«Le métier est beau, on travaille dehors mais ça ne suffit plus quand le prix payé au producteur n’en finit plus de baisser, alors que les charges continuent de progresser. » Au récent congrès de la Fédération nationale bovine, de nombreux représentants d’éleveurs ont exprimé le désarroi de leurs troupes. Une détresse illustrée par des chiffres en berne : en 2019, le revenu courant des éleveurs de race à viande s’est établi à 15 000 € par UTH (- 16 % par rapport à 2018). Le constat est sans appel : « Sans les aides PAC, 87 % des exploitations allaitantes auraient un revenu négatif. Avec moins d’offres et des débouchés toujours présents, rien ne justifie la baisse des prix payés à l’amont, à part une logique destructrice de valeur au sein de la filière. »
1 500 élevages de moins chaque année
Malgré de forts gains de productivité, beaucoup jettent l’éponge. La décapitalisation s’accélère, avec 156 000 vaches allaitantes en moins entre 2017 et 2019. Le nombre d’élevages chute. De 800 par an entre 2007 et 2016, la baisse annuelle (1) est passée à 1 500 depuis trois ans (l’effet Gaec n’expliquant pas tout).
Alors que les accords de libre-échange se multiplient, que le Brexit laisse planer la menace de 250 000 t d’exportation de bœuf irlandais supplémentaires dans l’UE, l’interprofession parie sur une montée en gamme. La stratégie actée dans la foulée des Égalim, est ambitieuse : commercialiser, d’ici fin 2022, 40 % de l’offre de viande bovine sous Label rouge (1,7 % aujourd’hui).
L’espoir de valoriser des crédits carbone
La contribution environnementale de l’élevage pourrait aussi, à terme, être valorisée. C’est le but de France Carbon Agri, structure créée par les organismes de l’élevage de ruminants (FNPL, FNB, FNO, FNEC). Elle doit aider les éleveurs à vendre des crédits carbone identifiés sur la base d’un diagnostic et d’un plan d’actions à cinq ans. Celui-ci est fondé sur l’outil Cap2R, d’Idele. Il détermine les tonnes de CO2 non émises grâce à l’optimisation des pratiques (fertilisation, vêlage à deux ans, etc.). Cette partie peut être monnayée. Le paiement n’intervenant qu’au terme du plan d’actions (cinq ans).
Un frein majeur reste à lever : la capacité de stockage de carbone des prairies, variable selon les contextes, n’est toujours pas calée scientifiquement. Les valeurs retenues dans Cap2R sont basées sur les niveaux les plus bas. Or, le niveau de captation des prairies permanentes sera déterminant pour compenser la faible productivité des systèmes allaitants, ramené au kg de viande produit.
Anne Bréhier
(1) Détenteurs de plus de 20 vaches allaitantes.
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