Des lueurs d’espoir s’allument sur le marché du lait liquide. Le consommateur accepte enfin de payer pour avoir des garanties, et l’État s’en mêle. Reste à transformer l’essai pour booster les volumes et le nombre de producteurs bénéficiaires.
Les États généraux de l’alimentation vont-ils sauver le marché du lait de consommation, enlisé dans des valorisations dérisoires ? On voudrait le croire.
Car ce secteur, qui absorbe 13 % de la collecte française, cumule les handicaps. La consommation a reculé de 3,4 % en 2016 (voir infographie), soit 113 millions de litres(1) de lait. Le consommateur paie en moyenne 0,90 €/litre (toutes qualités confondues) ou 0,77 € pour une brique UHT de lait demi-écrémé. C’est le résultat de la guerre des prix, mais aussi de la banalisation du produit.
Des initiatives qui marchent bien
Cependant, les consommateurs sont demandeurs de garanties sur les produits. C’est peut-être de là que viendra la solution. Les démarches d’identification foisonnent depuis un an. Et ça marche. L’exemple de C’est qui le patron ? ! est emblématique. La coopérative Bresse-Val de Saône (Ain) qui a créé la démarche espérait vendre 7 Ml/an sous la marque. Un an après, elle est à 50 Ml. Et ce n’est pas fini.
« Des distributeurs nous contactent parce que leurs clients cherchent notre lait », relate Philippe Leseure, directeur des filières à LSDH (Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel), fournisseur de la marque. Pour les éleveurs qui ont lancé la démarche, 90 % des livraisons sont payées à 390 €/1 000 l (38/32). Un niveau permis par un prix de vente à 0,99 €/l en rayon. Les consommateurs l’acceptent parce que ce lait répond à des critères qu’ils ont choisis (pas d’OGM, origine française, pâturage, rémunération des producteurs).
Dans l’Ouest, c’est la marque En direct des éleveurs qui cartonne. Là aussi, on retrouve des garanties sur l’origine et le mode de production du lait (Bleu Blanc Cœur, alimentation sans OGM), ainsi que sur la rémunération des éleveurs. Un an après l’inauguration de l’usine, 7 Ml ont déjà été commercialisés. Et les producteurs engagés ont perçu 350 €/1 000 litres sur toutes leurs livraisons, grâce à un prix de vente à 0,95 €/litre. Les distributeurs en veulent plus et le concept est en passe de se développer, notamment dans le Finistère. « Des éleveurs sont prêts à répondre au cahier des charges. Nous avons un collecteur, une usine et des clients locaux. Mais nous butons sur les difficultés de certains éleveurs pour quitter Sodiaal », précise Fabrice Hégron, l’un des initiateurs de la démarche. Car la coopérative applique strictement son réglement intérieur pour les démissions.
Malgré des volumes encore modestes, ces exemples prouvent qu’il est possible de créer de la valeur, en s’appuyant sur la sensibilité des consommateurs aux modes de production et au sort des éleveurs. L’analyse du marché montre également que les laits spécifiques sont en croissance.
Jamais le contexte n’a été aussi favorable
Mais peut-on aller plus loin, sortir du marché de niche ? C’est l’idée d’Emmanuel Macron, développée lors de son discours aux EGA. Pour assurer un prix rémunérateur aux producteurs et en finir avec la guerre des prix, il faut monter en gamme via un projet de filière. La signature de la charte d’engagement, le 14 novembre, montre qu’un premier pas a été franchi. Souhaitons que ces bonnes intentions résistent à la dureté des négociations. Réponse en mars 2018.
Il n’empêche que jamais les conditions n’ont été aussi favorables pour faire bouger les lignes. Qu’il s’agisse des consommateurs, des transformateurs, des distributeurs, des producteurs ou encore de l’État, tous montrent une volonté d’obtenir un meilleur retour de la valeur vers la production, à condition de monter en gamme et de répondre aux attentes sociétales.
L’enjeu est donc de sortir un maximum de lait du créneau basique, pour l’identifier selon les souhaits des consommateurs avec une plus-value à la clé. Lancée au Space, la marque Lait de pâturage s’inscrit dans cette logique de masse. La rédaction du cahier des charges est en cours et l’on espère voir bientôt les premières briques.
L’appel de Sodiaal
De son côté, Sodiaal appelle à un large mouvement des fabricants. Dans une tribune (Les Échos du 8 septembre), son président, Damien Lacombe, propose un nouveau contrat de valeur qui portera sur « des engagements transparents autour de quatre piliers : la rémunération équitable des éleveurs, le bien-être animal, le temps passé au pâturage et l’alimentation sans OGM ».
Le projet reste à finaliser mais l’on sait déjà que le Lait de pâturage est l’un des piliers de la démarche qui associera également Orlait, gros vendeur de lait UHT sous MDD et premier prix.
Ce sursaut de Sodiaal répond, certes, à une volonté d’élargir le nombre de producteurs bénéficiant d’une plus-value. Il s’agit aussi d’éviter un éclatement du marché qui noierait les consommateurs. Et la coopérative veut prendre sa part du gâteau. Difficile pour elle de voir des petites marques lui souffler les meilleurs segments de marché.
Si ce contexte pousse plutôt à l’optimisme, n’oublions pas que cette montée en gamme a une contrepartie : répondre aux attentes de la société pour une alimentation saine et durable. Ce qui, pour les politiques, implique une transformation des modes de production. Quid des élevages sans pâturage et consommateurs de soja ? C’est sans doute à eux que pense Emmanuel Macron lorsqu’il évoque « nos producteurs […] qui se sont mis dans des modèles productifs où il n’y a pas d’avenir ». Leur accompagnement devra s’organiser dans le cadre du plan de filière qui reste à écrire.
(1) Les chiffres sont issus de Syndilait.
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