PRIX DU LAIT : UNE GRANDE INCERTITUDE POUR LA FIN DE L'ANNÉE

La production de lait a explosé sous toutes les latitudesPHOTO : © CLAUDIUS THIRIET
La production de lait a explosé sous toutes les latitudesPHOTO : © CLAUDIUS THIRIET (©)

La croissance de la production avait dégradé les cotations. Le ralentissement estival redonne un peu d'optimisme aux producteurs. Mais au-delà de septembre, il est impossible d'avoir une vision nette

FIN MAI, LA COTATION DU BEURRE EN VRAC ÉTAIT À 2 400 €, contre plus de 4 100 € l'an dernier à la même époque. Avec cette chute des prix des produits industriels depuis le début de l'année, la valorisation beurre-poudres n'était plus que de 218 €/t. On apprend maintenant que le prix du lait en Allemagne a fortement décroché en mai, de - 13 à - 20 €/t. La Muh, l'un de nos concurrents majeurs sur le lait de consommation, n'a offert que 264 €/t. Observons-nous les prémices d'une nouvelle crise sur le lait ? Des crises qui, sans instruments de régulation des marchés dans l'Union européenne, nous sont désormais promises au moindre décalage entre l'offre et la demande.

Plus alarmant encore, connaîtrons- nous, en 2012-2013, un effet ciseau dévastateur avec un prix du lait bas et des intrants toujours à la hausse ? Certains, comme l'OPL, tirent déjà la sonnette d'alarme en réclamant que l'UE renonce à l'augmentation programmée de 1 % des quotas.

93 000 T DE BEURRE AU STOCKAGE PRIVÉ

Une chose est certaine : la production mondiale de lait a connu une croissance exceptionnelle en 2011 et 2012, sans que le moindre événement climatique ne vienne perturber ce dynamisme. Les cinq grandes zones exportatrices de produits laitiers ont inondé le marché (voir infographie). Jugez plutôt : + 10,5 % en Nouvelle-Zélande et + 13,4 % en Argentine. Une météo favorable dans l'hémisphère Nord a permis de poursuivre la tendance début 2012 : + 4 % aux États-Unis et + 2,4 % en Europe. En face, la demande mondiale de produits laitiers n'a pas faibli, mais sans absorber cette hausse colossale de l'offre. Les entreprises ont stocké.

Toutes les matières premières ne sont pas touchées au même niveau. Sur les protéines laitières (poudre 0 % et lactosérum), l'UE, aidée par une parité €/$ favorable, tient son rang de grand exportateur et participe à alimenter un marché chinois toujours avide. Depuis la réforme de la Pac de 2003, les cours intérieurs de l'UE sont proches des cours mondiaux, ce qui évite de faire des stocks. L'affaire est plus compliquée pour les matières grasses. Le marché de la poudre 26 % est tenu en grande partie par l'Océanie (Nouvelle- Zélande en tête). Après avoir flambé en 2011, la cotation du beurre européen est aujourd'hui très dégradée, mais l'écart avec le prix mondial est encore trop grand (470 €/t) pour espérer exporter.

Face à la collecte dynamique de ce printemps, les transformateurs ont eu massivement recours au stockage privé, qui atteint un niveau élevé de 93 000 t. Des volumes qui se retrouveront sur le marché à l'automne. Pour ne rien arranger, la Nouvelle-Zélande nous a envoyé 30 000 t de beurre au premier trimestre 2012, en utilisant son quota à droits de douanes réduits. Dans ce marché baissier depuis fin 2011, les acheteurs se sont couverts a minima, accentuant la dépression des cours. Seule la valorisation du lactosérum est épargnée, tenue par la demande mondiale toujours plus grande sur les laits infantiles.

DÉSÉQUILIBRE CYCLIQUE

Nous sommes donc loin de la situation de 2008-2009 qui était une crise de la demande. Aujourd'hui, tous les économistes s'accordent à répéter que les fondamentaux du marché des produits laitiers sont structurellement bien orientés. Leur argument choc : neuf milliards d'êtres humains à l'échéance 2050 sur la planète, et le développement déjà amorcé d'une classe moyenne dans les grands pays émergents, consommant toujours plus de produits laitiers. Entre-temps, les déséquilibres cycliques de l'offre et de la demande entraîneront une inévitable volatilité. Autrement dit, producteurs de lait, débrouillez-vous ! Il faut au minimum deux ans pour faire produire une vache, mais vous n'aurez pas de visibilité sur le marché au-delà de trois à six mois. C'est exactement ce qui se passe maintenant. Depuis début juin, les marchés ont atteint leur point bas, comme l'indiquent les enchères de Fonterra, la grande « pythie » du marché mondial. La raison principale en est le creux de la production hivernale dans l'hémisphère Sud, et la baisse de la collecte après le pic printanier dans l'hémisphère Nord. Il y aura moins de lait disponible d'ici les trois prochains mois. Cette inflexion des marchés est psychologiquement importante pour les acheteurs naturellement attentistes en période de baisse et qui s'empressent de se couvrir. C'est plutôt de bon augure pour confirmer la remontée des cours. La demande estivale sera aussi portée par le début du ramadan en juillet dans les pays musulmans. On annonce un achat important (60 000 t) de poudre 0 % par l'Algérie, qui profitera majoritairement aux exportateurs européens. Les économistes que nous avons contactés sont unanimes : « Pas d'inquiétude jusqu'en septembre-octobre. Au-delà, tout est possible. »

Entendez : si la production laitière mondiale reprend avec le même niveau de croissance qu'en 2011-2012, la demande mondiale ne l'absorbera pas et nous courrons vers les ennuis. Tout le monde aura les yeux rivés sur le redémarrage de la collecte en Nouvelle-Zélande, en septembre. Il est quand même peu probable que l'Océanie et l'Amérique du Sud nous gratifient, deux années de suite, d'une croissance à deux chiffres. Le reste n'est que supputations : l'augmentation des prix des céréales et du soja pourrait-elle entraîner une baisse de la production laitière ? Comment réagira la consommation en cas de crise économique mondiale ? Plus pernicieux, observerons-nous un accident climatique quelque part dans le monde pour calmer l'offre en lait ? Seule chose certaine, le prix du lait en France au second semestre sera plus faible que celui de 2011. La baisse importante du prix en Allemagne en mai touchera dès le mois d'août le prix français. Ensuite, le prix allemand toujours réactif connaîtra-t-il une hausse cet été et de quel niveau ?

FATAL POUR CERTAINS TRANSFORMATEURS

Mais la valorisation du lait français se fait aussi sur le marché des produits de grande consommation (PGC), moins soumis aux soubresauts du marché mondial. Après avoir progressé légèrement en 2011, les prix de vente se sont stabilisés en 2012. La consommation des fromages tient bon et la valorisation liée à cette fabrication est soutenue par les cours intéressants du lactosérum. Le point noir des PGC est aujourd'hui le lait UHT (voir encadré) qui pourrait être fatal à certains transformateurs. « Avec une production de lait de consommation qui valorise le lait à 250 €/t, moins que le beurre-poudres, nous pouvons être inquiets pour les entreprises françaises très orientées sur ce produit et qui ont acheté le lait à leurs producteurs aux environs de 330 /t », nous confiait un observateur de la filière.

DOMINIQUE GRÉMY

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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