ALLEMAGNE : UN AN APRÈS LA GRÈVE LA DIVISION

Deux visions de l'avenir - Le BDM, qui prône des quotas gérés en fonction du marché, séduit le sud, où les exploitations sont de taille moyenne. Le DBV, syndicat majoritaire qui estime que les quotas ont fait leur temps, trouve plutôt écho dans les grands, voire très grands troupeaux du nord et de l'est.© MARIE FAGGIANO2 - © CLAUDIUS THIRIET
Deux visions de l'avenir - Le BDM, qui prône des quotas gérés en fonction du marché, séduit le sud, où les exploitations sont de taille moyenne. Le DBV, syndicat majoritaire qui estime que les quotas ont fait leur temps, trouve plutôt écho dans les grands, voire très grands troupeaux du nord et de l'est.© MARIE FAGGIANO2 - © CLAUDIUS THIRIET (©)

Deux organisations syndicales se disputent les faveurs des producteurs avec des visions diamétralement opposées sur la politique laitière à mener.

GROS CONTRE PETITS, PRODUCTEURS CONTRE LAITERIES, BDM CONTRE DBV : dans l'Allemagne laitière de 2009, les clivages sont multiples. Ils ne sont pas forcément nouveaux. Le nord et, à plus forte raison, l'est du pays sont connus pour détenir de grands, voire très grands troupeaux, alors que le sud se caractérise par des ateliers traditionnels avec de moindres effectifs. Syndicat spécialisé né en 1998, le BDM ne critique pas le principe des quotas. Il accuse plutôt leur gestion qui « n'a pas été assez rigoureuse en Allemagne ». Aujourd'hui, il demande la mise en place, au niveau européen, d'instruments de mesure des évolutions des marchés pour ajuster régulièrement l'offre à la demande. Le BDM est à l'origine de l'EMB (European Milk Board) qui s'efforce de faire entendre cette position en Europe, à travers des relais dans chaque pays producteur. En France, il travaille main dans la main avec l'OPL (Coordination rurale).

LUTTE FRONTALE OUVERTE ENTRE LE BDM ET LE DBV DEPUIS MAI 2008

En face du BDM, le DBV, syndicat majoritaire et généraliste, équivalent de la FNSEA, créé en 1948, estime que les quotas laitiers ont fait leur temps. Sa vision de la gestion du marché est clairement libérale. Selon lui, les volumes à produire doivent faire l'objet d'un contrat entre les livreurs et transformateur. À eux seuls de s'entendre sur le système à mettre en place. Selon le DBV, tout modèle fonctionnant sur une base privée semble le plus adapté pour régler la question des prix et des volumes. Aux yeux du BDM, ce type de relation présente le handicap de ne pas considérer le marché dans sa globalité.

Le début de la lutte frontale directe entre les deux frères ennemis du syndicalisme remonte au 27 mai 2008. Ce jour-là, le BDM décide d'appuyer sur le bouton déclencheur de la première grève de livraison du lait. Une large frange de producteurs s'associe, non sans exaltation, à un mouvement dont on attend qu'il fasse remonter le prix des 1 000 l à 430 €. Pour quels résultats après neuf jours d'action ? Le sommet du lait convoqué en juillet est stérile. Les belles paroles des enseignes de hard discount, qui consentent une augmentation de 0,10 € du prix de vente en rayon du litre de lait et une autre de 0,20 € de la plaquette de 250 g de beurre, s'envolent avec les premières feuilles de l'automne. Le 7 novembre, la Chambre haute du Parlement donne le coup de grâce aux idées du BDM en rejetant tout système de limitation de la production nationale. Pire, elle souscrit à l'augmentation de 2 % des quotas prévue par la Commission européenne. Cinq mois après son déclenchement, il ne reste rien des maigres bénéfices de la grève. Avec le recul, l'initiative s'est même montrée contre-productive. « Le sud de l'Allemagne a perdu son débouché traditionnel italien. Là-bas, on compte désormais davantage sur un approvisionnement tchèque et polonais. Les industries agroalimentaires ont modifié leurs recettes et ont substitué des matières grasses végétales aux matières grasses laitières. Par ailleurs, le mouvement a cassé les amitiés entre les éleveurs. Des grévistes ont fait pression sur des non-grévistes. Certains ont commis des actes de vandalisme pour qu'ils les rejoignent. Ces blessures mettront beaucoup de temps à cicatriser », énumère un fonctionnaire bavarois.

