
Méthanisation. Outre le biogaz, les digesteurs produisent un digestat valorisable par les plantes. L’Inrae alerte sur la nécessité d’en avoir une bonne connaissance pour entrer dans un cercle vertueux.
Produire de l’énergie avec des effluents sans en perdre la valeur fertilisante : telle est la promesse, a priori très séduisante de la méthanisation. Elle fait pourtant parfois l’objet de critiques, visant un risque de pollution de l’air ou encore de perte de matière organique dans les sols. Ces inquiétudes sont liées à un manque de connaissances du grand public concernant ce procédé. L’Inrae fait le point sur tous ces sujets dans un dossier (1). L’enjeu, pour les agriculteurs, est de bien connaître le digestat pour en tirer les bénéfices en excluant les risques.
Au cours du processus de méthanisation, le carbone se transforme en biogaz tandis que l’azote, le phosphore et le potassium restent dans le digestat. Ils sont donc disponibles pour la fertilisation, mais sous une forme un peu différente de celle qu’on trouve dans les fumiers ou lisiers.
Un effluent riche en azote minéral
Le digestat contient un peu de matière organique qui s’est stabilisée durant la fermentation. Mais l’azote évolue en grande partie vers une forme minérale, directement assimilable par les plantes. Cet effluent peut donc se substituer à un engrais minéral, ce qui représente un avantage certain alors que les prix de ces produits explosent.
L’Inrae a par ailleurs démontré qu’il existe différents types de digestats, en lien avec l’alimentation du digesteur. Un projet en cours, financé par l’Ademe et dénommé Concept-Dig, aboutira à la mise en ligne d’un outil gratuit permettant d’anticiper le type de digestat produit en fonction des ingrédients apportés. L’enjeu est d’optimiser son utilisation et les bénéfices attendus en matière de réduction des achats d’engrais, de fertilité du sol et de séquestration du carbone. Des traitements en amont ou en aval du digesteur peuvent orienter la qualité du digestat. La séparation de phase, par exemple, permet de disposer d’un effluent liquide, riche en minéraux directement assimilables, et d’une phase solide, utilisée comme amendement.
Pour profiter des qualités fertilisantes du digestat, encore faut-il l’épandre correctement. L’azote s’y trouve majoritairement sous forme d’ammoniac. Il est donc extrêmement volatile et se disperse facilement dans l’air. Dans ce cas, il est perdu pour la fertilisation et il provoque une pollution. L’ammoniac est en effet un précurseur de microparticules très nuisibles pour la santé humaine. Sa volatilisation est favorisée lorsque l’épandage est effectué sous des températures élevées et en période de vent.
Cela explique que l’usage des buses palettes est interdit pour épandre du digestat. L’idéal est d’utiliser un enfouisseur afin d’injecter l’effluent directement dans le sol. L’ammoniac se transforme alors en nitrates assimilables par les plantes. On peut aussi se servir d’une rampe à pendillards à condition d’enfouir dans la foulée. Cette contrainte de technique d’épandage limite l’emploi du digestat à certaines cultures. Un colza semé en fin d’été valorisera très bien un apport de digestat à l’automne. On peut aussi en enfouir au printemps, juste avant de semer le maïs. La valorisation est plus compliquée avec des céréales semées à l’automne. Elles consomment très peu d’azote en hiver et le risque de lessivage est donc élevé. L’enfouissement au printemps pose problème lorsque la végétation est développée.
Pas de perte de carbone dans le système français
Mais d’autres éléments sont à prendre en compte selon l’Inrae pour une méthanisation vertueuse. On sait que la matière organique du sol est capable de fixer le carbone et donc de réduire l’effet de serre. Mais le processus de méthanisation extrayant du carbone, certains pointent le risque d’un appauvrissement du sol avec le temps. En Allemagne, où les agriculteurs mettent en place des cultures dédiées à l’alimentation du digesteur, on observe effectivement une perte de biomasse dans les sols. Même si elle reste limitée, elle pose question.
La situation est différente en France où des déchets non issus de l’exploitation sont valorisés par le méthaniseur. Ils représentent une source complémentaire de carbone à l’échelle de l’exploitation, ce qui limite le risque d’appauvrissement des sols. On peut même aboutir à une augmentation de la matière organique dans le sol, et donc une hausse de sa fertilité. Mais ces produits apportent également de l’azote, du phosphore et du potassium qui vont, eux aussi, finir dans le sol. Ils doivent dès lors être comptabilisés pour éviter de surfertiliser et de polluer l’eau. Pour certains élevages, la méthanisation imposera donc une extension des besoins en surface d’épandage.
La culture de Cive (culture intermédiaire à vocation énergétique) tend à se développer sur les exploitations équipées de méthaniseurs. Elles produisent une biomasse qui alimente le digesteur. Mais elles servent aussi à piéger les nitrates, à stocker du carbone, à lutter contre l’érosion et à améliorer la fertilité des sols.
Attention aux dérives des Cive
Dans certains cas, lorsque la production d’énergie devient prioritaire pour l’agriculteur, des dérives sont constatées. Les Cive prennent le pas sur les productions alimentaires. Elles peuvent alors rester en place plus longtemps, mobiliser des ressources tels l’irrigation ou les intrants et au final, pénaliser les cultures alimentaires. Or, l’objectif affiché en France est bien de garder un système vertueux en faisant du biogaz un produit complémentaire et non concurrent des denrées agricoles. En prenant en compte l’ensemble de ces facteurs, les agriculteurs producteurs de biogaz mettent la filière à l’abri des critiques. Une nécessité pour permettre son développement et améliorer l’indépendance énergétique à un moment où cet enjeu est plus crucial que jamais.
(1) https://www.inrae.fr/bioeconomie/place-methanisation
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