Dans un Parlement plus fragmenté, avec des compromis plus difficiles à trouver, de quelle façon la composition de l’Assemblée, mais aussi les nominations européennes en cours(1) auront-elles un impact sur les nouveaux équilibres à Bruxelles ?
Michel Dantin : Il faut s’attendre à une forte poussée de vent d’Europe du Nord, des pays où le groupe des libéraux puise sa majorité. Cela n’est pas forcément très favorable aux positions habituelles défendues par la France : nécessité et intérêt d’une Organisation commune des marchés (OCM) forte, approche d’abord économique du soutien à l’agriculture (aides couplées, en particulier). Le fait que nous n’ayons pas de délégation puissante dans les grands groupes que restent le PPE (chrétiens-démocrates) et le S & D (sociaux-démocrates) sera sans doute un lourd handicap. Mi-juin, il n’était même pas certain qu’un Français puisse avoir une place au sein de la commission agricole du PPE. Cela montre la perte de poids de la France dans cette opération.
Les négociations concernant la nomination des futurs responsables des institutions de L’Union européenne (Parlement, Commission, BCE) sont très compliquées. Ce qui m’affole, c’est qu’il n’y a pas d’entente, de lien personnel entre les hommes et les femmes au niveau des chefs d’État et de gouvernement. Il n’y a pas que le Brexit qui peut fragiliser l’Europe.
Dans ce contexte, quelles sont les perspectives pour la future Pac ?
M.D. : Il existe un fort risque que l’agriculture devienne un supplétif de l’environnement. On s’attendait à des moments difficiles, mais on n’imaginait pas une telle fragilisation des positions françaises. L’affaire Nathalie Loiseau, la chef de file de la liste Renaissance (LREM), un temps pressentie pour présider le groupe des libéraux et sortie du jeu après ses propos totalement déplacés, nous a couverts un peu plus de ridicule. L’époque où la France disait « je veux » est révolue. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une époque où notre pays doit se contenter de dire « je souhaite ». On nous le fait savoir. Au sein du Parlement, plus que le nombre de députés connaisseurs des questions agricoles (il n’a pas baissé), c’est la moindre sensibilisation des élus non en charge des questions agricoles qui pose problème. Plus que jamais, la capacité de la France à intervenir sur les enjeux agricoles va reposer sur la force de persuasion des élus et de leurs équipes.
En juin dernier, il n’y a pas eu d’accord partiel sur la réforme de la Pac. Vingt États ont estimé qu’il fallait d’abord connaître le budget 2021-2027. Un rapport de progrès a juste été transmis à la nouvelle présidence de l’UE, la Finlande. Où en sont les discussions ?
M.D. : Rien n’est acquis à l’heure qu’il est. Le travail fait en 2018 au sein de la commission agricole du Parlement pour améliorer les propositions inacceptables de la Commission européenne, en particulier en matière de renforcement des outils de gestion de crise, peut être remis en cause. Les inquiétudes portant sur la baisse du budget agricole (- 15 % en euros constants pour les aides du premier pilier, - 25 % pour celles du second) et le risque d’une Pac dépecée sont toujours là. Les discussions reprendront cet automne, une fois la phase d’installation des nouveaux élus et hauts fonctionnaires dans les différentes institutions européennes achevée.
Dans cette ambiance, comment interpréter l’accord Europe-USA sur l’augmentation des contingents d’importation de bœufs sans hormones, et la ratification imminente des accords de libre-échange avec le Mercosur ?
M.D. : Alors que le Parlement est en veilleuse depuis quelques semaines et que les nouveaux députés ne sont pas encore installés, la Commission européenne profite du trou d’air et retrouve ses mauvaises habitudes.
Propos recueillis par Anne Bréhier
(1) Commission, Parlement, Banque centrale européenne.
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