
À condition qu’il reste limité dans l’assolement, utiliser le maïs dans un système fourrager bio est pertinent. Mais il faudra surmonter les difficultés du désherbage et les attaques de ravageurs.
Le maïs a-t-il sa place dans les systèmes fourragers en agriculture biologique (AB) ? « Oui, sans aucun doute, mais avec modération », nous répond David Roy, coordinateur du pôle ressources techniques à Agrobio 35. Ainsi le projet Résilait, qui étudie la résilience des systèmes laitiers biologiques, met en évidence deux points de fragilité : un manque de surfaces accessibles pour le pâturage des vaches et… trop de surfaces en maïs dans l’assolement. « On estime que 10 à 12 % de la SFP en maïs, ou 15 % de la surface labourable, est un bon compromis. Au-delà, le maïs revient trop souvent dans la rotation », explique David Roy. Avec un potentiel de rendement de 12 à 14 t de MS par hectare, dans les zones favorables, l’ensilage maïs constitue un apport énergétique très intéressant. Car dans les rations bio, ce n’est pas la protéine le facteur limitant mais bien l’énergie. « En Ille-et-Vilaine, 85 % des producteurs de lait bio ont une part de maïs dans l’assolement : en moyenne, 12 % de la SFP. Dans une ration hivernale, une proportion de 5 à 7 kg de MS d’ensilage maïs reste facile à corriger en azote. En bio, comme ailleurs, il est primordial d’optimiser l’efficacité alimentaire, et l’ensilage maïs y participe avec un apport énergétique moins acidogène qu’une céréale. Dans d’autres contextes pédoclimatiques très favorables à la pousse d’herbe, l’ensilage maïs sera peut-être moins nécessaire. » Mais quand l’herbe est très abondante dans la ration, l’ensilage de maïs épi, qui concentre davantage d’UFL, aura aussi toute sa place dans une ration pour vache laitière en AB.
Une pompe à azote entre deux prairies de légumineuses
Idéalement, pour éviter une gestion trop complexe des adventices, un maïs en AB se sème derrière une prairie d’au moins cinq ans. Les éleveurs bio de l’Ouest y trouvent un autre intérêt : celui de renouveler plus facilement leurs prairies temporaires. « Dans nos sols à limon battant, la pérennité du trèfle, moteur de la prairie, prend fin au bout de six à huit ans, avec une baisse des rendements fourragers assez marquée. Or, il est difficile d’implanter deux prairies de suite car l’excès d’azote minéral qui se retrouve dans le sol gênera la production de nodosités par les légumineuses qui suivent. Le maïs, intercalé entre deux prairies, joue ce rôle de pompe à azote avant d’implanter la seconde prairie », explique David Roy. L’élevage laitier en AB exige-t-il des critères variétaux spécifiques pour le maïs ? La finalité étant d’apporter de l’énergie dans des rations à dominante d’herbe, il apparaît logique de privilégier des variétés plutôt typées « grains ». Mais l’essentiel est de choisir des hybrides, ou maïs population, disposant d’une très bonne vigueur au départ. Cela afin d’esquiver au mieux les attaques de parasites et la concurrence des adventices. Un maïs en AB se sème en outre plus tard qu’en conventionnel. Exemple en Ille-et-Vilaine, où il faut viser le 10 mai plutôt que le 20 avril. Cela s’intègre à la stratégie de lutte contre les adventices. Il est donc nécessaire d’adapter la précocité de la variété à cette exigence. Car le contrôle des mauvaises herbes est déterminant dans la réussite de la culture. « C’est une course contre la montre jusqu’à ce que le maïs atteigne le stade 10 feuilles et couvre ainsi l’interrang. Et cela se gagne souvent au moment de la préparation du sol. » Et toutes les adventices n’ont pas le même impact sur le rendement du maïs. Renouées (persicaires) et chénopodes ont un seuil de nuisibilité très important, exemple : - 60 % de rendement pour seulement trois chénopodes au mètre linéaire.
