
Le montant des reprises est plus élevé que la valeur économique des exploitations. Les structures à céder étant de plus en plus importantes, ce décalage devient difficile à supporter.
«AVEC UN PRIX DE 300 €/1 000 L, la reprise d'une partie des parts sociales passe. À 280 €, ça coince », confie, découragé, ce jeune de 28 ans, qui souhaite s'installer dans un Gaec parents-enfant. Pourtant, le projet est réfléchi. Son arrivée quelques années avant le départ des parents lui permettrait de prendre la mesure de cette exploitation de 500 000 l et, avec son associé, de préparer le rachat des parts sociales des parents.
« La valeur de reprise des exploitations laitières est en augmentation depuis plusieurs années, avec une concurrence importante entre les jeunes et les exploitants en place, constate Xavier Beaufils, du CER France Manche. La crise laitière marque un coup d'arrêt à ce phénomène. Des projets sont décalés. Les cédants ont moins de candidats à la reprise. » C'est que sa valeur est définie, dans la majorité des cas, à partir d'une estimation du cheptel, du matériel, des bâtiments et du foncier, s'il est à vendre.
1 000 € DE CHIFFRE D'AFFAIRES POUR 2 000 € DE CAPITAL
« Le montant n'est connecté ni à l'état des marchés ni à la capacité de l'exploitation à faire face au montant de la reprise. » Avec l'agrandissement des structures, ce décalage devient de plus en plus problématique, surtout dans les installations hors cadre familial. Les cédants sont moins enclins à revoir leurs prétentions à la baisse. La mise en rapport du chiffre d'affaires réalisé avec le capital d'exploitation engagé confirme cet état de fait. Selon CER France, les structures laitières réalisent un CA de 1 000 € à partir de 2 200 € de capital. À l'inverse, le secteur porcin est en phase : respectivement 1 000 € et 1 200 €. Soumis régulièrement aux crises, il a dû rapprocher la valeur des cessions à la faisabilité économique des projets.
« Notre travail avec le jeune consiste à définir cette faisabilité économique, poursuit Xavier Beaufils. Nous retenons un excédent brut potentiel de l'exploitation à partir de ses résultats et du projet du jeune. Lui fixe sa rémunération du travail et une marge de sécurité économique. Le solde lui permettra de rembourser ses annuités JA. » Si l'écart entre ce résultat et le financement de la proposition du cédant est trop important, l'installation est compromise. « Les deux parties doivent à nouveau négocier. La variable d'ajustement ne doit pas être la rémunération du travail. »
DESSERRER LE FREIN DU FONCIER
- Développer les baux cessibles
La reprise est d'autant plus compliquée à financer si les terres sont à vendre. Si les baux ruraux cessibles au descendant protègent de cette mésaventure un jeune qui reprend l'exploitation familiale ou les parts sociales de ses parents, les installations hors cadre familial sont en première ligne. « Le bail cessible créé en 2006 y remédie. En contrepartie d'une majoration du fermage, un propriétaire accepte d'en signer un d'une durée minimum de dix-huit ans. Le fermier pourra alors le céder à un tiers lors de son départ, explique Rachel Guiquerro, des Jeunes agriculteurs (JA). Il se séparera ainsi plus facilement de sa ferme s'il a construit des bâtiments sur des terrains loués. Malheureusement, le bail cessible est peu mis en oeuvre. Les propriétaires ne veulent pas s'engager au-delà du producteur en place. » Pour les JA, il doit être relié à un fonds agricole pour éviter le démantèlement de la ferme. Optionnel, là encore il a peu de succès. Dans le cadre du projet de loi de modernisation agricole (LMA), le syndicat ne propose pas des mesures incitatives pour ces deux volets, mais un accompagnement plus général des cédants (par exemple, un versement en une seule fois des cinq premières années de fermage défiscalisées).
- Constituer un groupement foncier agricole
Le GFA est une autre piste pour résoudre l'obstacle du foncier, en particulier dans le cadre familial. Le Gaec parents enfant étant l'outil juridique de transmission le plus courant, pourquoi ne serait-il pas locataire d'un GFA dans lequel sont rassemblées les terres que les parents ont en propriété. Comme aucune parcelle n'est affectée aux descendants, il évitera l'achat couperet que l'on observe après le partage des parcelles. « L'enfant exploitant peut racheter progressivement les parts sociales des autres membres et devenir majoritaire », avance Xavier Beaufils.
