EN BELGIQUE : UN SEUIL DE RENTABILITÉ QUI RASSURE

Jean et Lieve Geelen se sont installés en 1983. Ils produisaient alors 400 000 l de lait. Ils sont aujourd'hui à 900 000 l après plusieurs achats de quotas, dont 200 000 l aux parents de Lieve.
Jean et Lieve Geelen se sont installés en 1983. Ils produisaient alors 400 000 l de lait. Ils sont aujourd'hui à 900 000 l après plusieurs achats de quotas, dont 200 000 l aux parents de Lieve. (©)

Une parfaite maîtrise technique associée à des fourrages bon marché et beaucoup de travail : Jean et Lieve ne craignent pas la dérégulation et attendent confiant la fin des quotas.

EN TANT QUE VICE-PRÉSIDENT de Milcobel, première coopérative laitière belge (3 500 livreurs), Jean Geelen connaît le marché des produits laitiers. Et c'est un éleveur confiant dans l'avenir de la production laitière. Sa coopérative lui a payé la livraison de juin au prix de 236 €/t. En novembre 2007, au plus haut du marché, il recevait 500 €/t.

« La baisse s'est amorcée en janvier 2008. Nous ne pensions pas alors qu'elle atteindrait ce niveau ni aussi longtemps. Nous sommes passés sous la barre des 300 /t en janvier 2009. Nous connaissons aujourd'hui les prix les plus bas, cela ne peut que remonter en 2010. » Il faut préciser que Milcobel dispose d'un mix produits orienté sur les produits industriels (beurre, poudres, fromages ingrédients) à hauteur de 50 % et sur le lait de consommation (25 %). Nous sommes en Flandres, province de Limbourg, à quelques kilomètres des Pays-Bas. « Une majorité d'éleveurs flamands a intégré cette volatilité et ne croit pas au retour d'une régulation européenne et des quotas. Il faudra vivre avec, comme le font les producteurs de porcs. C'est dur en ce moment, mais il faut tenir le coup en attendant des jours meilleurs. » Un discours libéral, parfaitement assumé. Et si le prix du lait continuait à descendre ? « Cela entraînerait l'arrêt de nombreuses exploitations et automatiquement une remontée des cours. » Un prix du lait stabilisé à 400 €/t en Europe ?

« Une utopie. À ce niveau, la rentabilité de l'élevage serait telle que des capitaux privés investiraient dans des usines à lait qui déstabiliseraient le marché. »

EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE

D'où Jean Geelen tient-il cette belle assurance quand d'autres éleveurs sont aux abois ? Un coup d'oeil à ses résultats économiques apporte un premier élément de réponse. Seuil de rentabilité : 160 €/1 000 l en 2008, un prix du lait pour couvrir toutes les charges hors la main-d'oeuvre familiale. En intégrant celle-ci et la rémunération du capital, Jean doit vendre son lait 259 €/t. Son seuil était même à 218 €/t en 2006, quand les intrants étaient moins chers. La moyenne des 29 exploitations du réseau EDF belge présente un seuil de rentabilité à 331 €/t.

L'efficacité économique de cette exploitation familiale est donc bien réelle. Elle se décline sur plusieurs plans. D'abord, la productivité du travail : un couple, 100 vaches et 900 000 l produits. EDF l'évalue en kg de lait/heure de travail.

Nous sommes ici à 194 kg/h. La moyenne EDF France est à 150 kg/h. « Cela se traduit par beaucoup de travail. Nous commençons à 5 h et rentrons à 19 h. Il n'y a pas de week-end et peu de vacances, mais nous aimons ce que nous faisons. »

Le bâtiment de 126 logettes sur caillebotis a été construit il y a onze ans, avec la salle de traite 2 x 10. Autre élément lié au premier : l'utilisation massive des services des ETA. Toutes les cultures, jusqu'à la confection des silos, sont déléguées. Même chose pour l'épandage du lisier. Les éleveurs ne possèdent qu'un tracteur de 80 ch, de quinze ans d'âge, pour la fauche de l'herbe et une mélangeuse automotrice d'occasion. Coût du matériel : 0,03 €/1 000 l (EDF France est à 0,08 €). Son efficacité économique, l'exploitation la doit aussi à ses performances fourragères et zootechniques.

Là aussi, les charges animales sont maîtrisées. Jean Geelen bénéficie de deux atouts de taille. D'excellentes terres limoneuses offrant des rendements de maïs-ensilage de 18 à 20 t de MS/ha. Les 4 ha de betteraves sucrières dans l'assolement lui permettent de récupérer à un excellent tarif, 350 t de pulpe humide qui enrichissent la ration. Celle-ci est complétée par de l'ensilage d'herbe récoltée à un stade précoce de façon à préserver la richesse en protéine. Les 32 ha d'herbe sont récoltés en ensilage (jusqu'à quatre coupes pour 14 t de MS/ha), le pâturage est presque anecdotique sur les 4 ha de prairies naturelles, puis sur quelques parcelles fauchées.

LOIN D'ÊTRE EN DANGER

Le chargement à l'hectare est donc très élevé avec une forte fertilisation azotée sur les prairies (400 U/ha). La baisse du prix du lait a-t-elle modifié la conduite du troupeau ? « Pas vraiment. J'essaie d'optimiser le lisier (obligatoirement enfoui), mais cela dépend de la météo.

Je m'interroge aussi sur l'intérêt du contrôle laitier. En coût alimentaire, nous sommes déjà bien placés avec 1 400 kg/VL de concentré, difficile de gagner sur ce poste. Nous ne sommes pas non plus des consommateurs de matériel. » Jean Geelen a aussi subi des charges que ne connaissent pas les Français : l'achat de quotas. « Nous en avons acheté plusieurs fois à des prix très hauts : jusqu'à 1,50 / l ». Si l'exploitation est loin d'être en danger avec un prix du lait à 250 €/1 000 l, Jean Geelen reconnaît que ce n'est pas le cas pour tous les éleveurs belges. « Les jeunes qui viennent d'investir ne sont pas dans une situation aussi confortable. Et beaucoup d'éleveurs n'ont pas su se constituer une réserve quand le prix dépassait 400 /t.

Il faudra gérer sa trésorerie en fonction des fluctuations de prix et gare aux investissements mal raisonnés. » L'avenir sans quotas, Jean l'aborde avec sérénité. « Passer à 120 vaches avec deux robots peut s'envisager. Mais je ne partage pas le modèle danois ou néerlandais qui s'oriente vers des structures de plus de 200 vaches avec salariés et robot... et des niveaux de dettes hallucinants. Ils ne remboursent que les intérêts et attendent la plus-value en fin de carrière. C'est une dépendance financière dangereuse. »

DOMINIQUE GRÉMY

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Maladies
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Herbe

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