LE MÉLANGE FOURAGER À LA CARTE

© SÉBASTIEN CHAMPION
© SÉBASTIEN CHAMPION (©)

Comme chaque année, une trentaine d'inscriptions complète le catalogue des variétés fourragères. C'est dans cette liste élargie qu'il faudra concevoir le mélange le mieux adapté pour chaque parcelle.

LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE AUTONOMIE a, depuis longtemps, mis en lumière la complémentarité des associations graminées-légumineuses. Leur intérêt économique, agronomique et alimentaire n'est plus à démontrer. À ce titre, le couple ray-grass anglais-trèfle blanc (RGA-TB) est la base du mélange à semer, d'une part en raison de sa valeur alimentaire et, d'autre part, pour son pouvoir d'engazonnement qui limite les trous de végétation favorables à la multiplication des espèces indésirables. Les associations à ensiler de type ray-gras hybride-trèfle violet donnent de bons résultats, mais s'inscrivent dans une logique de rotations plus courtes avec les céréales. « Sous un climat tempéré et humide de type océanique, il ne faut pas chercher à multiplier les espèces, l'association RGA-TB reste le profil incontournable du mélange à pâturer pour les vaches laitières à haut potentiel, souligne Michel Harivel, conseiller en prairies de la chambre d'agriculture de l'Orne. Compte tenu des progrès de la sélection sur les RGA diploïdes, en termes d'appétence et de remontaison, on s'orientera vers deux tiers de RGA diploïde et un tiers de tétraploïde. »

APPORTER DE LA FIBRE AU PÂTURAGE

Néanmoins, les problèmes d'acidose au pâturage, provoqués par des associations parfois trop riches en sucre, nécessitent un apport de fibre dans la ration que certains éleveurs raisonnent non pas à l'auge, mais directement à l'implantation de la prairie. Compléter la dose de semis par 2 à 3 kg de fléole répond à cet objectif. « En conditions d'humidité suffisante, la fléole est capable de produire beaucoup au printemps, c'est aussi la graminée qui épie le plus tard. Elle conserve ainsi une très bonne appétence, tout en apportant un complément de fibre intéressant. Mais c'est une graminée à réserver aux sols frais. »

Sur des terres légères et séchantes, le mélange dactyle trèfle blanc agressif, moins souple d'exploitation, conserve une très bonne appétence, à condition d'accélérer le rythme de pâturage. « En conditions humides, le dactyle est beaucoup moins agressif. Bien gérée, cette association peut durer dix ans. » À l'extrême, sur des terres très humides l'hiver et sèches l'été, la fétuque élevée est un bon complément du ray-grass anglais. « Comme le dactyle, elle doit être exploitée avant l'épiaison prévue vers la mi-mai pour donner par la suite des repousses feuillues. » Faciles à sécher, ces prairies temporaires plus complexes correspondent parfaitement à une utilisation mixte fauche-pâture de longue durée. « Le coût des semences est élevé, entre 180 et 200 /ha, mais très relatif au regard de la productivité et de la durée de vie de la prairie », souligne Patrice Pierre, conseiller en prairies à la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire. L'hétérogénéité des situations sur une même exploitation doit conduire à raisonner la composition de la prairie à la parcelle, en fonction du contexte agronomique et du mode d'exploitation. « C'est pourquoi il faut préférer les mélanges à la carte, réalisés à la ferme, aux mélanges du commerce qui ne sont pas adaptés à chaque situation. » Pour guider ce choix, chacun peut se référer au Herbe-Book, la base de données qui référence, pour toutes les espèces, les caractéristiques des variétés inscrites au catalogue français(1).

GROUPER LES DATES D'ÉPIAISON

Les observations menées par les chambres d'agriculture de Bretagne et des Pays de la Loire révèlent que la valeur UFL des prairies multi-espèces exploitées au stade feuillue est proche de celle du RGA-TB (- 5 à - 8 %). Elles présentent une meilleure aptitude à la fenaison. L'ingestibilité et la valeur alimentaire de leurs foins sont supérieures à celles des foins de prairies naturelles(2). Les prairies multi-espèces produisent 1,5 t de matière sèche par hectare de plus qu'un mélange ray-grass anglais-trèfle blanc, y compris sur un sol profond, un gain qui se révèle plus important en conditions pédoclimatiques difficiles. « Le contexte des Pays de la Loire avec des étés secs amène à concevoir la prairie temporaire sous un angle multi-espèces. Des espèces qui se complètent au fil de la saison, certaines prenant le relais en conditions stressantes », explique Patrice Pierre. Là encore, la base de la prairie multi-espèces repose sur le RGA-TB. « On ne l'évacue jamais du mélange ! Le choix des variétés repose sur le groupage des dates d'épiaison et c'est au RGA de s'adapter aux autres espèces. Le choix se portera sur des variétés intermédiaires à demi-tardives, avec une note de remontaison la plus faible possible. » En association avec une fétuque élevée ou un dactyle, on privilégiera un RGA intermédiaire, alors qu'avec une fétuque des près ou une fléole, on pourra associer une variété plus tardive. Sous un climat continental, le choix du ray-grass anglais dans le mélange se porte sur des variétés intermédiaires.

« La limite correspond à des variétés tardives qui épient au plus tard le 1er juin, de manière à exploiter la prairie avant le coup de chaud qui intervient dès la mi-juin, explique Céline Allain, responsable des produits chez Semences de France. Dans l'est de la France, avec un démarrage plus tardif en végétation au printemps, il faut en effet compter jusqu'à quinze jours de retard avec les dates d'épiaison affichées au catalogue. »

EN ZONE CONTINENTALE, UNE FENÊTRE CLIMATIQUE RESTREINTE

Sur des terres légères, un ray-grass anglais demi-précoce est d'ailleurs privilégié, voire remplacé par un ray-grass hybride associé à une dominante de fétuque ou de dactyle pour la fauche. Les dactyles les plus tardifs, qui épient le 15 mai, et les fétuques, autour du 10 mai, ne posent pas ces difficultés. Toujours à l'est, dans le Doubs, entre 600 et 1 000 m, la prairie multi-espèces répond à la volonté de renouveler des prairies naturelles, pour sécuriser la production fourragère et jouer sur la complémentarité fauche-pâture. « La base du mélange reste le ray-grass anglais avec un fond de dactyle, la solution la plus sécurisante en zone de plateau sur sols légers », indique Jean-Marie Curtil, conseiller d'entreprise à la chambre d'agriculture. Les mélanges destinés exclusivement à la pâture associent, au ray-grass anglais-trèfle blanc, la fétuque des prés et la fléole.

En altitude, les mélanges suisses, à faucher ou à pâturer, sont largement employés. Ils présentent la particularité d'une forte densité de végétation permise par une dose de semis de plus de 33 kg/ ha et des espèces couvrantes résistantes au stress hydrique, comme le pâturin et le lotier. Ils ont aussi été testés sur la complémentarité des variétés au pâturage. « Ce travail de référencement du comportement variétal en situation de mélange reste à faire, constate Patrice Pierre. Mais il est très difficile de tester la sociabilité de toutes les variétés inscrites chaque année au catalogue français. Dès lors, sans renoncer au progrès génétique, il serait dommage de renoncer à une variété qui a fait ses preuves sur son exploitation. »

JÉRÔME PEZON

(1) http://www.herbe-book.org.(2) Brochure « Les prairies multi-espèces » disponible sur www.agrilianet. fr, rubrique « publication ».

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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