Des vaches heureuses et en forme quand l’éleveur gère le stress

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Le stress ne fait pas bon ménage avec l’immunité. En le réduisant, l’éleveur favorise la bonne santé de ses animaux. Et son propre bien-être.

Une vache laitière peut être comparée à une sportive de haut niveau qui, en plus de ses performances, doit assurer une maternité par an. C’est beaucoup, et cela génère du stress. » Vétérinaire dans le Finistère, Thierry Daridon fait le lien entre ce stress et les ennuis sanitaires de toutes sortes : pathologies cliniques et subcliniques, retards de croissance, échec à la reproduction… Les bovins laitiers sont soumis à deux types de stress : physiologique et psychologique. Le premier est mieux décrit, ce qui n’enlève rien à l’importance du deuxième.

Des risques accrus pendant la période sèche

Le risque de stress physiologique atteint son apogée entre le tarissement et le démarrage de la lactation suivante. Durant ces deux mois, l’organisme vit des transformations majeures. La mamelle doit cesser de produire, puis se préparer à repartir. Il faut accumuler tous les éléments nutritifs, vitamines et minéraux qui seront nécessaires à la production d’un colostrum de qualité. Les papilles du rumen régressent puis se régénèrent. Il faut aussi terminer la gestation, et mettre bas. Tout cela bouleverse le métabolisme et place la vache dans une situation pro-inflammatoire. Autrement dit, les produits de dégradation physiologique doivent être éliminés par l’organisme, sous peine de bloquer le métabolisme. Cela peut déboucher sur une forte production de radicaux libres qui entraînent un stress oxydatif des cellules, favorisant une destruction de membranes cellulaires.

Dans un premier temps, le système immunitaire réagit fortement à cette situation. Mais il arrive vite à saturation et devient inopérant. L’animal se trouve ainsi fragilisé et donc plus sensible à une éventuelle infection. On voit donc qu’un stress physiologique, provoqué par les bouleversements qui affectent l’organisme, se traduit par un affaiblissement des défenses naturelles.

Ne pas négliger le stress psychologique

Le stress psychologique aboutit à la même situation, mais suivant des mécanismes différents. On peut prendre l’exemple d’une primipare lors de son entrée en production. Elle quitte un environnement qu’elle connaît pour se retrouver dans un bâtiment avec des vaches plus âgées. L’intégration n’est pas facile et ces jeunes animaux se retrouvent souvent avec un accès à l’auge ou au repos insuffisant. La ration n’est pas bien assimilée, l’apport en minéraux et vitamines ne couvre pas les besoins. Le stress peut ainsi provoquer un déficit énergétique. L’acétonémie entraîne la production de corps cétoniques qui pénalisent l’immunité. L’animal voit donc ses défenses naturelles s’affaiblir.

Le stress physiologique et le stress psychologique se cumulent. On entre ainsi dans un cercle vicieux dont il est très difficile de sortir car tous les éléments s’enchaînent.

Les animaux stressés existent dans tous les systèmes de production. « On ne peut pas dire qu’on en rencontre davantage dans les grands troupeaux, par exemple », affirme Thierry Daridon. C’est l’éleveur qui fait la différence. D’ailleurs, le vétérinaire constate que les femmes se montrent plus sensibles que les hommes au stress des animaux. Elles le prennent davantage en considération.

La sensibilité au stress ne semble pas liée à l’animal. En revanche, elle peut s’exprimer à l’échelle d’un lot. Par exemple, si un animal a été mal écorné, il dominera fortement les autres qui s’en trouveront stressés.

Les effets du stress se voient très vite sur la santé du troupeau. Lorsque les pathologies se multiplient, surtout en début de lactation, on peut suspecter une mauvaise gestion de la période sèche génératrice de stress physiologique. Acétonémie, déplacement de caillette, boiterie ou mammite constituent autant de signes révélateurs de stress. À ces manifestations cliniques s’ajoutent des formes subcliniques qui pénalisent elles aussi la santé du troupeau. Pour une vache qui déclare une fièvre de lait, on considère que sept autres se trouvent en hypocalcémie (voir p. 65). Le ratio est le même pour l’acétonémie. Il faut donc s’interroger dès le premier cas. Les troubles de la reproduction ou les niveaux insuffisants de pics de production doivent également alerter sur une situation de stress. Si plusieurs primipares présentent des pathologies en début de lactation, il existe probablement un stress d’intégration.

De la même façon, lorsque les veaux sont fréquemment malades, on peut soupçonner que les mères ont été stressées et que la qualité du colostrum en a souffert. Les veaux aux poils ternes et à la croissance lente après le sevrage sont probablement affectés par le stress. Cela peut notamment retarder l’expression des premières chaleurs. Avec toutes les conséquences économiques liées au vêlage tardif.

Des conséquences multiples

L’impact économique du stress des animaux n’est pas simple à évaluer. Mais on sait, par exemple, qu’au-delà de 400 jours d’intervalle entre deux vêlages, chaque jour supplémentaire coûte 2 à 3 €, soit environ 40 €/vache pour un intervalle de 420 jours.

Les conséquences négatives du stress sont donc multiples, qu’il s’agisse de la santé des animaux, de la nécessité d’utiliser plus de médicaments ou des résultats économiques de l’exploitation. Et il faut y rajouter le stress subi par l’éleveur dans ces conditions. Tout faire pour éviter ou limiter le stress des animaux est donc bénéfique.

Cela passe par un travail en amont afin de subvenir aux besoins des animaux. Limiter le stress revient à respecter le bien-être animal. Lutter contre le stress physiologique implique d’abord d’agir sur le plan zootechnique. À chaque stade, chaque animal doit recevoir une ration adaptée à ses besoins (énergie, azote, minéraux et vitamines). Limiter le stress physiologique passe aussi par une approche médicale. Il s’agit de jouer sur tout ce qui perturbe l’immunité en réduisant les risques d’infection et en aidant l’animal à se défendre. Pendant la période sèche, il faut favoriser l’assainissement de la mamelle et éviter les nouvelles contaminations. La lutte contre le parasitisme participe à cette stratégie. Dans les deux cas, l’enjeu réside dans la définition d’un traitement adapté au risque. Celui-ci est lié à l’animal, mais aussi aux conditions météorologiques de l’année. Il ne peut pas être systématique.

Pour éviter le stress psychologique, l’espace vital est une notion essentielle à respecter. Une vache produisant 8 000 kg de lait a besoin de 8 m2 en aire paillée, même au tarissement. Les veaux doivent bénéficier d’un logement propre et à l’abri du froid. Car tant qu’il ne rumine pas, le jeune bovin peine à se réchauffer seul. Si une personne habillée légèrement a froid dans la nursery, alors les veaux ont froid aussi.

La gestion du stress des animaux fait ainsi largement appel au bon sens. Et elle implique une prise en compte permanente du bien-être des animaux.

Pascale Le Cann
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