Mes nouveaux voisins

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« Les villes devraient être bâties à la campagne, l’air y est plus pur », comme dirait l’autre.

Depuis l’invention de l’agriculture et la sédentarisation des chasseurs-cueilleurs, il y a dix mille ans, notre Terre mère s’est progressivement peuplée, et en très grande majorité de paysans. Le terme n’a rien de péjoratif, puisque c’est celui qui vit au pays et qui fait vivre le pays, par les multiples fonctions de la production agricole. La population mondiale a connu une croissance exponentielle ces derniers temps mais en France, celle du monde paysan est passée de plus de 3 millions après-guerre à environ 400 000 aujourd’hui. Depuis quelques années, les agriculteurs ne sont plus majoritaires dans le monde rural, les résidents non agricoles se faisant plus nombreux dans nos campagnes. Et l’épidémie de Covid-19 ne va pas diminuer cet attrait des « villotins » pour l’habitat rural.

Les statistiques de la Safer et des notaires montrent une augmentation des transactions en milieu rural de plus de 6 % en 2020. Ce sont 1 120 000 maisons à la campagne qui ont été vendues l’année dernière. Après des décennies d’exode rural, les départements proches des grandes villes vivent ce que l’on pourrait appeler un exode urbain. Même la Creuse ou l’Aveyron connaissent cette tendance. Le rat des villes redevient rat des champs. Le sociologue Jean Viard parle d’un « réenchantement des territoires ». Il n’y a pas de territoires condamnés, il n’y a que des territoires sans projets. Auxquels il suffit d’une couverture internet infaillible et d’un lien ferroviaire avec les métropoles. Les nouveaux arrivants apportent leurs réseaux, leur créativité, et leurs enfants fréquentent les écoles locales. Tout cela est certes prometteur, mais pose aussi son lot de problèmes. Ces nouveaux venus tirent les prix de l’immobilier vers le haut, au détriment des locaux. Et la cohabitation entre « rurbains » et agriculteurs risque de se crisper sur le partage du territoire, le bien-être animal, l’environnement, bref, sur un changement radical de la façon de produire. Or l’agriculture évolue sur un temps long et déteste les changements brutaux et radicaux.

Actuellement, de nombreux jeunes souhaitent abandonner des métiers aux salaires confortables pour revenir cultiver en permaculture. Retrouver le jardin d’Éden en laissant faire la nature. Comme après 68 – quand des idéologistes partaient dans le Larzac élever des chèvres –, des projets alternatifs fleurissent comme les coquelicots dans un champ de blé non désherbé. Tous ces néoruraux ont le droit de faire leurs preuves. Comme dans beaucoup d’entreprises, un tiers tirera son épingle du jeu, un tiers végétera, un tiers disparaîtra. De bon gré ou contraints, nous allons devoir nous adapter à ces tendances lourdes. Et si nous en faisions des alliés, afin d’obliger nos grands groupes industriels à respecter nos produits et les coûts de production ? Si nous regardons notre métier à l’aune d’un exercice comptable ou d’un remboursement d’emprunt, nous sommes coincés. Mais si nous envisageons l’agriculture sur un temps plus long, nous voyons que nous avons toujours su nous adapter et répondre aux grands défis. Alors faisons preuve de souplesse, d’adaptabilité, d’opportunisme, même, et relevons le challenge.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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