Le bio ne se décrète pas

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« Le monde agricole [...]est régi par la réalité », et ce n’est pas moi qui le dis.

En France, les avis sur le bio ont tendance à être très polarisés, si bien qu’ils constituent un nouveau clivage. Surproduction de lait bio et consommation qui se tasse : les prix baissent chez le producteur. 10 % du lait est déclassé en conventionnel, Biolait demande une réduction des volumes. D’ici à 2022, ce sont 240 Ml qui vont arriver sur le marché, portant le total à 1,35 Mdl. Savencia et Agrial mettent en pause les conversions. À Cuba, des émeutes de la faim se sont déroulées en juillet. Pourtant, face aux embargos et avec une situation géostratégique compliquée, depuis les années 1990, le pays a développé une agriculture en grande partie bio. En 2015, le journal en ligne Basta ! écrivait : « Les écologistes du monde entier en rêvent, les Cubains l’ont réalisé. » La réalité semble à nuancer. En Autriche, pays européen le plus en avance avec 25 % de sa surface en bio, la production dépasse la consommation et localement, les petits producteurs se concurrencent. Le pays exporte une importante part en Europe. Au Sri Lanka, l’état d’urgence alimentaire est déclaré. Cette grave crise économique vient en partie d’une décision gouvernementale d’interdire l’importation d’engrais et herbicides de synthèse et de n’utiliser que les engrais organiques locaux.

Lors d’une réunion, j’ai eu la confirmation que l’on trouve aussi des producteurs bio en situation très précaire ou en redressement judiciaire. Pourtant, les détracteurs de l’agriculture conventionnelle affirment que l’épanouissement personnel et le salut de la profession passent par une conversion bio. Loin de moi l’idée de prôner l’un ou l’autre des systèmes. La réalité est implacable : un projet mal ficelé, des conditions météorologiques désastreuses, un manque de compétences, des besoins financiers mal anticipés… et voilà la cabane tombée sur le chien.

Des consommateurs bien intentionnés mais ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez assènent : ‘’Plus les volumes produits augmenteront, plus les prix baisseront donc les produits bio seront accessibles à la grande majorité’’. CQFD ! Les producteurs bio seront alors dans le même schéma économique que les conventionnels. « Toutes les idéologies politiques qui ont voulu planifier le monde paysan ont échoué parce que le monde agricole ne peut être géré par des théories, il est régi par la réalité », a dit le fort en gueule Olivier de Kersauson. La Commission européenne a publié l’étude sur les conséquences de ses stratégies Biodiversité et De la ferme à la fourchette. D’ici à 2030, il faudrait réduire les phytos de 50 %, les engrais de 20 % et développer 10 % des surfaces à forte diversité paysagère et 25 % en bio. Il en résulterait une baisse comprise entre 10 et 20 % de la production suivant les secteurs et une baisse de revenu de 5 000 € par exploitation, primes comprises. En conventionnel, notre solde laitier avec l’UE à 27 est passé de plus d’un milliard d’euros par an à pratiquement zéro. La collecte a reculé de 3 % depuis 2015 quand nos concurrents ont augmenté de 7 %. La montée en gamme de nos produits, et donc les prix, font que nous nous faisons tailler des croupières par nos concurrents (Pologne, Irlande). Voilà, il y a les bonnes intentions vers lesquelles il faut tendre et la réalité du terrain.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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