Son implantation conditionne les agrandissements futurs. Indépendante de la stabulation, elle laisse la possibilité de construire d’autres bâtiments laitiers.
Installée à quelques kilomètres de l’ancienne frontière entre les deux Allemagne, à 150 km de Hambourg, Christiane Brandes conçoit des projets de bâtiments neufs pour grands troupeaux. Elle a créé son bureau d’études Innovations Team en 1999. « Si un éleveur me sollicite pour une simple extension de bâtiment, généralement je refuse. Lorsque l’on envisage un investissement, il faut le réfléchir pour les dix à quinze prochaines années. Les projets évoluent au fil des ans. Autant l’intégrer dès le départ. »
Priorité à la salle de traite dans la conception du projet
Ses conseils reposent sur deux fondamentaux. D’une part, à 200 vaches et plus, les laitières sont dans une stabulation qui leur est totalement dédiée. Les bâtiments initiaux continuent d’être utilisés pour l’hébergement des élèves et des taries.
D’autre part, la salle de traite n’en fait pas partie. Elle est installée dans un petit bâtiment à côté, relié à la stabulation par un couloir de circulation perpendiculaire couvert. C’est le point de départ aux agrandissements ultérieurs. Cela suppose un terrain suffisamment grand. « Si quelques années après, l’éleveur veut de nouveau développer la production laitière, il pourra étendre le bâtiment (phase 2). » L’implantation de la salle de traite à côté de l’étable permet une phase 3 et une phase 4 d’agrandissement. En effet, de l’autre côté pourra être construite une nouvelle stabulation (phase 3), prolongeable si l’éleveur le souhaite (phase 4), en veillant à une implantation qui ne perturbe pas la ventilation des deux premiers bâtiments. « On peut ainsi investir par étapes. Il est même possible de démarrer uniquement par la salle de traite, puis de construire la stabulation deux ou trois ans plus tard. » C’est ce qu’a fait Uwe Zum Feld en 2002. Il a construit une 2 x 16 postes à 200 mètres de l’étable existante. Les vaches y font des allers-retours matin et soir en attendant la nouvelle stabulation. L’autre grand avantage d’une salle de traite séparée est la limitation des coins morts dans la stabulation. C’est ce que l’on rencontre généralement en France lorsque le parc d’attente débouche à l’extrémité du couloir d’alimentation ou de circulation. Cette configuration favorise les comportements dominants d’une catégorie de vaches.
Attention au surdimensionnement de la salle de traite
Vue de l’extérieur, la salle de traite ressemble à une maison. Elle est isolée des températures extérieures, éclairée par des fenêtres et ventilée grâce à un rideau que l’on peut descendre (manuellement ou automatiquement). L’air s’évacue par la faîtière. « Si elle est surdimensionnée par rapport au nombre d’animaux, la salle de traite est un lourd poste de charge, avertit Christiane Brandes. Elle doit fonctionner le plus possible dans la journée pour réduire son coût par vache. » Traduisez : une 2 x 12 pour 200 vaches est suffisante ; une 2 x 16 est capable de traire jusqu’à 1 100 laitières. « L’idéal est qu’elle fonctionne presque 24 heures sur 24. » C’est possible dans les très grands élevages, avec trois traites par jour assurées par trois équipes de salariés.
Au sud-ouest de Hambourg, Holger Meier a investi en 2008 dans une 2 x 12 TPA pour son troupeau de 200 vaches.
Les robots et rotos ne sont pas compétitifs
Deux salariés assurent la traite. Il faut bien comprendre qu’en Allemagne du Nord, les éleveurs de 200 vaches et plus ne se posent pas la question d’une main-d’œuvre familiale ou salariée pour la traite. Elle est forcément salariée. Si elle n’est pas allemande, elle est polonaise, roumaine, etc.
« Une installation surdimensionnée gonfle les annuités de remboursement d’emprunts. Elle contribue à des coûts de production élevés. En période de crise, cela ne passe pas », reprend Christiane Brandes. Elle appuie son analyse sur les investissements que son bureau a accompagnés. En 2014, le coût par vache de la construction du bâtiment de salle de traite et de son équipement s’élève à 1 140 € pour des fermes de 400 vaches et moins. Il descend à 980 € dans les troupeaux de 1 400 vaches en raison d’un sous-dimensionnement lié à un plus long fonctionnement dans la journée (lire ci-dessous). Ces coûts sont avec le tank à lait mais sans système d’identification, mesure du lait, etc.
Christiane déconseille le robot de traite. « Les robots sont trop chers. Ils ne sont pas compétitifs. De plus, par le contrat de maintenance et de dépannage, l’éleveur dépend du constructeur. » Elle n’est pas non plus favorable au roto de traite dans les élevages de 200 à 500 vaches. « Il faut un minimum de 800 vaches. L’implantation d’un roto requiert beaucoup d’espace, ce qui est coûteux. Les équipements sont aussi plus onéreux qu’une salle de traite. »
Six rangées de logettes pour contenir les coûts
Le principe d’une place par vache aux cornadis, cher aux yeux des éleveurs français, n’est pas suivi à la lettre. En effet, pour économiser en coût de construction, de chaque côté de la table d’alimentation centrale, le bâtiment est divisé en trois rangées de logettes (pour un total de six rangées donc). « Avec deux rangées, le bâtiment serait plus long pour un surcoût de 20 % », justifie Christiane. Malgré tout, le recours à la barre au garrot, plutôt que le cornadis, permet de s’approcher d’une place par vache. « Avec la barre, une vache occupe 50 à 60 cm, contre 80 cm pour une place de cornadis », explique Michel Welter, gérant de la ferme dite « des 1000 vaches » dont les plans ont été réalisés par Innovations Team (L’Éleveur laitier de septembre 2016, p.66). La contrepartie est l’obligation d’un système de contention en sortie de salle de traite.