Les JA veulent rendre plus attractif ce dispositif via des crédits d'impôts pour l'acquisition de parts sociales. Ils proposent aussi d'élargir le potentiel des repreneurs aux personnes morales apporteuses de capital.
PRÉPARER LE RENOUVELLEMENT DES ASSOCIÉS
- Développer un contrat tremplin installation
Les Gaec rencontrent un franc succès en production laitière. Grâce au principe de transparence entre exploitations, ils ne sont pas soumis en particulier aux prélèvements de quotas. Pas étonnant donc que les grosses exploitations laitières soient majoritairement des Gaec à plusieurs associés. « Dans ces structures, l'organisation du travail est plus souple qu'avec des salariés. L'astreinte de la traite se gère plus facilement », avance Éric Mastorchio, de Gaec et sociétés. Pour cette raison, elles perdureront plus aisément sous cette forme ou sous une formule sociétaire approchante. » Encore faut-il qu'elles relèvent le défi du renouvellement de leurs associés. Alors que les jeunes rêvent d'être seuls à bord de leur exploitation, le plus gros potentiel d'installation se trouve dans les Gaec. Le nouveau parcours professionnel personnalisé à destination des futurs agriculteurs intègre cette dimension. Gaec et sociétés et les JA veulent l'approfondir dans la LMA. Ils proposent la création d'un contrat tremplin. « Le jeune aurait un statut d'associé temporaire. Il bénéficierait de la rémunération des associés du Gaec, participerait aux décisions, sans prise de parts sociales immédiates. Ce contratpermettrait de confirmer les objectifs de chacun et d'éviter les éventuels échecs », explique Rachel Guiquerro.
- Une déduction fiscale d'installation à l'étude
Parallèlement, Gaec et sociétés réfléchissent à l'instauration d'une déduction fiscale d'installation. « Afin d'alléger la charge financière de la reprise ou de conforter l'installation par un investissement complémentaire, une réserve pourrait être constituée à partir des résultats du Gaec durant plusieurs années et avant l'arrivée du jeune, détaille Éric Mastorchio. Elle lui serait versée en capital. » Elle ne serait pas soumise aux prélèvements fiscaux et sociaux. Si le projet n'aboutissait pas, cette déduction serait réintégrée dans le calcul fiscal. Des outils existent déjà pour préparer la transmission. Par exemple, éviter l'accumulation dans les comptes courants d'associés ou transformer le compte courant de l'ancien associé en prêt, avec un échéancier de remboursement.
REPRENDRE LE CAPITAL PROGRESSIVEMENT
- EARL ou SCEA
Elles autorisent qu'une partie du capital soit détenue par des associés non exploitants. Dans l'EARL, ces derniers peuvent détenir au maximum 49 % des parts sociales. Dans la SCEA, rien ne les empêche d'être majoritaires. Elles donnent la possibilité à l'éleveur de racheter progressivement leurs parts. « Ce sont généralement des apports familiaux, observe Stéphane de la Villesboisnet, de Cogédis. Dans la SCEA, l'apporteur peut aussi être une personne morale. De quoi l'ouvrir à des capitaux non agricoles ou à une structure financière portée par la profession agricole », suggère-t-il.
- Avec un contrat de vente progressive
Un autre mécanisme contribue à la transmission progressive d'une ferme ou de parts sociales, en particulier dans le cadre familial : le contrat de vente progressive. D'ici à la fin 2010, une déduction fiscale est accordée au cédant qui le signe. L'acquéreur paie 50 % du montant et s'acquitte du solde entre la huitième et la douzième année. En contrepartie, le cédant reçoit une rémunération sur le capital différé. « La déduction fiscale porte sur 50 % de la rémunération, plafonnée à 5 000 € pour une personne et 10 000 € pour un couple. Elle est peu pratiquée car le cédant accepte de renoncer à une partie de son capital pendant plusieurs années. »
C. H.
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