L’aromathérapie, une piste à suivre contre les mammites

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Études. Dans un contexte de réduction de l’usage des antibiotiques, l’aromathérapie semble donner des résultats pour soigner les mammites. Mais de nombreuses questions restent en suspens.

La nécessaire réduction de l’usage des antibiotiques pousse le monde vétérinaire à chercher d’autres pistes pour soigner les infections en élevages.

D’ailleurs, le plan Écoantibio 2 préconise « d’acquérir des références sur les traitements alternatifs permettant de limiter les prescriptions d’antibiotiques ». Sur les troupeaux laitiers, les mammites représentent le premier poste d’utilisation de ces traitements. Des travaux de recherche in vitro ont montré l’efficacité de certaines huiles essentielles contre des germes impliqués dans ces pathologies. D’où l’idée de tester leur action en élevage sur des mammites cliniques. Un groupe de travail animé par Idele a été constitué pour y travailler (1) dans le cadre d’un projet dénommé « Aromam ». Il s’est orienté vers l’utilisation des huiles essentielles en première intention pour des mammites cliniques d’intensité faible à modérée. En effet, faute de certitude sur l’efficacité de ces produits, il semblait important de garder la possibilité d’utiliser les antibiotiques en cas d’aggravation.

Un essai sur 41 élevages

Un protocole d’essai a été défini de manière à tenir compte des incerti­tudes existantes et de la faisabilité technique. Il a été décidé d’impliquer au moins 50 élevages dans lesquels quatre cas cliniques seraient traités par des huiles essentielles et autant par des antibiotiques. Le choix entre les deux devait se faire de façon aléatoire. Un mélange d’huiles essentielles­ a été retenu en tenant compte des connaissances existantes sur les risques de résidus dans les produits alimentaires, des autorisations d’utilisation et des données connues sur leur toxicité. Elles avaient des propriétés anti-inflammatoires ou antibactériennes. Le protocole définit également des critères d’observation des mammites et de leur guérison.

Ce premier travail a permis d’établir les conditions à respecter pour tester en élevage l’efficacité des huiles essentielles sur les mammites cliniques. C’est sur cette base qu’entre juin 2018 et juillet 2020, un essai a été conduit sur 22 élevages de l’Ouest et 19 situés en Auvergne - Rhône-Alpes.

Le Cniel s’est associé à ce travail, car les enjeux sont importants pour la filière. On sait que les huiles essentielles sont déjà utilisées par des éleveurs pour soigner leurs animaux. Ils y voient un moyen de réduire leurs coûts et d’éviter le risque de présence d’antibiotiques dans le lait. Mais ils ignorent tout de la présence éventuelle de résidus d’huiles essentielles dans le lait. Les éleveurs impliqués dans l’essai ont tous été formés à l’aromathérapie. Les mammites soignées devaient répondre à des critères précis : modification de l’aspect du lait, un seul quartier atteint, température rectale inférieure à 39 °C, etc. Ils devaient appliquer le mélange d’huiles essentielles deux fois par jour sur le quartier atteint durant quatorze jours. Deux prélèvements de lait ont été réalisés pour chaque cas le premier jour et quatre semaines plus tard.

Des taux de guérison corrects mais inférieurs à ceux des antibiotiques

Au total, 132 cas cliniques de mammites ont été retenus, dont 71 traités par les huiles essentielles et 61 par des antibiotiques. Dans le premier groupe, 53 ont guéri avec le traitement, mais 18 ont réclamé l’usage d’antibiotiques. Dans le second, 5 ont nécessité un deuxième traitement.

Le taux d’aggravation ou de rechute s’établit donc à 25 % avec l’aromathérapie contre 8 % avec les antibiotiques en première intention. Parmi les vaches semblant guéries au bout de cinq jours, les mesures des taux cellulaires confirment cette guérison dans 73 % des cas soignés avec des huiles essentielles contre 63 % avec les antibiotiques, un écart significatif. Le taux de guérison cellulaire est plus élevé sur les primipares que sur les multipares, 94 % contre 63 %. Des différences ont été observées selon les régions, avec une meilleure guérison cellulaire dans l’Ouest. Elle pourrait être liée aux germes présents.

En moyenne sur l’ensemble des cas cliniques observés, la guérison clinique à 28 jours est meilleure avec les antibiotiques (87 contre 70 %), la guérison cellulaire est meilleure avec les huiles essentielles (74 contre 64 %) et il n’existe pas de différence significative en ce qui concerne la guérison bactériologique. Même si les références sur ce sujet restent peu nombreuses, les résultats de cet essai sont cohérents avec ceux observés ailleurs.

Cependant, on relève d’autres différences entre les deux types de traitements. Ainsi, plus les comptages cellulaires sont faibles avant la déclaration de la mammite, plus le taux de guérison s’élève avec des huiles essentielles. Les écarts de résultats selon les régions suggèrent par ailleurs des différences d’efficacité des huiles essentielles en fonction des germes impliqués.

Cette étude en appelle d’autres, compte tenu des incertitudes. Mais l’aromathérapie semble ouvrir une piste à la réduction de l’usage des antibiotiques pour soigner les mammites d’intensité faible à modérée. L’association des deux peut se révéler intéressante dans cette optique.

Présentée par Idele au Space, cette étude a soulevé de nombreuses questions. Le cadre légal d’utilisation des huiles essentielles en est une. La responsabilité repose sur le vétérinaire si c’est lui qui réalise la préparation des huiles. L’ordonnance donne une légalité. Mais le risque de présence de résidu dans le lait reste à préciser.

Pascale Le Cann D’après les journées nationales GTV 2021

(1) SNGTV, Fevec (Fédération des éleveurs et vétérinaires en convention), Iteipmai (Institut techniques des plantes à parfum, médicinales et aromatiques) et Adage35 (Agriculture durable par l’autonomie, la gestion et l’environnement).

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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