Les discussions sur la réforme de la Pac post-2020 ont débuté dans un contexte financier très incertain lié au Brexit et au développement de nouvelles politiques. Pour Michel Dantin, le projet actuel de la Commission doit être retravaillé.
Le risque d’une Pac dépecée, dans laquelle le budget agricole ne serait plus qu’un budget d’accompagnement de la contrainte environnementale, et non plus un budget de soutien à une activité économique, est-il réel ?
Michel Dantin : Les propositions faites début juin par Phil Hogan, commissaire à l’agriculture, sont bâclées et mauvaises. En euros constants (tenant compte de l’inflation), elles se traduiraient, en 2027, par une baisse de 15 % des aides du premier pilier (paiements directs) et de 25 % pour le second pilier, celui du développement rural (ICHN). Pour compenser, Bruxelles suggère de rehausser le taux de cofinancement national. Les projets de la Commission n’apportent aucune réponse aux insuffisances apparues depuis 2013 en matière d’organisation des marchés et de gestion de crise. À un cadre fort, déclinant une vision politique pour l’agriculture européenne, se substituerait une multitude de copies nationales porteuses de distorsions de concurrence. Même s’il faut de la souplesse pour tenir compte des conditions différentes de climat, de latitude et de biodiversité, il est essentiel de garder des grandes lignes de fond communes.
Les avancées obtenues fin 2017 dans le cadre du règlement Omnibus, telles que la possibilité donnée aux éleveurs laitiers de se regrouper en OP pour négocier un contrat, peuvent-elles être remises en cause ?
M.D. : Les libéraux, mis en minorité lors de la révision à mi-parcours de la Pac, pourraient revenir à la charge. Il faut être extrêmement vigilant. C’est pourquoi je me suis battu pour être rapporteur du groupe PPE (Parti populaire européen) sur la réforme de l’organisation commune des marchés. Il faut élargir les critères de non-production. Les outils que j’avais proposés lors de la réforme précédente, mais qu’une majorité d’États avaient refusés, ont fait défaut lors de la dernière crise laitière. Tant décriés en Allemagne, ils ont finalement été mis en œuvre dans ce pays en septembre 2016 pour rétablir l’équilibre des marchés.
Il faut aussi inventer de nouveaux outils : l’intervention des années 1970 ne fonctionne plus, faute de débouchés tels que l’URSS.
Dans le cadre du verdissement de la Pac et dans une optique de simplification des réglementations, je vais suggérer de reconnaître les procédures et cahiers des charges de labellisation et de certification existants (agriculture raisonnée, labels, appellation d’origine protégée…).
Quand la production d’une vache laitière est plafonnée à 5 000 kilos par hectare avec limitation des concentrés et que la priorité est donnée à l’alimentation à base d’herbe, on est déjà dans une démarche agroenvironnementale.
Alors que la Chine, le Brésil et les États-Unis augmentent leur budget dédié à l’agriculture, l’Europe peut-elle baisser la garde en matière agricole ?
M.D. : La balle est aujourd’hui dans le camp des chefs d’États. Ce sont eux qui déterminent le montant des recettes budgétaires. Après avoir envoyé des signaux contradictoires ces derniers mois, le gouvernement français est désormais prêt à faire bouger les lignes et à défendre le budget de la Politique agricole commune. Il revient aux législateurs d’améliorer le texte présenté début juin en veillant à ce que les décisions soient conservées aux mains des politiques et non des administrations de la Commission et des États membres. En l’état actuel, les propositions de Phil Hogan sont inacceptables car elles desservent le Parlement de tout droit de regard. La réforme ne sera pas mise en œuvre avant 2022-2023. Alors que certains à Bruxelles sont tétanisés par les résultats des prochaines élections de l’Union européenne en mai 2019, un accord avant la fin de la législature paraît surréaliste .
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