Et sur la tête, avec, qui plus est, quelques coups de poignard dans le dos.
Un rapport du Sénat paru fin mai prédit que la balance commerciale agricole mondiale de la France deviendra déficitaire en 2023. Si l’on enlève les 6 Md d’euros générés par les vins et spiritueux, nous sommes déjà, et depuis longtemps, dans le rouge. Au niveau européen, nous sommes passés de 7,4 Md d’euros d’excédents en 2008 à -300 millions en 2018. Il n’y a pas forcément besoin d’un pompeux rapport sénatorial pour prendre conscience de l’enjeu. Ici même, au travers de mes nombreuses chroniques, je vous ai alertés avec des chiffres simples. En lait, nous produisons moins qu’en 1980, année référence des quotas. En porcs, en 2000, la France, l’Allemagne et l’Espagne produisaient chacune 25 millions de carcasses. Aujourd’hui, la France en produit 24 millions, l’Espagne environ 50 et l’Allemagne, 54. En poulet, nous étions les premiers producteurs européens et nous sommes maintenant derrière la Pologne.
Comment une grande nation agricole peut-elle passer du top 5 des pays exportateurs mondiaux dans les années 1990 à une modeste place importatrice nette ? En interne, nous ne sommes pas soutenus par nos politiques : entre 2012 et 2018, neuf plans stratégiques ont été annoncés, tous aussi inefficaces les uns que les autres. Les maigres résultats de la loi Égalim tiennent plus à la demande mondiale qui tire les prix que de son application malmenée par les centrales d’achat. Notre SAU a perdu 60 000 km2 depuis 1961, soit l’équivalent de la région Grand-Est. Le coût horaire du travail a augmenté de 58 % entre 2000 et 2017. L’agribashing permanent nous démoralise. Au niveau européen, les récents accords du Ceta et du Mercosur sont de véritables coups de poignard dans le dos de l’agriculture. Au niveau mondial, les grands pays comme le Brésil, la Chine, la Russie, les États-Unis et l’Argentine nous taillent des croupières.
Alors « produire pour produire » n’est certainement pas une fin en soi mais le maintien d’un tissu rural dense est une condition indispensable à l’équilibre de notre beau pays. Cela passe obligatoirement par un revenu décent des agriculteurs. Quand notre administration lance un appel d’offres de steaks à 3 € le kg, elle se retrouve avec de la viande polonaise dégueulasse. La montée en gamme de nos produits est une évidence mais alors pourquoi accepter d’importer des produits étrangers à la qualité plus que douteuse (bœuf sans traçabilité, miel frelaté chinois, cerises turques traitées) ?
Une petite lueur d’espoir, la production totale de la France en 2018 progresserait de 5,7 %, à 76,4 Md d’euros. Certaines ONG nous soutiennent pour défendre notre traçabilité vis-à-vis des accords internationaux. Pour la troisième année consécutive, le journal The Economist place la France au premier rang mondial pour la durabilité de son modèle agricole. N’importons pas les produits d’une agriculture que nous ne voulons pas en France.
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