« Je vais déléguer l’élevage de mes génisses au lieu d’agrandir »

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Faute de lisibilité suffisante sur le prix du lait, Jean-Marc Lemaire a revu puis remisé son projet d’agrandissement de la stabulation.

Depuis son installation en 1997, Jean-Marc Lemaire a doublé la taille de son atelier lait, passant de 40 à 90 prim’holsteins. « Celui qui n’avance pas recule, analyse l’éleveur d’Auvilliers-en-Gâtinais. C’est le prix à payer pour être encore là dans dix ans. » Conduites en zéro pâturage avec une ration mélangée à base de maïs ensilage et de pulpes de betteraves, les laitières affichent une moyenne économique de 8 650 kg par vache et sont hébergées dans une stabulation à logettes construite il y a quatorze ans.

Début 2014, dans une conjoncture laitière porteuse, Jean-Marc Lemaire se projetait dans une nouvelle phase de dévelop­pement. L’objectif était de produire 200 000 litres supplémentaires en agrandissant la stabulation existante, sans toucher au bloc traite (un roto de 18 places). « Les taries, actuellement sous le même toit que les laitières, ne sont pas logées dans des conditions optimales », explique l’éleveur.

« Dans nos régions, il y a encore des entreprises de transformation laitière »

En les déplaçant dans la nouvelle partie du bâtiment avec les génisses, il était possible de les conduire en deux lots (un lot tarissement, un lot préparation au vêlage) et donc d’améliorer les performances laitières d’au moins 300 à 500 litres par vache. Idem pour les génisses qui devaient être hébergées en logettes avec aire raclée, et qui auraient pu être allotées en petits groupes selon leur âge. Un box de vêlage et une infirmerie étaient également prévus. La stabulation ainsi agrandie pouvait, un jour si besoin, loger 150 vaches, et donc être encore attractive aux yeux d’un repreneur potentiel dans vingt ans. « Dans nos régions proches de Paris, il y a encore des entreprises de transformation laitière. Il devrait y avoir un avenir pour la production », note Jean-Marc.

Le contexte se prêtait à ce projet longuement mûri et chiffré à 600 000 €. « L’actuelle stabulation de 100 logettes était quasiment remboursée. Sodiaal proposait des références supplémentaires pour faire du développement. L’avenir, c’était la Chine. Nous avons accepté 200 000 litres en B. Il était prévu d’embaucher un mi-temps pour absorber la charge de travail. La révision du plan d’épandage ne posait pas de problème : nous pouvions échanger du fumier contre de la paille avec des voisins. Pour le permis de construire, nous avons demandé une autorisation pour 149 vaches laitières au lieu de 120, car quitte à faire une demande, autant prévoir grand. » Le permis a été accordé en septembre 2015 dans une conjoncture laitière déjà dégradée. Malgré la situation saine de l’exploitation, la banque n’a pas suivi et a conseillé d’attendre. « Entre-temps, nous avions dépensé 1 500 € pour modifier le plan d’épandage et 3 600 € pour le permis de construire », explique Jean-Marc.

Jean-Marc a alors retravaillé son projet sur la base d’un prix moyen du lait à 310 €/1 000 litres (qualité comprise) au lieu de 330 €. Pour réduire le coût du nouveau bâtiment à 374 000 €, des équipements ont été supprimés (portes automatiques, séparateur de phase). Au lieu de loger comme prévu les animaux en logettes, une aire paillée, moins onéreuse, a été retenue. Des investissements ont été reportés, tels que la réfection des silos et la pose d’un macadam dans la cour de ferme. Le nouveau dossier a été déposé à la Région pour obtenir les aides du PCAE (Plan de compétitivité des exploitations agricoles de 30 000 €).En janvier 2016, un nouveau budget partiel a été réalisé avec le comptable qui a conseillé de retarder la construction du bâtiment de un an.

« Avec le Heat Time, on a avancé de six mois l’âge du premier vêlage »

Compte tenu du niveau de prix du lait et des incertitudes sur l’évolution du prix du volume B, Jean-Marc s’est contenté d’investir 10 000 € dans un Heat Time, un système de détection de chaleurs pour remplacer l’ancien équipement vieillissant. « En zéro pâturage et sur caillebotis, les chaleurs sont discrètes. C’est une dépense vite rentabilisée. »

Trois ans après le lancement de son premier projet bâtiment et dans une conjoncture agricole incertaine, Jean-Marc Lemaire envisage les choses différemment. « Je vais sans doute déléguer en partie l’élevage de mes génisses, ce qui libérera de la place pour les taries, la priorité. Un voisin, qui arrête le lait, pourrait prendre en pension les génisses inséminées et échographiées. Il a les bâtiments, les pâtures et le foin. Par ailleurs, avec le Heat Time, on a avancé de six mois l’âge du premier vêlage des génisses (deux ans au lieu de deux ans et demi), ce qui nous libère également des places pour les taries. Pour réaménager efficacement cet espace pour les taries, nous investirons au maximum 30 000 € de béton et de barrières. »

Cette solution est suffisamment souple pour voir venir. La préoccupation du moment est de digérer l’année catastrophique 2016, marquée non seulement par un prix du lait en berne, mais aussi par des aléas climatiques sévères (inondations du printemps suivies d’un été sec). « Dans nos terres argileuses et hydromorphes, la moisson a été catastrophique (25 q/ha en blé tendre et 5 tonnes de matière sèche par hectare en ensilage maïs). Je n’avais pas d’assurance récolte. Il faudra deux ou trois bonnes années pour s’en remettre. Ma priorité aujourd’hui est de sécuriser l’alimentation du troupeau. Je fais les démarches pour obtenir le statut d’irrigant. Un voisin pourrait me louer son matériel d’arrosage et me pousser de l’eau, ce qui m’éviterait d’investir dans un forage. »

« Ce n’est pas l’époque pour investir »

Entrepreneur dans l’âme, Jean-Marc Lemaire aimerait développer son atelier lait mais faute d’un environnement suffisamment sécurisé, il doit, à 45 ans, ronger son frein en gardant le moral.

« Investir dans un nouveau projet donne de la motivation pour se lever le matin et aller chercher les bons centimes, estime-t-il. Mais ce n’est pas l’époque. Il y a trop d’incertitudes sur le prix du lait et trop de volatilité. La remontée des prix dont on nous parle sera-t-elle durable ? »

Garder le cap malgré la crise
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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