« Prédire les stocks sur pied est crucial pour pâturer juste »

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Pilotage. Nicolas Marguet est l’un des vingt éleveurs francs-comtois à avoir testé PâturNet. Ce nouvel outil lui a permis, au printemps 2018, de prendre la bonne décision de pilotage de son pâturage… Un choix qu’il n’aurait pas fait sans.

Valoriser l’herbe sur pied est une priorité pour Nicolas Marguet, 47 ans, installé en 1994 avec ses parents, et depuis 2007, en EARL. Ici, tous les animaux pâturent. Les vaches et les génisses évidemment en pâturage tournant sans fil, mais aussi les veaux. Ceux nés l’hiver sortent à 6 mois dans un parc attenant au bâtiment. Ceux nés au champ y restent, tétant leur mère une dizaine de jours. Pâturer est une philosophie pour ce producteur de lait AOP comté. « Il y a une solution facile pour faire du lait : pousser en concentrés, mais elle peut coûter cher car soumise aux aléas des cours des aliments. Et surtout, elle n’est pas cohérente à ce que doit, à mon sens, viser une AOP qui se veut liée au terroir, tout en améliorant la qualité du produit et en respectant l’environnement. »

Vous le devinez, ici, on fait du lait d’abord avec de l’herbe pâturée ou stockée. Et on cherche la performance économique, pas le maximum de lait par vache. Depuis une dizaine d’années, le potentiel lait du troupeau tourne autour de 6 000 kg/VL. « Avant, je tutoyais les 7 000 kg de moyenne mais avec plus d’aliments achetés. » On est, depuis, résolument dans un système économe avec 800 kg d’aliments distribués en moyenne par laitière et jamais plus de 1 à 1,5 kg/VL (mélange de céréales exclusivement : 60 % d’orge, 30 % de maïs et 10 % d’avoine) pendant la période de pâturage. Chaque UGB génisse n’en reçoit que 100 kg de la naissance au vêlage. La qualité du foin-regain récolté en vrac ventilé n’est pas étrangère à ce niveau très maîtrisé des quantités de concentrés. Elle devrait encore s’améliorer avec l’installation en cours d’un réchauffage solaire. La gestion du pâturage l’explique aussi largement.

Des parcs de 2,5 ha pour le pâturage des 35 vaches

Au printemps, les laitières tournent sur 16 ha divisés en six parcelles d’un peu plus de 2,5 ha. Sur celle déprimée, les vaches passent une ou deux fois, sur les cinq autres, au moins trois fois. Pendant la période estivale, trois autres parcelles de même surface entrent dans la rotation. Ce sont les repousses d’une partie des premières coupes que Nicolas essaye de récolter précocement fin mai. « Quand les vaches commencent à entrer dans ces premières repousses de fauche, j’en profite pour nettoyer les six autres parcelles. Cette fauche de nettoyage est ramassée, séchée et, si besoin, distribuée l’hiver. » À l’automne, d’autres parcelles précédemment fauchées s’ajoutent pour porter la surface pâturée par les laitières à 35 ha.

« C’est vraiment le service qui répond à mon besoin »

Jusqu’à il y a deux ans, Nicolas décidait des changements de parc en fonction de la hauteur d’herbe observée de visu et surtout du niveau du tank : « Entre le pic de lait le plus haut, j’accepte de descendre de 10 à 15 %. En général, le quatrième ou cinquième jour, quand ça baisse de 15 %, je change de parcelle. » Depuis deux ans, la mesure des hauteurs d’herbe se fait avec un herbomètre. « Sans, j’avais tendance à surestimer le potentiel d’herbe. En 2018, j’ai ainsi pu mieux gérer les sorties des parcs pour ne pas descendre sous les 5-6 cm fatidiques. »

Depuis le printemps 2018, Nicolas est aussi l’un des vingt éleveurs du Doubs à avoir testé le service web PâturNet proposé par Conseil Élevage 25-90 (voir encadré).

« Combinant calendrier de pâturage et outil d’aide à la décision, c’est vraiment le service qui répond à mon besoin dans mon système cherchant à tirer le meilleur de l’herbe pâturée. »

Changement de planète pour piloter l’herbe

Pour Nicolas, son arrivée a été l’occasion d’un nouveau rituel, néanmoins quelque peu bouleversé par une année hors normes. De la mise à l’herbe à la fin juillet, l’herbe ne poussant plus après, il a pris le temps, chaque lundi, de mesurer, enregistrer et saisir les hauteurs d’herbe des six parcelles dédiées aux vaches laitières… Un investissement d’une heure tout au plus, la saisie sur le calendrier de pâturage incluse. Dès le printemps prochain, la possibilité de saisir sur smartphone les hauteurs d’herbe, le nombre de vaches présentes, etc., données qui seront directement transmises à PâturNet, apportera un plus très attendu. Pour le pilotage du pâturage, Nicolas a changé de planète. Jusqu’alors, il se contentait de noter sur un agenda quand le troupeau entrait et sortait d’une parcelle, pour respecter un temps de repousse suffisant avant de le faire repasser. « Le gros intérêt de PâturNet est de traduire les hauteurs d’herbe, enregistrées dans le calendrier de pâturage, en stock d’herbe sur pied, et donc en jours d’avance. On a ainsi une vision de l’avenir pour être plus à même de prendre la bonne décision. » Concrètement, cette année, au printemps, sans PâturNet, Nicolas n’aurait pas débrayé l’une des six parcelles pour la faucher. « Le lundi en question, de visu, je me disais que j’allais manquer d’herbe. PâturNet m’a montré que j’avais quinze à seize jours d’avance, au lieu de douze, et donc que je pouvais “sortir” une parcelle. »

« J’attends beaucoup du calendrier de pâturage »

« C’est rassurant de savoir chaque semaine ce qu’on a devant nous. Si le nombre de jours d’avance baisse, c’est une alerte. Mais attention, car ce n’est qu’une prévision qui peut brutalement changer avec la météo. On l’a clairement vu cette année. »

Nicolas attend beaucoup aussi de la valorisation du calendrier de pâturage PâturNet promise pour 2019. « Je sais classer mes parcelles selon leur potentiel laitier mais de façon trop approximative. Connaître précisément le potentiel de chacune et le mettre en lien avec le lait produit sera une vraie avancée. On pourra ainsi voir ce que chaque parc permet en lait ou en taux sans les concentrés. Au-delà, on pourra peut-être faire le lien avec la qualité de la flore ou le fonctionnement du sol qui expliquent les différences… Et agir. »

Jean-Michel Vocoret
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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