«Herbe de qualité et conduite en lots m’aident à m’adapter»

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Optimisation. Au cœur du bocage de l’Avesnois, Jean-Denis Dussart tire profit de sa surface en prairie permanente pour maintenir un haut niveau de production, tout en adaptant sa conduite pour ne pas déraper sur les coûts.

Lorsque Jean-Denis s’installe, hors cadre familial, en avril 2012, l’exploitation a une SAU de 45 ha, avec une stabulation aire paillée conçue pour 50 places, un troupeau de 35 vaches et un quota de 250 000 litres. « Le niveau d’annuités lié à la reprise impliquait dès le départ d’intensifier la production laitière afin de maximiser la marge brute globale », explique l’éleveur.

Sans augmenter la surface, sur des sols superficiels au potentiel de rendement de 14 t de MS/ha de maïs ensilage, il va progressivement plus que doubler les volumes de lait livrés à sa coopérative (Ucanel). Pour cela, il a misé sur le progrès génétique, la valorisation des prairies permanentes et une conduite en lots, associée à une complémentation individualisée « à la casserole », évolutive selon la conjoncture ou l’état des stocks.

« La qualité de l’herbe permet de s’adapter »

La capacité d’intensifier la production sans déraper sur les coûts, c’est d’abord le fruit de l’attention portée à la qualité des fourrages, à travers un assolement simple, typique du bocage de l’Avesnois-Thiérache : prairie permanente et maïs, complétés par l’achat de 300 t/an de pulpe de betterave ensilée. L’éleveur juge les cultures dérobées trop pénalisantes pour le maïs suivant, dans la rotation. À noter  qu’ aucun vêlage n’est programmé en d’avril à juin, période stratégique de la pousse de l’herbe qui requiert toute sa disponibilité. L’optimisation de la prairie permanente est en effet au cœur du système. Pendant la saison de pâturage, Jean-Denis peut s’appuyer sur 20 ha accessibles depuis la stabulation, soit 35 ares/VL qui permettent d’envisager la fermeture des silos au printemps. Dès son installation, il a investi dans un chemin d’accès et instauré la pratique du pâturage tournant sur des paddocks de trois jours, soit 20 ha divisés en quinze paddocks­. Les laitières pâturent les deux premiers jours et les refus sont consommés par les génisses­ ou les taries. Au printemps, l’équivalent de 18 ha d’herbe est ensilé en première coupe précoce. Les parcelles dédiées reçoivent 30 t/ha de fumier à l’automne, puis 80 UN en sortie d’hiver, fractionnées en deux apports. Un complément de 30 UN est apporté après la première coupe. Résultat : des ensilages 2021 avec des valeurs supérieures à 0,9 UFL et jusqu’à 22 % de MAT. « Dès que l’herbe est au bon stade, je dois être prêt à sortir­, même pour ramasser 1,5 t de MS. Je fais aussi régulièrement le tour des parcelles pâturées et n’hésite pas à débrayer des paddocks pour faire des coupes enrubannées. Certaines parcelles sont ainsi fauchées jusqu’à cinq fois. Mettre à disposition des laitières une herbe de qualité est exigeant en temps de travail. Mais c’est cette qualité qui permet ensuite de mieux s’adapter. »

« Moins dépendre des achats extérieurs »

Concernant le maïs ensilage, Jean-Denis vise une récolte entre 35 et 36 % de MS, pour maximiser la teneur en amidon d’un fourrage haché finement (10-12 mm), très complémentaire de l’herbe jeune. Pour le correcteur, comme le concentré énergétique, il est à l’affût des opportunités achetées par contrats de long terme sur le marché des matières premières.

Les analyses systématiques contribuent ensuite à caler au plus juste l’équilibre de la ration, sur le principe d’une conduite en deux lots : l’hiver, en stabulation, les vaches en début de lactation et hautes productrices ont une ration de base composée de 2/3 de maïs + 1/3 d’herbe ensilée et inversement pour le lot des fins de lactation. Pendant la saison de pâturage, les fortes productrices conservent une part d’alimentation à l’auge, tandis que les fins de lactation sont alimentées à l’herbe.

Sur la base de ces fondamentaux, l’éleveur sait adapter sa conduite à la conjoncture. « Avec un volume et un prix du lait qui évoluent, comme le coût des intrants ou la météo (donc les stocks), Jean-Denis cherche constamment à s’adapter pour maximiser la marge globale, sans dégrader la trésorerie.L’Inraea prouvé que la plasticité de la holstein permet de répondre à ces à-coups, souligne Vincent Claisse d’Avenir Conseil Élevage. Dans cette logique, les lots et la complémentation individuelle sont aussi un moyen d’être moins dépendant des achats extérieurs. » L’exemple des deux dernières campagnes illustre cette capacité d’adaptation :

Campagne 2020-2021   :

En cette année de Covid, la coopérative a appelé très tôt à réduire les volumes de lait livrés. Exit donc l’allotement. Dès la mise à l’herbe, Jean-Denis a anticipé les tarissements et fonctionné avec une ration 100 % herbe pâturée, sans aucun concentré. Le troupeau a ainsi produit à l’herbe, une moyenne de 22,9 kg de lait standard à 8,1 mois moyen de lactation, sans que les performances de reproduction ne soient pénalisées (383 jours d’IVV).

Campagne 2021-2022   :

La bonne pousse de l’herbe a permis de maintenir le lot des fins de lactation au pâturage jusqu’au mois de décembre. Puis, le volume et la qualité de l’herbe récoltée ont conduit à faire l’impasse cet hiver sur l’allotement, en intégrant plus de 6 kg de MS d’ensilage à tous les animaux, tout en maintenant un haut niveau de production (voir infographie p. 45). De même, depuis le printemps, finie la conduite en deux lots. L’éleveur entend profiter d’un prix du lait attractif, mais aussi d’un stock de maïs disponible et de la liberté accordée par la coopérative sur les volumes pour optimiser la production par vache. Pour cela, tout le troupeau conserve une part de maïs à l’auge et une complémentation individuelle au-dessus de 24,8 kg de lait. « On ne peut pas rester bloqué sur une conduite, souligne Jean-Denis. Avec un troupeau en bonne santé et des fourrages de qualité, les conditions sont réunies pour produire. Tout en gardant un œil sur le coût de la ration si le prix des aliments continue d’augmenter. » Depuis ce témoignage réalisé début juin, l’éleveur a reconstitué deux lots de vaches, dans un contexte d’arrêt de la pousse de l’herbe.

jérôme pezon
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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