Comment avez-vous perçu les réactions, parfois violentes, des éleveurs après l'accord du 3 juin dernier ?
Henri Brichart : Je les comprends, je suis éleveur et c'est aujourd'hui compliqué en terme de trésorerie. D'autre part, les charges sur nos exploitations ont fortement augmenté. Je reste cependant persuadé que cet accord était nécessaire. Plusieurs entreprises avaient déjà annoncé un prix du trimestre qui s'alignait sur le moins disant, c'est-à-dire 200-210 €/1 000 l. L'accord, même s'il est loin d'être satisfaisant aura permis d'obtenir + 30 ou + 40 € selon les entreprises. Les producteurs doivent savoir que la négociation a été très difficile avec les transformateurs. Ne nous voilons pas la face, les marchés sont mauvais : 30 % du lait français est valorisé en beurre-poudre à 180 €/1 000 l et 20 % du lait qui sert aux PGC export subissent la concurrence de l'Europe du Nord avec, là aussi, une valorisation médiocre (moins de 250 €).
Beaucoup d'éleveurs ciblent la nonmaîtrise au niveau européen.
H. B. : Non ! la crise ne se résume pas à une question de volume. Geler 5 % du quota européen, comme je l'entends parfois, ne résoudra rien. Ce sont les 30 % du lait français valorisés en produits industriels qui pèsent aujourd'hui. Nous étions précédemment dans un système où les volumes étaient fixés administrativement mais, derrière, l'Union europénne assurait financièrement quand les marchés décrochaient avec les outils d'intervention. Les quotas sont toujours là, mais L'UE n'assure plus ce soutien financier. Conséquence : le beurre et la poudre sont aujourd'hui au niveau des cours mondiaux. Le problème est là. Et les transformateurs nous disent : « Nous ne pouvons pas vous payer le lait que vous nous livrez au prix que vous nous demandez ». Alors, demain, quel volume pour quel prix ? Voilà la vraie question. C'est à cela que nous travaillons
Les actions menées contre la distribution étaient-elles donc justifiées ?
H. B. : Elles étaient prévues de longue date par la FNSEA qui réclame depuis des lustres la transparence des marges. Cela concerne toutes les productions. Il y a eu un amalgame, parfois orchestré par les distributeurs, avec la crise du lait. Disons le, les marges abusives des GMS nous concernent mais ce n'est pas la cause première de nos soucis. C'est bien l'évolution de la Pac que nous subissons.
Un front commun des éleveurs européens est-il possible pour revenir à plus de régulation dans le secteur laitier ?
H. B. : Les éleveurs laitiers européens eux-mêmes sont divisés sur l'intérêt de revenir à plus de régulation. Nous le constatons à Bruxelles, il y a peu de convergences entre nous. Du côté des politiques, nous avons connu depuis 1992 plusieurs évolutions de la Pac, signées par les gouvernements, qui ont toujours été dans le même sens : l'UE ne veut plus s'occuper de réguler les marchés agricoles. Le dernier sommet des chefs d'État a demandé des propositions pour le secteur laitier mais en restant dans le cadre du dernier bilan de santé de la Pac. Je n'y vois pas le signe d'une inflexion. Nous continuerons à nous battre pour maintenir des outils d'intervention à Bruxelles mais dire que tout se jouera là-bas, je n'y crois plus. C'est aussi à nous, en France, de faire ce qu'il faut.
Un nouveau relationnel producteurs entreprises ? N'est-ce pas utopiste ?
H. B. : C'est ça ou la volatilité, comme pour le porc et nous n'en voulons pas. Croire que nous reviendrons à un système administré régulé par des fonds publics ? On nous répète que non. Il faut donc se mettre en capacité de définir les volumes à produire entre producteurs et entreprises. C'est au niveau des régions ou des bassins de production que cela se fera. Car le risque serait grand que les producteurs deviennent concurrents entre eux. Il y aura une solidarité à organiser. C'est un chantier compliqué et les entreprises ne nous aideront pas. À nous d'être assez forts face à elles.
DOMINIQUE GRÉMY
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