
La filière laitière repose sur l'objectif de valoriser l'herbe par le pâturage afin de réduire les coûts. Toute l'organisation de l'élevage en découle.
L'HERBE CONSTITUE L'ATOUT MAJEUR de la filière laitière néo-zélandaise, et elle l'a compris depuis bien longtemps. Le climat doux et arrosé permet une pousse régulière tout au long de l'année, notamment dans l'île du Nord, bassin traditionnel de la production. Le Waikato (sud d'Auckland), qui produit le tiers du lait du pays, voit rarement le thermomètre descendre en dessous de 10°C. L'île Fumante, dénommée ainsi à cause de la présence de volcans, bénéficie en outre de sols portants qui permettent le pâturage toute l'année.
Les conditions naturelles sont plus contrastées dans l'île du Sud. À l'est, le Canterbury est une plaine de 60 km de large sur 200 km de long, au pied des montagnes. Les écarts de température sont plus marqués entre l'été et l'hiver. Il peut geler une trentaine de jours par an, et la pluviométrie se limite à 600 ou 700 mm par an. Plus au sud, les conditions climatiques sont proches de celles du Finistère, avec une répartition encore plus régulière des précipitations. À l'ouest, niché entre les montagnes et la mer de Tasmanie, le Westland reçoit 4 à 7 m d'eau par an, du nord au sud. Mais cette région vallonnée possède des sols sableux extrêmement portants. Là aussi, le pâturage se maintient toute l'année, même si les températures peuvent être négatives en hiver.
Malgré cette diversité des sols et des climats, le mode de production laitière est sensiblement le même partout. Il repose essentiellement sur la valorisation de l'herbe par le pâturage qui fournit en moyenne 90 % de la ration. Les fourrages stockés se réduisent à 500 kg de MS/vache/an, parfois sous forme d'ensilage de maïs. « Ils peuvent monter jusqu'à 800 kg sans avoir besoin de complémentation », souligne André le Gall, de l'Institut de l'élevage. Les éleveurs ont aménagé des paddocks, entourés de clôtures fixes et équipés en points d'eau. Ils sont desservis par des chemins stabilisés, capables d'encaisser le passage de plusieurs centaines de vaches, même par temps humide. Lorsque des routes coupent le parcellaire, des tunnels permettent de passer en dessous. Les Néo-Zélandais ont poussé très loin leurs recherches sur l'optimisation de la valorisation de l'herbe pâturée. Les paddocks sont généralement prévus pour une journée et la pâture doit être rase à la sortie. Chaque brin d'herbe doit être transformé en lait ou en viande. Des apports d'azote réguliers favorisent la repousse.
UN ÉQUIPEMENT RÉDUIT AU MINIMUM
Dans les régions les plus vallonnées, ces épandages se font en avion. Les prairies, souvent à base de RGA-trèfle blanc, sont refaites tous les dix ans. Cet objectif de valorisation de l'herbe pâturée a de nombreuses conséquences sur la conduite des troupeaux et la physionomie des élevages. Tout d'abord, les équipements nécessaires se réduisent au minimum. Peu ou pas de matériel puisque les vaches récoltent elles-mêmes. Pas de bâtiments non plus, puisque les animaux sont toujours dehors. Cependant, dans les régions arrosées du Westland, les éleveurs ont aménagé des parcs stabilisés qui accueillent les vaches en cas d'épisodes pluvieux prolongés. Ils installent des râteliers et des auges, et stockent un peu d'herbe sous forme de foin ou d'enrubanné. Puisque les vaches sont quasiment toujours en pâture, les déjections sont épandues… naturellement. Le plus souvent, les éleveurs disposent de fosses pour recueillir les effluents de la salle de traite. Selon la nature du sol, elles sont tapissées ou pas d'une géomembrane. L'épandage se fait dans la foulée par des asperseurs sur les pâtures. Les réglementations environnementales existent, mais varient selon les régions. Elles ne semblent pas contraignantes. Pour l'essentiel, les équipements en bâtiments se réduisent à une salle de traite. Il s'agit le plus souvent d'un local semi-ouvert, avec une aire d'attente extérieure. On voit aussi beaucoup de salles de traite rotatives. C'est la Nouvelle-Zélande qui a inventé ce système, très efficace pour traire des troupeaux de quelques centaines de têtes.
