Les éleveurs ne peuvent plus faire l’impasse du débat sur le bien-être animal. C’est la conclusion que tirent les responsables agricoles français. Ils ont choisi d’engager le dialogue avec les ONG dites réformistes. « Il y a deux ans, j’aurais dit que cette rencontre était impossible. Cela veut dire que les uns et les autres, nous cheminons », lançait le 22 octobre Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la FNPL, au colloque Le Bien-être animal et l’avenir de l’élevage, organisé par La Fondation Droit Animal (LFDA). Elle est présidée par Louis Schweitzer et Laurence Parisot. Le premier est connu pour ses responsabilités à la tête de Renault, la seconde pour avoir présidé le syndicat des patrons Medef. « La FNSEA dialogue avec les associations telles que LFDA, Ciwf, OABA ou Welfarm car elles sont constructives, confirme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA également invitée du colloque. Nous ne travaillons pas avec les autres car elles veulent l’arrêt de l’élevage. »
Les travaux scientifiques objectivent les discussions
Ce dialogue est plus aisé aujourd’hui car il peut désormais s’appuyer sur des travaux scientifiques français et étrangers, et non plus sur une approche anthropomorphique. C’est la bonne nouvelle pour les éleveurs. « Ils sont les sentinelles du bien-être ou du mal-être de l’animal, rappelle Christiane Lambert. Nous avons besoin d’indicateurs pour objectiver, échanger, guider notre travail et nos investissements. »
L’animal a une conscience
C’est ce que fait la filière laitière avec la charte des bonnes pratiques d’élevage. Elle l’a enrichie de 16 indicateurs avec l’objectif de 100 % des élevages évalués en 2025. « Assurer une bonne santé, un bon logement et un niveau de production est nécessaire mais pas suffisant », affirme Alain Boissy, chercheur en éthologie à l’Inrae et directeur du Centre national de référence pour le bien-être animal. « Il faut se soucier du ressenti émotionnel de l’animal et intégrer cette dimension dans la gestion de la santé animale. » Car même si elle est de nature différente à celle des humains, les animaux ont une conscience. C’est la conclusion à laquelle a abouti l’expertise scientifique de l’Inrae menée en 2018 (1). « À nous d’être capables de l’appréhender. Cela fait partie des nouveaux fronts scientifiques », indique Alain Boissy.
La FNPL contre l’étiquetage
Les associations regrettent (ou dénoncent) le retard de la législation par rapport aux connaissances scientifiques. La Fondation Droit Animal contourne l’« obstacle » en jouant la carte du pragmatisme : elle promeut l’étiquetage avec une notation de A (niveau supérieur du bien-être) à E (minimal). « Nous nous sommes rapprochés de CIWF, d’OABA et du groupe Casino. En décembre 2018 ont été mis dans les rayons de Casino les premiers poulets de chair étiquetés », rappelle Louis Schweitzer. Dans la foulée, LFDA et d’autres créent l’association Etiquette Bien-Être animal qui espère étiqueter la viande de porcs en 2022. « Nous pensons également aux lapins et aux bovins. » Pas d’accord, dit Marie-Thèrèse Bonneau, de la FNPL. « Le bien-être animal n’est pas une valeur segmentante. Il est induit dans un socle de valeurs. » Il entraîne aussi des surcoûts. Les consommateurs sont-ils prêts à le payer ? « Les Fermiers de Loué n’ont pas de retour financier, répond clairement Yves de la Fouchardière, le directeur général. Nous ne vendons pas plus cher les poulets mais nous sommes tranquilles sur notre marché. C’est déjà bien. »
Aides Pac conditionnées
On l’a compris, la question du bien-être animal gagne du terrain, y compris sur le front européen. Le Conseil des ministres de l’agriculture a voté le 21 février pour une conditionnalité des aides directes de 20 % sur l’environnement ou le bien-être animal dans la Pac 2023-2027.
Claire Hue
(1) La Conscience des animaux, éditions Quae.
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