Selon Mathieu Cassez, un prix du lait très élevé ne garantit pas une meilleure capacité de résilience. Il faut aussi veiller à contenir les charges et les investissements.
«Dans la filière AOP comté, le prix du lait élevé (qui devrait tendre vers 520 €/1 000 litres en AOP comté, morbier et mont d’or confondues, en 2017, contre 380 € en 2008) fait, à lui seul, une grosse partie de l’EBE et du revenu des exploitations. En conséquence, les éleveurs sont moins attentifs à la maîtrise de leurs charges. L’intégralité de la richesse supplémentaire produite entre 2010 et 2015 par les exploitations laitières (+ 30 000 litres par exploitation, soit + 20 000 litres par UMO) a été captée par les marchands d’aliment, de matériel et de bâtiment. C’est le résultat d’une étude réalisée par la chambre régionale d’agriculture et la Draaf de Bourgogne Franche-Comté.
Dans une filière rémunératrice, le dynamisme des installations et les tensions sur le foncier génèrent un renchérissement du coût de reprise. La raréfaction de la main-d’œuvre bénévole et la recherche, légitime, de plus de confort dans le travail conduisent à une automatisation coûteuse : de 3 000 € la place en 2002, le coût d’un bâtiment neuf, dans notre région de montagne frontalière de la Suisse est passé à 10 000 €, voire 15 000 €, aujourd’hui.
Beaucoup d’éleveurs sont trop pressés. Au lieu d’échelonner les investissements, comme avant, des jeunes s’installent avec des bâtiments dotés des dernières technologies. Une partie des exploitations surinvestissent dans le matériel et les bâtiments sans faire de gain de productivité, ce qui entraîne une surchauffe sur le prix de revient.
Cocktail explosif entre bulle spéculative, dérèglement climatique et intensification
Dans le cadre d’une formation sur les coûts de production en 2017 portant sur 150 exploitations, la moitié affichait un prix de revient du lait supérieur au prix payé, avec un écart de 225 €/1 000 litres entre le quartile supérieur (619 €) et le quartile inférieur (394 €) . Si jamais le prix du lait devait baisser de 40 €, la moitié de ces exploitations aurait des problèmes de trésorerie.
La plupart des producteurs, en particulier la jeune génération qui n’a jamais connu de crise, n’ont pas assez conscience des risques liés à l’existence de cette bulle spéculative. Combinée au dérèglement climatique et à l’intensification (+ 350 litres/ha entre 2000 et 2015), sources de tensions fourragères et environnementales, elle constitue un cocktail explosif. Dès qu’il y a un coup de sec ou un passage de campagnols, les fermes sont en déficit fourrager, les incitant à rechercher des gains de productivité sur les surfaces fourragères. On voit ainsi apparaître des situations de contentieux avec les associations de défense de l’environnement sur des questions d’épandage ou d’ouverture du paysage. Elles pourraient devenir fâcheuses pour la notoriété du produit, et indirectement pour le prix du lait !
Contrairement à certains discours qui incitent à saturer les moyens de production à 100 %, nous pensons que les exploitations de montagne ne doivent pas aller au-delà de 80-90 % pour conserver une marge de sécurité. C’est ce qui permettra de faire face à un coup de campagnols ou à un retournement du marché et de rester sur un équilibre maîtrisable et durable. »
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