Autre particularité liée à l'herbe, la productivité par animal n'a ici aucune importance. Les éleveurs raisonnent en kilo de matière sèche utile (MSU) par hectare. Et la production laitière, calée sur celle de l'herbe, est très saisonnière. Les vêlages sont groupés au printemps et les vaches sont taries en hiver. La pousse hivernale suffit à couvrir leurs besoins.
DES CONCENTRÉS RARES ET HORS DE PRIX
Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande ne produit quasiment pas de céréales. Les fournisseurs éventuels de matières premières sont loin, ce qui rend les concentrés coûteux. Une autre raison de s'en passer, même si le tourteau de palme fait exception. La Malaisie est relativement proche et cherche des marchés pour ce produit. Les éleveurs en utilisent ponctuellement. La plupart disposent d'alimentateurs en salle de traite. Ils complémentent ainsi pour produire plus lorsque le prix du lait est intéressant. Les Néo-Zélandais ont sélectionné des vaches adaptées à ce système économe. Ils visent des gabarits légers, une bonne productivité et, bien sûr, une excellente fertilité. Le croisement entre la holstein et la jersiaise est très répandu car les animaux correspondent bien à ces impératifs (voir encadré). L'ensemble des pratiques est réfléchi de façon à réduire les coûts. Les vaches mammiteuses partent facilement à la réforme. L'hygiène de traite ferait bondir plus d'un éleveur français : ni lavage ni trempage, même quand les mamelles sont sales. Les griffes qui tombent sont rebranchées aussitôt, même si elles sont souillées. Il est vrai que la totalité du lait est pasteurisé. Et les fabrications industrielles n'imposent pas les mêmes standards de qualité que les fromages français. L'équarrissage n'existe pas et les bovins trouvés morts sont enterrés sur place.
La réussite à la reproduction représente la clé du système. Les génisses vêlent à deux ans. Les éleveurs fixent une date pour débuter les inséminations. Un taureau de race à viande, souvent angus, se charge des retours éventuels après deux inséminations artificielles. Mais les vaches qui ne remplissent pas assez vite sont réformées.
UNE INSTALLATION PROGRESSIVE POUR ÉTALER LA CHARGE
Malgré tout, les éleveurs subissent aussi des niveaux de charge plus élevés qu'en France sur certains postes. D'une part, la terre coûte cher : malgré la récente baisse des prix liée à la conjoncture laitière dégradée, il faut compter 15 000 à 20 000 €/ha dans le Westland et jusqu'à 30 000 € dans l'île du Nord. D'autre part, le gouvernement entretient une politique de taux d'intérêt élevés (7 % fin 2009). « On fait des prêts de carrière et, pour éviter la spéculation sur les terres, on n'a pas le droit d'emprunter plus de la moitié de leur valeur », explique un éleveur.
Enfin, même s'il n'existe pas ici de limite officielle à la production, les éleveurs doivent payer les parts sociales de la coopérative. Il s'agit d'un véritable droit d'entrée dans le métier puisqu'elles sont à régler avant de commencer à produire. Et le nombre de parts sociales, directement lié au volume produit, est actualisé chaque année. Cet investissement correspond à peu près à un an de chiffre d'affaires.
Tout ceci engendre un coût très élevé à l'installation. La valeur moyenne d'une exploitation laitière s'élève à 3 millions d'euros. Les Néo-Zélandais s'y sont adaptés en mettant sur pied un mode de transmission particulier, le share milking. Il s'agit d'étaler la charge pour le repreneur en échelonnant la reprise dans le temps. Au départ, le jeune achète le troupeau. Il assume toutes les dépenses et le travail liés aux animaux. Le vendeur conserve les terres et les charges qui y sont associées. Le produit de la vente du lait est partagé entre les deux. Au bout d'une dizaine d'années, quand le jeune a réussi à constituer un capital, il achète la totalité de l'exploitation.
Souvent, le seul bâtiment est la salle de traite : deux quais, simple équipement et aire d'attente extérieure. Les veaux mâles sont vendus à quatre jours et l'élevage des génisses de renouvellement est délégué.
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