Il faut le dire

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Pour un débat éclairé, je vous livre, sereinement, mes cinquante nuances d’arguments.

C ela fait bientôt quinze ans que j’écris cette rubrique que TheNew York Times nous envie. Si tu me lis régulièrement, tu te demandes à qui je vais encore m’en prendre. Ce n’est pas difficile de trouver des têtes de Turc en ce moment. L’actualité regorge d’approximations, de contre-vérités, de manipulations. « Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison », disait Albert Camus. Et « partout, de féroces prêcheurs préfèrent attiser les haines plutôt qu’éclairer les esprits », pour citer Jean Birnbaum dans son livre Le Courage de la nuance. Certes, je ne fais pas toujours dans la nuance mais il vaut mieux prêter à penser que de donner à rire ou tendre l’autre joue. Et écouter l’autre, entendre ses arguments, débattre, trouver un consensus pour permettre des transitions sereines.

« Les agriculteurs sont des pollueurs » ; « Le plan Écophyto est un gouffre financier sans réduction des tonnages épandus »  : ces affirmations fleurissent dans les journaux et s’appuient sur des données brutes. Générations Futures donne la liste des départements qui épandent le plus de phytos en 2019. On trouve, dans l’ordre, la Gironde, la Marne, le Loiret, la Seine-et-Marne et la Somme, donc la vigne et les grandes cultures. Pas étonnant : je rabâche que lorsque l’élevage disparaît, les cultures augmentent au détriment de la biodiversité. Quand on regarde dans le détail, on s’aperçoit que depuis vingt ans, les tonnages de phytos ont diminué de moitié.

Bien sûr, la concentration des matières actives permet d’épandre moins par hectare. En 2018, les tonnages ont flambé pour anticiper sur la nouvelle réglementation mais le biais n’est pas là. En dix ans, les produits de biocontrôle à risque faible ont été multipliés par 2,5. En France, on épand 11 000 tonnes de soufre, 3 000 t de cuivre, 5 000 t d’huile de vaseline et de colza et l’acide pélargonique est utilisé par la SNCF et les jardiniers (préconisation : 22 l/ha) pour remplacer le glyphosate (5 900 t). Donc les produits phyto diminuent et les produits bio augmentent même s’ils sont souvent utilisés en conventionnel. Quand on mélange les torchons et les serviettes, le compte n’y est plus.

Ce que l’on dit moins, et qui est tout à l’honneur des éleveurs, c’est que le tonnage d’antibiotiques en élevage a diminué de 11 % entre 2018 et 2019 soit 422 t. Depuis 2015, c’est une baisse de 36 % qui a été constatée (alors que le plan prévoyait 25 %) dont une majorité de molécules dites « critiques ». Pendant ce temps, le tonnage d’antibiotiques à usage humain (730 t en 2015) n’a pratiquement pas baissé, entraînant un report du plan. La filière élevage n’a presque pas communiqué sur cette histoire.

Autre affaire, quand le consommateur va apprendre que les eaux usées des stations d’épuration chargées en matières actives diverses et plombées de virus sont épandues sur nos terres, il va encore jouer les vierges effarouchées. La solution serait de refuser tout épandage des stations. Quand celles-ci seront pleines et que les toilettes des villes déborderont de m..., on discutera. Mais là, on n’est plus dans la modération ! Donc je vous laisse ici avec ces arguments pour un débat calme, serein et dans la nuance.

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Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
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Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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