Semer des couverts pour pâturer en été

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pChicorée-trèfle d’Alexandrie.  20 jours après le deuxième cycle, le couvert peut de nouveau être pâturé.CRAB
pChicorée-trèfle d’Alexandrie. 20 jours après le deuxième cycle, le couvert peut de nouveau être pâturé.CRAB (©CRAB )

Expérimentation. De nouveaux mélanges sont testés dans le but de fournir des fourrages à pâturer en été, quand les prairies traditionnelles sont freinées par la chaleur.

Plus ou moins sensible selon les années et les régions, le réchauffement climatique augmente la fréquence des périodes estivales chaudes et sèches. Les systèmes pâturants se trouvent particulièrement exposés à des déficits fourragers quand la pousse des prairies s’arrête. C’est le cas, par exemple, des mélanges RGA-TB qui ne produisent plus à partir de 23 °C. Certains éleveurs mettent en place des dérobées après l’orge ou le méteil pour pâturer à l’automne. Mais cette pratique ne résout pas le problème du trou de l’été. Pour répondre à cette problématique, les chambres d’agriculture de Bretagne ont lancé des essais d’intercultures estivales l’an dernier. « L’idée est de semer avant le 15 mai pour disposer d’une pâture exploitable 60 jours plus tard », expose Stéphane Boulent, chargé d’études fourrages à la chambre d’agriculture de Bretagne.

Identifier des dérobées à développement rapide

Des essais ont été mis en place pour tester différents mélanges et évaluer leur capacité à lever et à produire rapidement. Il ne s’agit pas d’implanter des prairies pérennes, mais plutôt des dérobées. Les essais ont été réalisés sur des plateformes dans neuf bassins-versants situés dans l’est des Côtes-d’Armor et dans le nord de l’Ille-et-Vilaine. Les parcelles n’ont été ni fertilisées ni désherbées. Le mélange RGI-trèfle d’Alexandrie, déjà connu, a servi de témoin. Le trèfle­ d’Alexandrie a été retenu pour toutes les modalités, en association avec différentes graminées. Certaines avaient déjà été testées seules, comme le moha ou le millet. Le Teff grass, une graminée très résistante d’origine africaine, est plus original.

Les semis ont été réalisés le plus souvent après une prairie et, dans quelques cas, après du méteil. Les conditions ont été propices pour un semis début mai. Mais les semaines suivantes ont été froides. Les mois de juin et juillet se sont caractérisés par une pluviométrie plus élevée que la moyenne et des températures normales. Si le trèfle d’Alexandrie s’est bien développé, la pousse des graminées s’est révélée plus hétérogène. Le millet a souffert, le taux de levée ne dépassant pas 30 %, alors que le colza ou le moha se sont bien comportés. Le protocole prévoyait une exploitation lorsque la graminée atteindrait 14 cm, soit le stade normal pour le témoin.

« Avec des croissances parfois très rapides­, en lien avec une météo favorable, nous avons souvent démarré un peu plus tard, à 17 cm en moyenne », poursuit Stéphane Boulent. De ce fait, les rendements sont élevés mais la valeur alimentaire n’atteint pas toujours l’optimum. Des observations ont été réalisées à vingt et à quarante-cinq jours après le semis, puis au moment de la récolte. Il s’agissait de suivre le développement de la culture et d’évaluer la présence­ des adven­tices. Les ren­dements s’élèvent à 2,85 tMS/ha en moyenne pour le premier cycle, avec 30 % de légu­mineuses et 25 % de repousses ou adventice­s. Un hectare couvre donc les besoins totaux de 100 vaches pour deux jours. Et les autres prairies disposent ainsi de plus de temps pour repousser et ne sont plus surpâturées pendant les coups de chaud.

Les valeurs alimentaires atteignent un bon niveau pour les mélanges RGI-colza, chicorée-TA et RGI-TA. Les teneurs moyennes s’élèvent à 0,90 UFL et 185 g de MAT par kilo de MS sur le premier cycle. « Sur le plan économique, ces inter­cul­tures estivales sont intéressantes si le coût ne dépasse pas 50 ou 55 €/tMS », analyse Stéphane Boulent.

Sur les deuxième et troisième cycles, les rendements et valeurs alimen­taires n’ont pas été calculés. Mais les observations montrent que le trèfle d’Alexandrie se maintient. Le RGI, le Teff grass et la chicorée, dont l’implantation est lente, se montrent très présents sur les cycles suivants. Ces espèces peuvent donc être exploitées en août et septembre.

Tous les couverts testés permettent une réduction de l’usage des produits phytosanitaires et diminuent les fuites d’azote. Ils sont utiles aussi au renouvellement des prairies sans pertes de fourrages à pâturer.

Les essais se poursuivent et s’étendent en 2022

Ces résultats doivent être confirmés sur des années climatiques diffé­rentes et idéalement plus sèches et chaudes. Les essais sont reconduits cette année sur une zone géographique plus large englobant des régions plus séchantes. Le millet et le sorgho, dont les résultats ne sont pas probants, sont abandonnés. Le sorgho reste probablement intéressant dans d’autres contextes pédoclimatiques. Les mélanges Teff grass-TA, chicorée-TA et RGI-TA seront en revanche testés de nouveau.

En 2022, des mesures seront réalisées sur le deuxième cycle. Les mélanges incluant du Teff grass ou de la chicorée peuvent en effet être exploités plusieurs fois, ce qui amortit le coût de la semence.

Cette deuxième campagne permettra aussi de mieux préciser l’intérêt des différents couverts en fonction des itinéraires techniques de la parcelle (nombre d’exploitations, degré de salissement initial). Enfin, toujours dans l’objectif d’adapter les systèmes herbagers au réchauffement climatique, les chambres d’agriculture bretonnes travaillent aussi sur le pâturage hivernal des génisses. À suivre.

Pascale Le Cann

- pAvoine-trèfle d’Alexandrie.51 jours après le semis, le couvert est bien développé. Mais, contrairement au trèfle, l’avoine a quasiment disparu après le premier cycle.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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