Innovations Team compte également sur le rythme des animaux pour fluidifier la fréquentation de l’auge. « Selon une étude américaine, les vaches passent 60 % de leur temps couchées. Le turn over à la table d’alimentation se fait donc aisément. En revanche, la qualité du couchage est fondamentale », ajoute-t-elle. Elle prône des logettes creuses avec un mélange paille-chaux (photo ci-contre). Au final, il faut proposer 8 à 9 m2 par vache, abreuvement compris.
Investir dans le confort pour gagner en productivité
Une fois la conception générale du projet définie, il faut trouver le bon équilibre entre confort de l’animal et maîtrise des coûts de construction de la stabulation laitière. S’inspirant du vétérinaire américain Gordie Johns, le bureau d’études veille à ce que soit respecté l’ABC du confort de la vache : A pour « air », B pour « bunk » (alimentation et abreuvement), C pour « cow confort » (confort de la vache).
En Allemagne, ces règles sont fondamentales car les troupeaux de 200 vaches et plus ne sortent pas du bâtiment. La difficulté à organiser le pâturage des grands troupeaux, mais aussi les fortes chaleurs en milieu de journée à partir de juin, n’encouragent pas à faire pâturer les vaches.
Traite : des lots qui limitent le temps d’attente . Dans cet ABC figure le temps de traite. « Pour ne pas fatiguer inutilement la vache et créer du stress, entre le moment où la dernière du lot rentre dans l’aire d’attente et le moment où elle retourne à la stabulation, l’idéal est que ne s’écoule pas plus d’une heure », avance la conseillère. Son autre repère qui concilie travail (très) efficace et confort de l’animal : 5,5 vaches par poste et par heure de traite. Les vaches réparties en lots facilitent cet objectif. Leur taille dépend du nombre de postes de traite et du nombre de trayeurs (deux trayeurs pour au moins 2 x 12 postes et jusqu’à 2 x 24 postes).
Holger Meier, lui, a divisé en trois les 160 à 170 vaches en lactation : un premier pour les fraîches vêlées, un deuxième pour celles à plus de 30 litres par jour, un troisième pour celles en dessous. Ces deux derniers lots sont de part et d’autre de la table d’alimentation, qui est centrale. À tour de rôle, ils empruntent le couloir couvert d’une vingtaine de mètres vers le parc d’attente. Il est positionné au bout du couloir raclé, perpendiculaire à la stabulation. « Les deux salariés traient dans la 2 x 12 en deux heures auxquelles il faut ajouter vingt minutes de lavage. »
Contre les matelas dans les logettes. Comme son homologue anglais (lire p. 36), Christiane Brandes n’est pas favorable aux tapis et matelas dans les logettes, jugés trop agressifs. « Faites le test. Laissez-vous tomber sur les genoux ! » À l’inverse de son collègue qui plébiscite le sable dans des logettes creuses, elle est contre. « Je ne le conseille plus depuis des années. Il donne un lisier abrasif et les qualités de sable acheté ne sont pas régulières. »
Dans les logettes creuses, elle préfère un mélange de paille hachée et humidifiée et de chaux (un tiers de chaque) à raison de 0,5 kg/vache/jour.
Réduire la facture de 20 % par des appels d’offres
« Cette méthode économise la paille et fournit un couchage doux, qui épouse les formes de la vache. Toujours selon les Américains, offrir un couchage confortable augmente son repos d’une heure avec, à la clé, 1 à 1,5 kg de lait en plus par jour. Ce n’est pas pour se faire plaisir que l’on investit dans le confort mais pour des raisons économiques » , conclut-elle.
La ferme des 1 000 vaches l’utilise. Michel Welter avance un coût de 0,02 €/vache pour 200 à 300 g de mélange (paille à 80 € la tonne, chaux à 74 €).
C’est bien connu : pour obtenir des tarifs intéressants, il faut mettre en concurrence les fournisseurs. C’est ce que fait Innovations Team pour ses clients. Son équipe d’ingénieurs en construction chiffre les quantités de ciment, poteaux, ferraillage, logettes, barrières, abreuvoirs, etc. nécessaires à l’ensemble du projet. « Nous faisons un appel d’offres pour chaque type de matériaux et de matériels. S’il y a une alternative technique ou dans le choix du matériau, nous demandons que le candidat l’indique. La mise en concurrence permet de réduire de 20 % la facture. Pour la fosse à lisier, cela peut aller jusqu’à 40 % », assure Christiane Brandes.
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