LES DEMANDES DU BDM « IRRÉALISTES » ?

Selon le DBV, cet échec et « un mode de fonctionnement interne où quelques-unes décident de tout » auraient coûté au BDM 4 000 des 34 000 adhérents qu'il revendiquait à l'orée de l'été 2008. Le BDM dément catégoriquement.

La singularité du paysage syndical laitier allemand est que 90 % des adhérents du BDM sont aussi des cotisants du DBV (1)un mode de fonctionnement interne où quelques-unes décident de tout . Cela n'empêche pas les deux organisations d'entretenir un dialogue de sourds. Au BDM qui lui intime de taper du poing sur la table pour obtenir, des pouvoirs publics, un système souple du contrôle des volumes produits, le DBV répond qu'il est impossible de dégager une majorité en Allemagne et en Europe sur ce point. Il considère toute bataille pour le maintien des quotas comme inutile, car les dés au sein de l'Union européenne sont jetés. « L'ensemble des États membres a voté la réduction des financements de l'intervention, des aides aux utilisateurs et des restitutions à l'exportation. Ces trois formes de soutien ainsi qu'une protection sans faille aux frontières sont absolument nécessaires pour qu'un système de quota fonctionne avec succès et que la production puisse espérer un prix du lait stable. Imaginer le retour d'une telle organisation de marché est tout simplement utopique », indique Rudolf Schmidt, expert laitier du DBV. « La mondialisation des marchés a commencé. Il vaut mieux que l'industrie laitière allemande se restructure (2) pour créer des entreprises capables de faire contrepoids à la grande distribution et de s'affirmer à l'international. » Son président, Gerd Sonnleitner, entend de la même manière « préparer ses adhérents à la vérité ». Il juge les demandes du BDM « irréalistes ». Le BDM estime que si la pression de la base persiste, ses chances de voir ses demandes aboutir sont de 50 %. Il est même prêt à donner le signal d'une deuxième grève des livraisons !

Sur le terrain, peu d'interlocuteurs tiennent cette perspective pour vraisemblable. Les producteurs sont échaudés par l'échec de la première grève. Ils y réfléchiront aussi à deux fois parce que des jugements ont été rendus après les blocages de laiteries en 2008. En cas de récidive, la police interviendrait sans tarder. « Le BDM influence beaucoup les éleveurs, en particulier dans le sud de l'Allemagne où se trouve l'essentiel de ses adhérents. Les éleveurs ont compris qu'ils sont en train d'être livrés aux forces colossales du marché. Beaucoup suivent le BDM parce qu'ils pensent qu'il faut bien essayer quelque chose et que cela réussira peut-être. »

LES ÉLEVEURS FONT LE GROS DOS ET MOBILISENT LEURS ULTIMES RÉSERVES

« Si le BDM a suffisamment de poids pour faire valoir ses revendications auprès du gouvernement bavarois, il en manque pour les imposer au niveau fédéral », analyse toujours le même fonctionnaire bavarois.

Même le discours du BDM demeure prudent sur cette menace de grève. « Il faut en discuter au préalable avec les producteurs, concède Hans Foldenauer, son porte-parole. La base est un peu sceptique, mais il ne reste plus beaucoup d'autres possibilités d'actions. Si les producteurs allemands lancent le mouvement seuls, ce sera plus difficile que s'ils peuvent compter sur la solidarité des autres producteurs européens. »

Dans la tourmente des prix du lait 2009, la plupart des éleveurs font le gros dos en mobilisant leurs « ultimes réserves ». Les plus hardis sont prêts à investir, car « comme dans le porc, c'est quand les prix sont bas qu'il faut se lancer ». Rudolf Schmidt table sur une poursuite de la restructuration de la production au rythme habituel de 5 à 7 % par an. Les producteurs de lait allemands sont encore près de 100 000. Une étude prospective de la FAL, équivalent de l'Inra, en pronostique 40 % de moins en 2015. Contre l'avis du BDM, le DBV semble prêt à ce que les lois du marché choisissent ces 60 000 élus.

KONRAD RICHTER

(1) Le DBV revendique 59 000 adhérents producteurs de lait.(2) Nordmilch et Humana, les deux plus grandes coopératives allemandes, ont décidé de créer Nordkontor, leur société commune de vente. Ce projet est considéré comme un premier pas conduisant à leur future fusion. Dans cette hypothèse naîtrait le plus grand acteur laitier du pays avec 6,7 milliards de litres collectés.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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