En sols à limon battant, le faux semis est peu pratiqué car il existe le risque de ne pas pouvoir revenir à temps sur des parcelles qui se ressuient mal. « L’exigence est d’obtenir un sol parfaitement nivelé avec très peu de mottes, sans que ce soit de la cendre, et avec peu de résidus de culture, afin que toute la surface soit accessible aux outils du désherbage mécanique. » Il est donc important de casser le précédent prairie suffisamment tôt, de préférence avec un outil animé. « Semer profond, à 4-5 cm, et avec une largeur de semoir en adéquation avec la largeur de la bineuse, est aussi un impératif. Il est déconseillé d’augmenter la densité de semis, car les casses de plants ne sont pas régulières dans la parcelle », précise David.
Trois outils dans la panoplie
La herse étrille peut s’utiliser en pré-levée, 5-6 jours après un semis suffisamment profond, avant que le germe n’atteigne le dernier centimètre de la surface. Ce passage précoce est toujours à préconiser même si peu d’adventices sont visibles. Il se fait à vitesse élevée (10-12 km/h) mais avec peu d’agressivité, les dents de la herse effleurant le sol. La herse étrille peut ensuite être utilisée à partir du stade 2 feuilles.
« À ce stade, le réglage est assez subtil. Il faut maîtriser sa vitesse et privilégier l’agressivité des dents. Le conseil est de 1 km/h par feuille du maïs, soit : pas plus de 2 km/h au stade 2 feuilles, ce qui est très lent. Cela se fait aussi par tâtonnements : tant que je ne casse pas de plants de maïs, je peux essayer d’aller un peu plus vite, mais sans risquer de recouvrir les plants. » Comme tout désherbage mécanique, l’efficacité dépend de la météo, avec dans l’idéal trente-six à quarante-huit heures d’un temps chaud et sec après le passage. La roto étrille, plus agressive que la herse, peut s’utiliser jusqu’au stade 6 feuilles. Elle arrache mieux les adventices et déplace de la terre pour les recouvrir, mais son réglage est assez délicat.
La houe rotative est un autre outil de désherbage en plein du maïs. Elle peut s’utiliser à tous les stades jusqu’à 4 feuilles. Mais elle n’est efficace que sur des adventices très jeunes (95 % de destruction au stade filament, seulement 35 % au stade 4 feuilles). L’outil réclame peu de réglages mais une vitesse de travail élevée (15-18 km/h), donc suffisamment de puissance pour le tracteur (20 ch/m). En contrepartie, le débit de chantier est important. La houe rotative est aussi intéressante pour casser la croûte de battance.
La bineuse ne travaille que l’interrang de la culture, du stade 4 feuilles à 9-10 feuilles du maïs. « L’intérêt est de biner à 7 feuilles, sur des adventices encore jeunes et d’assurer en même temps un buttage avec un soc ou un disque butteur », précise David. Certaines bineuses sont équipées d’un auto pilotage avec caméras ou signal RTK, mais cela suppose un investissement assez lourd. « L’attelage de la bineuse sur le relevage avant du tracteur est plus économique et permet un travail suffisamment précis », observe David. La lutte contre les ravageurs est une autre difficulté pour le maïs en AB. « Prévenir les attaques de taupins nécessite de casser le précédent prairie le plus tôt possible, dès février. De laisser la matière organique se décomposer en surface, puis labourer au dernier moment avant de semer dans un sol bien réchauffé », explique David Roy.
Ce ne sont que des mesures de prévention qui peuvent se révéler insuffisantes dans des situations à haut risque et avec des sols froids et hydromorphes. L’usage d’huiles essentielles répulsives n’a pas été convaincant dans les essais. L’utilisation d’une plante leurre, comme de l’avoine semée à 8 cm dans l’interrang avec le fertiliseur du semoir, puis détruite par la bineuse, est en cours d’évaluation. Plus difficiles encore à contrer, les dégâts de corvidés peuvent, dans certaines zones, empêcher la culture du maïs. Semés en décaler par rapport au conventionnel et avec des semences souvent plus appétentes pour les oiseaux, les maïs bio sont très vulnérables.
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