Après de longs débats, l’Assemblée nationale a adopté la loi agriculture et alimentation, le 30 mai. Le texte n’est pas définitif, mais il mérite une analyse au regard des espoirs soulevés par les EGA.
Point clé de ces États généraux, l’inversion de la construction des prix, pour prendre en compte les coûts de production, laisse perplexe. Le texte renvoie aux interprofessions le soin de définir des indicateurs « incontestables et fiables ». Le Cniel y travaille. Mais dans un marché ouvert, le prix français ne peut en aucun cas être déconnecté de celui de nos voisins. Cependant, Jean-Marie Séronie, agroconsultant indépendant, estime que ces indicateurs devraient permettre au moins une actualisation des prix de vente en cas de forte fluctuation. Ce qui constitue déjà un progrès.
Difficile de parier sur la bonne volonté des GMS
La loi visait aussi à rééquilibrer les relations commerciales. Sur ce point, Jehan Moreau, directeur de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil), pense qu’elle peut, au mieux, donner des impulsions. Ainsi, selon lui, c’est la volonté politique qui a stoppé la déflation sur les produits de marque, début 2018. Olivier Mével, enseignant chercheur, est moins optimiste. « La destruction de valeur et sa mauvaise répartition sont dues au déséquilibre structurel entre un aval concentré et un amont atomisé. La loi ne s’est pas attaquée à ce problème », regrette-t-il. La montée en gamme, autre point phare des EGA, implique d’abord que les marchés existent. Damien Lacombe, président de Sodiaal, veut y croire, estimant que c’est la « dernière chance pour la filière. » Encore faut-il que les valorisations créées redescendent jusqu’aux producteurs.
On peut toujours parier sur la bonne volonté des GMS ! Le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) permettra aux GMS d’augmenter leurs marges sur certains produits, et donc d’alléger la pression des négociations, selon Jehan Moreau. Mais de là à imaginer qu’elles partageront gentiment avec leurs fournisseurs, comme l’espère le gouvernement, il y a un pas que beaucoup ne franchissent pas.
Enfin, la restriction des promotions devrait calmer la guerre des prix. Jean-Marie Séronie pense aussi qu’elle confrontera le consommateur à la réalité des prix, ce qui est plutôt positif. Mais rien ne dit que les fournisseurs seront mieux payés.
Autre point faible, la loi ne concerne que le marché français, autrement dit 60 % du lait. Ce qui réduit encore l’espoir d’une meilleure valorisation à la production.
D’autres articles pourront avoir un effet bénéfique pour certains, tel celui qui impose à la restauration collective publique de s’approvisionner à 50 % en produits bio ou locaux. Mais il reste à définir le local.
Au final, la balle est dans le camp du Sénat. Pas sûr que le texte soit adopté en première lecture. Il risque d’arriver trop tard pour les négociations commerciales de 2019.
Pascale Le Cann
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