Les fromages AOP pris dans la tempête du Covid-19

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Initiatives. Malmenés par la crise, les fromages AOP se mobilisent pour limiter au maximum la dégradation des prix.

La crise du Covid-19 a ébranlé l’équilibre offre-demande qui fait le succès économique des fromages AOP. La fermeture des rayons à la coupe en GMS, l’interdiction des marchés traditionnels, la moindre activité des crémeries en milieu urbain, ont plombé la demande… Un trou que le boum des ventes aux rayons en libre-service n’a pas comblé, même pour les chanceux présents sur ce créneau. La réouverture, dans un second temps, de certains rayons à la coupe et marchés n’a pas non plus permis de corriger le tir. Retour sur six semaines de crise.

Jura Des mesures coercitives pour réduire la production

Le « - 20 % » des ventes en semaine 13 a sonné le tocsin dans la filière comté. En première ligne, les affineurs. Et pour cause : sortant d’un hiver où les fabrications avaient été très soutenues, ils ne se voyaient pas digérer le pic de production de lait et de fromages lié à la mise à l’herbe, sans devoir faire de la place dans leurs caves déjà bien trop pleines… Ce qui les aurait contraints à brader leurs vieux fromages. S’ajoutait à cela le risque de voir nombre de fromageries mixtes diriger leur lait à morbier, AOP bien plus touchée (- 50 % de ventes), vers du comté.

Pour tenir le marché sans nuire aux prix de vente, le CIGC, l’interprofession du comté, en accord avec d’autres AOP jurassiennes (morbier, mont d’or, bleu de Gex) a décidé le 1er avril de baisser la production de lait et de fromages de 8 % au deuxième trimestre. Cela via une arme légale coercitive : les surcotisations à payer en cas de dépassement des droits à produire délivrés aux ateliers de fabrications, par ailleurs revus à la baisse. Pour être sûr que la mesure soit appliquée, elles ont été portées à 6 €/kg de fromage… Rédhibitoire.

Le CIGC a accompagné cette mesure de précaution, prise dans l’urgence, d’une clause de revoyure. Objectif : adapter le niveau de réduction au plus juste de l’évolution des marchés. Car il le sait, demander aux exploitations un - 8 % sur leur production correspond à un effort important. En semaine 15, l’heure était plutôt à une amélioration sur le front du recul des ventes de comté et morbier… mais encore loin de l’équilibre.

Savoies Le reblochon particulièrement exposé

Avec la fermeture prématurée des stations de sports d’hiver, ajoutée aux autres bouleversements des circuits de distribution, les Savoies sont entrées brutalement dans la crise. De nombreuses filières jusqu’alors en manque de lait ont basculé dans un trop de lait. Selon les circuits commerciaux et les opérateurs, les pertes de marché varient de 20 à 80 %.

Ici aussi, pour éviter une accumulation de stocks qui pèserait sur les marchés et les prix, un appel à une réduction des livraisons (- 20 % en AOP, et - 10 % en IGP) été lancé par l’Interprofession laitière savoyarde, dès le 21 mars. Chacun l’a décliné en dispositifs plus ou moins contraignants : abaissement du droit à produire printanier en reblochon fermier, activation du prix B dans certaines coopéra­tives… Le 20 avril, la baisse des volumes se situait entre - 5 et - 10 % selon les filières­.

Parallèlement depuis six semaines, 500 000 à 600 000 litres de lait, dont 70 % issus de la zone reblochon, la plus touchée, sont dégagés sur l’Italie, malgré des prix très bas (150 €/t). Outre des opérations de dons de fromages aux soignants et pompiers, un programme d’achat de produits laitiers en faveur de la banque alimentaire est en cours avec les intercommunalités.

« En ces temps de crise, la force collective et l’observatoire des fromages savoyards, actualisé chaque semaine par les opérateurs, constitue de précieux outils », pointe Christophe Léger, le président de l’Interprofession laitière savoyarde.

Massif central Sodiaal à la rescousse des PME régionales

Les AOP d’Auvergne aussi ont pris de plein fouet la claque du Covid-19. Les filières ont dû réagir rapidement à une chute des ventes allant de 60 à 100 %. Pour éviter d’avoir à jeter du lait, Sodiaal a été appelée à la rescousse. Les quatre premières semaines, la coopérative a collecté chaque semaine près de 300 000 l de lait d’excédent d’une dizaine de PME… Moins ensuite, elle-même ayant des excédents laitiers en hausse. Direction, pour ces laits, son site de séchage de Rodez, afin d’éviter qu’ils ne soient payés au prix du lait Spot.

Diminuer la production laitière et fromagère pour ne pas remplir davantage des caves pleines a été le mot d’ordre général. « Nous sommes passés de 7 jours de fabrication par semaine à 2 jours, explique la Fromagerie Condutier, à Pierrefort (400 t de cantal AOP, du beurre et de la tomme fraîche). Début avril, nous avons du vendre sur le marché Spot à des prix allant de 160 à 180 €/1 000 l ». Le salers AOP a démarré sa production au plus tôt afin de libérer du lait des marchés peu valorisés. L’affinage long de cette AOP strictement fermière ouvre des perspectives d’avenir. En saint-nectaire, la congélation autorisée par le cahier des charges a permis de stopper temporairement les entrées dans des caves déjà pleines. Le bleu d’Auvergne et la fourme d’Ambert ont opté pour un report d’affinage grâce à une diminution de la température dans les caves. Sur les six entreprises fabriquant ces pâtes persillées, trois ont arrêté la fabrication et deux sont à 50 % de leur volume de production.

« Les producteurs fermiers ont cessé de fabriquer, et livré tout leur lait durant les deux premières semaines, explique Nicolas Cussac, producteur et président de l’AOP bleu d’Auvergne. Les fabrications ont repris grâce à la débrouillardise avec des ventes locales, des drives fermiers, des drives organisés par des crémeries… »

Jean-Michel Vocoret, Anne Bréhier et Monique Roque
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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