
Dans tous les cas, les laiteries se garantissent un appro à leur convenance.
Dans le dernier numéro de votre revue préférée, les avantages et les inconvénients des contrats laitiers sont récapitulés. Au-delà d'une analyse rapide, il convient, comme pour un contrat d'assurances, de lire aussi entre les lignes.
Prenez la trimestrialité du groupe Bongrain. L'OP, ou les producteurs qui signent individuellement, s'engage à livrer chaque trimestre entre 22 et 27 % du quota. Si la livraison est supérieure, il y a pénalité… au prétexte que la laiterie a des frais supplémentaires pour écouler cette marchandise en plus. La pénalité sera appliquée à l'OP si après péréquation entre les OP du groupe, le volume est toujours en dépassement. On peut déjà imaginer quelques « collègues » peu scrupuleux qui livreraient à outrance, comptant sur les sous-réalisations de leurs petits camarades. Et qu'en serat-il de la péréquation entre les grandes régions à l'intérieur du groupe Bongrain ? N'est-ce pas une manière d'inciter à la migration de la production vers le grand Ouest ?
La laiterie appliquera une pénalité qui, globalement, viendra diminuer le prix d'achat du lait car, si sous le régime des quotas, ces amendes servaient à la restructuration des exploitations, à l'avenir elles iront directement dans la poche des laiteries. Qui a dit que les privés ne voulaient pas entendre parler de double prix-double volume ?
S'il y a sous-réalisation, après mutualisation nationale, là encore pénalité, car la laiterie serait dans l'incapacité d'honorer ses contrats de fourniture auprès des acheteurs. Elle pourra s'approvisionner sur le marché Spot mais les cours risquent d'être élevés en cas de pénurie.
En cas d'effondrement des cours, les producteurs pourraient être tentés de baisser la production pour perdre « moins » et faire remonter les cours. Mais là encore, pas moyen puisque la laiterie pénalisera les producteurs en sous-réalisation. C'est le principe de la double peine : des prix bas, plus une pénalité pour non-respect du contrat. Je croyais que la loi interdisait de vendre à perte ? Avec ces contrats ficelés et signés, on se demande bien comment la proposition de la FNPL appelée « clause de perturbation » pourrait jouer. La réalité est que les laiteries, sous couvert d'optimiser leurs outils de production, se garantissent un approvisionnement régulier à leur convenance, quels que soient les cours. Bref, c'est ceinture et bretelles
Le droit de grève inscrit dans la constitution française s'applique-t-il seulement aux ouvriers ou à tous les citoyens ? Là encore, les laiteries se garantissent par des clauses. Lactalis invoque l'inexécution du contrat en cas de rupture ponctuelle des livraisons. En gros, tu es viré ! Bongrain exige une régularité hebdomadaire pour éviter, explique-t-il la bouche en coeur, que les transformateurs à la ferme ne fabriquent en début de semaine et livrent à la laiterie le week-end.
Beaucoup d'autres clauses mériteraient d'être décortiquées. Le nouveau ministre de l'Agriculture veut réétudier les contrats, mais quelle laiterie lâchera du lest, maintenant que nombre de producteurs contraints et forcés ont signé ? Puisque les contrats sont ficelés, la solution en cas de crise est de pouvoir passer outre en invoquant la loi : interdiction de vendre à perte en période de crise et droit de grève. Avant d'être dans le mur, réfléchissons à des mesures coercitives pour être prêt à réagir dès la prochaine crise. Il y a bien, en France, quelques juristes capables d'introduire des coins dans les failles des contrats.
Comme disait ma grand-mère : « Si tu veux la guerre, prépare la paix » et « La gentillesse s'improvise, l'agressivité se prépare ».
PASCAL POMMEREUL
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