Différend. Les fromagers du « fabriqué en Normandie » désapprouvent le projet d’une grande AOP camembert.
Tous les yeux sont braqués sur le camembert de Normandie. Le 29 janvier, l’organisme de défense et de gestion (ou interprofession) de l’appellation d’origine a voté à 53 % contre de nouvelles conditions de production et transformation. Traduisez, l’ensemble des fromagers : Lactalis, Gillot, Réo (groupe Maîtres laitiers du Cotentin), Isigny Sainte-Mère, la fromagerie du Val de Sienne (Manche). Mais aussi quelques producteurs. Même si le vote était à bulletin secret, on peut penser que la coopérative Isigny – qui siège aussi dans le collège des producteurs – a contribué à faire pencher la balance vers le non.
Plutôt que de valider définitivement ce vote, Patrick Mercier, le président de l’ODG, a préféré temporiser. Le 12 février, l’Inao a réexpliqué aux acteurs du camembert qu’une AOP camembert à deux volets est la seule voie pour en finir avec le conflit entre l’AOP actuelle (lait cru, 5 000 t) et le camembert « fabriqué en Normandie » (pasteurisé, 60 000 t, appelé aussi « cœur de gamme »). Dans la foulée, un vote de la deuxième chance était organisé le 3 mars, après le bouclage de L’Éleveur laitier.
En quoi un vote pour ou contre est important
Pour le camembert. La mention « de Normandie » sur les étiquettes est gage de qualité. Se basant sur le droit européen, l’AOP reproche au « fabriqué en » d’usurper le mot « Normandie » et d’entretenir la confusion auprès des consommateurs. Des premières discussions ont abouti le 21 février 2018 à un accord de principe sur une grande AOP à deux volets, l’un pour l’AOP actuelle, l’autre pour accueillir le « fabriqué en ». Les votes du 29 janvier et du 3 mars marquent la fin du processus de discussions.
Pour les producteurs conventionnels normands. L’accueil du « fabriqué en » dans le giron de l’AOP offrirait une meilleure valorisation du lait à ceux qui frappent à la porte de l’appellation. À condition que les gros faiseurs, Lactalis et Savencia, engagent leurs fabrications dans l’AOP. Ce n’est pas gagné
Pour les AOP françaises. Une des missions de l’Inao est de protéger leurs noms à l’étranger. « Si nous ne résolvons pas ce dossier, la légitimité de la France est en jeu, affirme Jean-Louis Piton, président de l’Inao. S’il le faut, l’Inao est prêt à faire cesser cette usurpation par voie judiciaire. »
Une discorde qui mènera au tribunal ?
L’accord du 21 février 2018 portait, entre autres, sur l’accès au lait cru du cœur de gamme et la standardisation du lait pasteurisé, avec un encadrement. Après deux années de travail, le projet soumis au vote réserve finalement le lait cru à l’AOP historique et refuse la standardisation qui oblige à une double pasteurisation. Pour Lactalis, ce point est rédhibitoire. « Si l’ODG l’approuve, le groupe n’engagera pas les volumes de ses camemberts “ fabriqué en” dans la nouvelle AOP et maintiendra la mention sur ses étiquettes », prévenait, avant le vote du 3 mars, Bruno Lefèvre, qui représente Lactalis à l’ODG. Ce qui obligera l’Inao à saisir la justice. Et si l’ODG vote contre, cela obligera là aussi l’Inao à saisir la justice. Sans garantie de succès selon Lactalis, qui fait valoir l’antériorité du « fabriqué en » sur l’AOP. « Nous ne souhaitons pas en arriver là. »


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