Le Gaec Hulmer participe à cette dynamique en replantant régulièrement des linéaires d’arbres autour de ses parcelles : 6 kilomètres ces dernières années pour un total de 44 km aujourd’hui sur l’exploitation. En 2018, persuadé que la haie pouvait aussi servir d’outil pour stocker du carbone, l’éleveur décide de rejoindre le GIEE Développer des exploitations agricoles à énergies positives. Ce groupe compte une dizaine d’adhérents. Il a été fondé quelques années plus tôt pour réduire la consommation de carburant, d’intrants et d’électricité.
Compensation des émissions de CO2
Une nouvelle réflexion sur la mise en place de marchés locaux et volontaires du carbone est alors entamée en concertation avec la chambre d’agriculture. Le groupe se rapproche également du conseil départemental qui souhaite mettre en place une opération de compensation de ses émissions de CO2 liées à la consommation de papier.
Sept exploitations adhérentes au GIEE ont ainsi signé en décembre 2020 un contrat sur dix ans. « Par cette démarche, nous nous engageons à maintenir et entretenir les haies en favorisant la croissance des beaux arbres et en regarnissant les zones les moins denses, précise Jean-François Laurent, le président du GIEE. Chaque ferme peut engager jusqu’à 10 km de linéaires. La première étape consiste à réaliser un plan de gestion durable des haies pour établir un état initial du boisement. Cet inventaire, obligatoire et précis, donne une estimation des volumes de bois existants, au départ, sur les différentes strates de la haie. Il sert de base pour établir un planning des replantations et des coupes. »
En effet, cet engagement ne signifie pas que la haie est sanctuarisée ou que toute coupe est interdite. L’entretien reste autorisé, tout comme l’exploitation, à condition de suivre le planning préconisé sur les quinze années à venir. Ce plan garantit ainsi que l’agriculteur respecte un programme durable et raisonné, aboutissant à un stockage additionnel de carbone sur le long terme, en tenant compte des quantités séquestrées au niveau aérien, des racines et du sol.
Des plans de gestion pour une diversité de bénéfices
« Suivre un plan de gestion n’est pas une nouveauté, car plusieurs d’entre nous le font déjà dans le cadre de leur adhésion à Haiecobois, une association qui commercialise depuis quinze ans des plaquettes pour alimenter trente-six chaufferies de collectivités sur tout le département, précise Jean-François Tapin, éleveur et membre du GIEE. J’ai engagé 10 km de linéaires avec le conseil départemental et je suis également administrateur d’Haiecobois à qui je fournis entre 80 et 100 m3 de plaquettes chaque année. » C’est Stéphane Pestel, conseiller en gestion du bocage à la chambre d’agriculture, qui réalise les plans de gestion, dans le cadre du partenariat avec le Département. « Pour garantir une séquestration efficace du carbone, nous n’avons retenu que les linéaires de haies déjà bien implantés, avec des essences variées, occupant les différentes strates aériennes, explique-t-il. Les arbres plantés trop récemment n’étaient pas éligibles au cahier des charges proposé par le conseil départemental. L’objectif était aussi de privilégier les haies qui apportent d’autres cobénéfices environnementaux en matière de lutte contre l’érosion, de biodiversité ou de paysage. »
240 €/km de haies
Selon la méthode retenue et le type de haie ciblé, un kilomètre de haie stocke en moyenne 3 tonnes de carbone par an. La valorisation a été fixée à 80 €/tonne, ce qui est nettement supérieur au prix pratiqué sur le marché européen du carbone.
Chaque éleveur touche donc annuellement 240 €/km de haie en contrat. L’engagement est de dix ans avec une visite de contrôle par le technicien au bout de cinq ans. « Aujourd’hui, personne n’ignore les vertus des haies bocagères sur le plan de la biodiversité, du bien-être animal ou des apports agronomiques, conclut Benoît Hulmer. Mais dans le contexte que traverse le secteur laitier, si nous voulons que les agriculteurs dans leur ensemble prennent davantage la haie en considération dans leur système d’exploitation, il faut lui donner une valeur économique mesurable. Avec un tel partenariat, l’objectif est atteint. À l’avenir, nous espérons que des opérations similaires se multiplieront un peu partout en France. »
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