La valorisation de la fibre mise en index

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Critère. Conseil Élevage 25-90, Gen’IAtest et Umotest proposent un outil de phénotypage et d’évaluation génétique de la digestibilité de la fibre, basé sur les profils en acides gras du lait. Un petit coin du voile de l’efficience alimentaire se lève.

Les organismes Conseil Élevage 25-90, Gen’IAtest et Umotest se sont associés afin d’explorer une piste originale d’étude de l’efficience alimentaire de la vache laitière. Un domaine complexe à appréhender hors d’une station expérimentale, où l’on peut mesurer les quantités et la qualité de la ration ingérée, peser les refus pour les mettre en rapport avec les performances de production. Et encore faut-il que les vaches ne soient pas au pâturage.

Les Conseils Élevage du Doubs-Territoire de Belfort et de Haute-Saône ont choisi le champ des profils en acides gras du lait. Il est vrai qu’ils disposaient en la matière d’un historique dense (depuis 2012) de spectres Mir d’analyses individuelles des vaches. « On sait que les acides gras courts et moyens du lait synthétisés dans la mamelle dépendent de la digestion de la ration dans le rumen, rappelle Nicolas Gaudillière, responsable recherche et développement à Conseil Élevage 25-90, plus spécifiquement de la digestibilité de la fibre qui y produit des AGV (acides gras volatils) remaniés au niveau des cellules mammaires. Les acides gras longs, eux, proviennent essentiellement de la mobilisation des réserves corporelles et des apports alimentaires. »

La première approche, menée à l’échelle des troupeaux, confirme la justesse de la piste retenue. Elle montre que ceux-ci se différencient par rapport à leurs performances de production (lait, taux, quantité de concentrés par kilo de lait) sur ce critère des acides gras courts et moyens, reflet de la digestion de la fibre dans le rumen. « Il en est ressorti une diminution moyenne de 30 g de concentré par kilo de lait, et une augmentation de la marge de 10 à 15 €/1 000 l entre les 25 % meilleurs et 25 % moins bons résultats de digestion de la fibre. »

Ne demandez pas quels acides gras courts et moyens ou rapport d’acides gras se cachent derrière ce nouveau critère de performances, nommé DigeR : nous sommes dans le domaine de la recherche privée, et seuls les adhérents des trois structures qui, par leurs cotisations, financent ces recherches, ont accès à la réponse.

+ 450 kg de lait par an pour les vaches les plus efficientes

L’étape suivante s’attache au même travail mais à l’échelle individuelle de toutes les vaches au contrôle de performance du Doubs-Territoire de Belfort et de la Haute-Saône. De la même façon, elle met en évidence, pour les 25 % d’animaux avec les meilleurs résultats DigeR par rapport aux 25 % les moins bons, une production laitière supérieure de 450 kg de lait/VL/an en moyenne, et un gain de cinq jours d’intervalle vêlage-vêlage. En outre, comme cela a pu être observé dans un échantillon de dix élevages bénéficiant d’un suivi de la note d’état corporel, ces animaux mobilisent moins leurs réserves corporelles dans les 100 premiers jours de leur lactation.

Fort d’observations et d’analyses de résultats supplémentaires, Nicolas Gaudillière émet l’hypothèse suivante : « Les vaches des meilleurs 25 %, qui produisent plus de lait avec des performances de reproduction améliorées, ingèrent plus de fourrage, notamment en début de lactation. C’est bien le but du jeu, chez la vache laitière : maximiser la consommation de fourrage – et donc d’énergie ingérée – en début de lactation afin de limiter la perte d’état corporel. » Il rappelle par ailleurs que chez la vache laitière, l’ingestion et la digestibilité de la ration sont étroitement liées.

On pourrait également imaginer que digérant mieux et plus vite, elles ingèrent plus. Plutôt que d’efficience alimentaire, qui traduit une réalité très complexe, sans doute faudrait-il donc parler, pour DigeR, de capacité de l’animal à valoriser et digérer la fibre des fourrages.

Héritable, variable, et peu corrélé au lait et aux taux

Ce nouvel indicateur de la performance individuelle devrait permettre aux éleveurs de positionner chaque vache au sein du troupeau, d’adapter la stratégie de renouvellement, ainsi que d’optimiser les accouplements. Car DigeR est aussi un caractère sélectionnable. Cette capacité de l’animal à valoriser la fibre est en effet assez héritable, à un niveau proche du potentiel laitier (héritabilité de l’ordre de 30 %). Ce caractère est aussi peu corrélé à l’index lait (9,2 %), ou aux taux (10,5 % avec l’index TB). Il est donc intéressant de le travailler puisqu’on peut le sélectionner sans risquer de dégrader les autres caractères. Enfin, comme l’a montré l’évaluation de la base de tous les taureaux génotypés à Umotest, le critère DigeR est très variable.

Il est donc peu étonnant que ce critère soit dès à présent mis en pratique. L’indexation de juin des taureaux Umotest (et seulement eux, puisqu’il s’agit d’une indexation privée) dispose ainsi d’un index DigeR de valorisation de la fibre. Il est exprimé en écart-type génétique, centré sur zéro. Exemple de cette variabilité génétique avec Onemillion, n° 1 de la race montbéliarde : à 166 d’Isu, + 565 kg de lait, il pointe à - 0,7 sur le critère DigeR. Pittsburgh, 4e racial à 157 d’Isu, + 780 kg de lait, sort très améliorateur sur DigeR, à + 1,7.

Jean-Michel Vocoret

© J.-M. V. - Critère DigeR. L’analyse des résultats individuels, depuis 2012, de toutes les vaches au contrôle laitier du Doubs-Territoire de Belfort et de la Haute-Saône montre que les animaux les mieux placés selon DigeR produisent plus de lait, et ont de meilleures performances de reproduction. Ce nouveau critère traduit la capacité de la vache à valoriser et digérer la fibre des fourrages. J.-M. V.

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Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
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