Expérience. Adepte du semis direct depuis 2005, André Divanac’h sème le blé et le colza dans un couvert permanent de trèfle. « Les résultats sont bluffants. »
Installé avec son épouse Danielle à Plonévez-Porzay (Finistère), André Divanac’h dispose d’un îlot de 44 ha autour de ses bâtiments. Il est donc valorisé par les animaux avec une rotation herbe, maïs, blé, colza. Le reste de la surface (56 ha) est destiné aux cultures. André exploite aussi une dizaine d’hectares de prairies au potentiel limité, en bordure de ruisseau, ne produisant guère plus d’une coupe de foin par an.
Depuis 2005, il pratique le semis direct sur toute sa surface. Il s’est lancé progressivement pour réduire la charge de travail, en commençant par des techniques culturales simplifiées. Il a pu constater que les rendements étaient préservés. En 2005, au moment de remplacer un tracteur, il a franchi le pas de l’investissement dans un semoir pour du semis direct. Il a finalement conservé son vieux tracteur (15 ans, 7 000 h), le nouvel outil ayant moins de besoins en puissance. « Je suis satisfait par le semis direct, même si les résultats ne sont pas parfaits. Ça fonctionne très bien quand il y a de l’herbe dans la rotation. C’est un peu plus hétérogène en culture. »
Expérimenter des idées grâce au groupe
André explique qu’il constate des phénomènes de faim d’azote dans ce cas, surtout les premières années. Le sol se sert d’abord et les plantes peuvent parfois souffrir un peu. Il continue néanmoins, les avantages l’emportant sur cet inconvénient. Le semis direct permet de réduire la charge de travail et de faire des économies importantes sur la mécanisation et le carburant.
André fait partie d’un groupe d’agriculteurs intéressés par les techniques simplifiées et l’agriculture de conservation des sols. Ce groupe existe depuis vingt ans et rassemble 70 agriculteurs du Finistère dont la moitié de laitiers. Ils mènent des expériences chez eux sur des techniques novatrices et partagent leurs résultats. « Nous avons commencé par des techniques de travail du sol simplifié, avant d’évoluer vers du semis direct. Ces itinéraires techniques n’étaient pas bien balisés il y a vingt ans dans nos conditions pédoclimatiques. D’où l’intérêt de partager nos expériences. »
C’est là qu’il a rencontré un agriculteur pratiquant le semis de blé sous couvert de trèfle blanc. « Je cherchais un couvert intéressant entre le colza et le blé. J’ai tenté divers mélanges de phacélie, avoine et radis. C’était coûteux et exigeant en travail en cas de destruction mécanique. Et les repousses étaient parfois difficiles à gérer. » André voulait éviter les graminées en couvert car il est difficile de s’en débarrasser.
Maîtriser le risque de concurrence
En pratique, André sème du trèfle blanc (3 à 4 kg/ha) en même temps que le colza oléagineux fin août. Il précise qu’il faut surveiller les limaces et les chenilles à la levée. Elles s’attaquent plus volontiers au colza qu’au trèfle. Il utilise un seul anti-graminée en début d’hiver.
Au printemps, le colza démarre plus vite que le trèfle, qui végète durant la belle saison. Après la récolte du colza, les canes sont broyées et le trèfle explose. Il couvre le sol et concurrence efficacement les adventices. Le trèfle est fauché en septembre. André le fane une fois, le met en andains et le récolte en enrubanné. Il récupère entre 2 et 2,5 t de MS/ha, selon les années. La teneur en MAT varie entre 20 et 22 %. Ce fourrage entre dans la ration des laitières en hiver, avec du maïs (10 à 11 kg de MS) et du méteil protéagineux cultivé en dérobée.
Le blé est ensuite semé dans le trèfle. Mais il faut être vigilant car il existe un risque de concurrence.
André « calme » le trèfle avec un litre de glyphosate avant le semis de blé. Cela permet aussi de détruire les graminées. « J’optimise le désherbage pour préserver le trèfle. » Le semis est pratiqué avec un semoir pour du semis direct. « Sous le trèfle, la terre est belle, constate l’éleveur. La plante ameublit le sol et limite le développement des adventices. »
Réguler plutôt que détruire les adventices
Après la moisson, le trèfle semble à peine présent. Mais deux semaines plus tard, il couvre complètement le sol. Il peut encore être fauché à l’automne et parfois avant le semis de maïs. Il est détruit au printemps car le risque de concurrence avec le maïs est élevé. André utilise alors la chimie, généralement des hormones.
André ne voit que des avantages à cette conduite. L’investissement dans la semence est faible. Sa présence dans le colza permet de faire l’économie d’un désherbage en prélevée. Le trèfle restant en place au moins deux ans, l’éleveur fait également des économies sur les semences de couverts et l’implantation.
En 2018, le trèfle a souffert un peu de la sécheresse dans les terres à faible réserve en eau. Mais il a fini par repartir. Les bénéfices du trèfle sont très importants sur le plan agronomique. « Ses racines travaillent le sol et on voit bien sur la culture suivante que la parcelle est plus homogène. » En résumé, le trèfle travaille le sol gratuitement. S’y ajoutent les avantages reconnus pour tous les couverts en matière de prévention de l’érosion. La biodiversité en bénéficie aussi malgré l’emploi de produits phytosanitaires. Et puis, la valeur alimentaire du trèfle est intéressante pour les vaches. « Mon coût alimentaire se limite à 52 €/1 000 l pour un troupeau à 8 500 l de lait livré par vache », affirme l’éleveur. L’implantation du trèfle en couvert végétal va dans le sens d’une meilleure autonomie alimentaire. Et cela contribue à réduire le travail, les coûts de mécanisation et la consommation de carburant.
Reste néanmoins la nécessité de recourir ponctuellement à la chimie. De ce fait, cette conduite n’est pas envisageable en bio. Avec Jean-Philippe Turlin, conseiller agronomie à la chambre d’agriculture du Finistère, André cherche des solutions pour en utiliser le moins possible : « On souhaite réguler plutôt que détruire. » Il réalise des essais sans glyphosate (voir photo) dans une parcelle de blé semée dans du trèfle, après du colza. Mais pour l’instant, aucune modalité ne donne les résultats du glyphosate en matière de maintien du trèfle et de destruction des graminées.
Sauf évolution réglementaire contraignante sur l’utilisation des produits phytosanitaires, André a bien l’intention de rester sur cette rotation aujourd’hui bien rodée.
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