Sodiaal versus Lactalis

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Après un Cash Investigation très à charge et sans nuances, un doute s’est installé.

Cash Investigation soulève bien des questions et provoque des débats. L’émission, menée par une Élise Lucet pugnace, manque de nuances et fait dans le sensationnel. Bien des points méritent une explication plus détaillée pour nous, professionnels. Les 565 M€ de prétendu trésor de guerre attribués à Sodiaal ne sont pas des liquidités détournées, mais juste des fonds propres liés à une revalorisation des actifs lors de la vente de 51 % de Yoplait à General Mills. Autre fausse énormité qui nous a choqués, ce ne sont pas 3,5 M€ qui ont été reversés aux producteurs en 2016 mais 25 M€. Face à l’intervieweuse choc rodée, Damien Lacombe a pu sembler pathétique, comme un Geppetto dépassé par son Pinocchio. Mais sur une heure quarante-cinq d’interview, seules cinq minutes ont été gardées, celles où il apparaissait le plus ennuyé. Facile, et peu honnête.

Cash Investigation « révèle » aussi à ceux qui n’avaient pas lu Les Cartels du lait(1) que Sodiaal détient une société (Liberté Marque) basée au Luxembourg, réputé pour sa largesse d’esprit financier. Loin de moi l’idée de remettre en cause la probité des administrateurs et du président. Mais quand une coop s’allie pour 49 % des parts à un privé (Sodiaal dans Yoplait), il ne faut pas non plus s’attendre à des cadeaux de ce dernier. Si le coopérateur de base est incapable de démêler l’écheveau en assemblée générale, les administrateurs sont-ils suffisamment formés pour gérer un colosse aux pieds d’argile d’une telle complexité ? Dans la même émission, l’interview de Michel Nalet, porte-parole de Lactalis. Il connaît son sujet sur le bout des doigts et défend bec et ongles son patron, avec morgue et mauvaise foi. Bon, c’est son job et, on l’imagine, très bien payé. Puis on apprend dans la foulée, par le magazine Ebdo, que Lactalis aurait créé, en 2006, Nethuns, une société écran aussi au Luxembourg qui lui permettrait de laver 2 milliards et d’échapper au fisc français pour un montant de 330 M€.

Alors, privé, coop, même méthode ? D’un côté, le premier privé laitier et, de l’autre, le premier groupe coopératif collectent des milliards de litres et brassent des sommes colossales. Les deux ont des comptes au Luxembourg. Les deux envoient leur homme au charbon pendant que les PDG et les directeurs de holding restent prudemment à l’abri. Les deux tirent les prix vers le bas. Et que va faire Agrial (coopérative) en rachetant les concessions Claas de Caen et Rennes via la création d’une société de participation ? Et avec quel argent ? Celui de ses producteurs de salades 4e gamme largement bénéficiaires ou celui des producteurs de lait sous-payés ? Avant d’acheter des tracteurs, n’aurait-il pas mieux valu investir pour valoriser le milliard de litres collecté et revendu à Savencia (un privé) ? Pendant que les privés recentrent leurs activités et externalisent tout ce qui n’est pas le cœur d’activité, la coop diversifie à tout-va. Drôle de stratégie ? Comme disait ma grand-mère : « Autant vaut être mordu du chien que de la chienne... »

(1) De Karl Laske et Elsa Casalegno, Éditions Don Quichotte.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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