
Expérimentation. La SCL de la Félière fait partie des trois adhérents de l’OP Danone des 3 Vallées qui ont distribué cet hiver du soja produit et toasté en Normandie à leurs vaches. L’OP et Danone étudient la faisabilité d’une filière de soja local non OGM.
Produire et distribuer aux vaches de la graine de soja non OGM toastée en lieu et place du tourteau de soja importé, c’est ce que teste depuis 2019, dans le Calvados, l’OP Danone des 3 Vallées, avec Danone, Littoral Normand et la Coopérative de Creully. La SCL de la Félière, adhérente de l’OP, fait partie des quatre élevages qui ont remplacé le tourteau de soja durant un mois. En 2019, elle a implanté un hectare, comme neuf de ses collègues adhérents de l’OP. Les 10 tonnes récoltées au total ajoutées aux 10 tonnes achetées ont été regroupées pour être distribuées début 2020 à ses vaches et celles d’un collègue voisin. Au préalable, les graines avaient été séchées, toastées et broyées. « Nous avons reconduit l’expérience cette année au printemps à partir de graines 100 % achetées. Nous avons préféré ensiler en septembre 2020 les 3,6 ha de soja que nous avons été obligés de resemer en juin à cause des pigeons », dit François David, un des associés. Comme la première année, la SCL et, cette fois-ci, non plus un mais deux autres élevages, ont expérimenté le soja récolté, complété par l’achat de soja produit localement.
« Avec 5 à 30 quintaux par hectare, un total de 18 t a été récolté en novembre 2020 sur 25 ha, détaille Jean-Philippe Chenault, de la Coopérative de Creully. Ce sont des rendements modestes. Trente hectares avaient été initialement implantés dont les 3,6 ha de la SCL de la Félière. » La coopérative a séché elle-même les graines et fait appel à l’entreprise ligérienne Protéa Thermic pour leur toastage. La SCL de la Félière les a broyées, mais pas dans la foulée. « Cela oblige à les consommer dans les deux mois car, riches en huile, elles peuvent rancir. » En attendant, elles ont été stockées dans des big- bags de 500 kg.
« Techniquement, ça marche »
Pour François David, le soja toasté, « ça marche. Durant le mois d’essai, le lait a augmenté de l’ordre d’un kilo par vache par jour et de 0,79 kg l’an passé. Soit le TP augmente soit il baisse, mais très légèrement, tandis que le TB est stable ». Ces résultats sont fondés sur des données journalières fournies par les quatre robots de traite de la SCL (voir détails dans l’infographie et l’encadré ci-contre).
Dans les deux autres élevages – les Gaec Noury et de la Bertinière – que Littoral Normand a également suivis mais avec moins de données (contrôle laitier et livraisons), on constate aussi une baisse du TP, respectivement de 2 points et 1,26, et aucun effet sur le TB. « Au final, la production laitière corrigée des taux se maintient dans les deux Gaec grâce à une ration iso-UFL et iso-PDI. C’est ce à quoi nous nous attendions », indique Olivier Véron, de Littoral Normand.
Pour le consultant en nutrition, la baisse du TP n’est pas surprenante dans les trois élevages. « Les apports de méthionine, acide aminé essentiel, étaient inférieurs à ceux des rations témoins dont les correcteurs azotés comportaient une part significative de tourteau de colza. »De même, selon lui, le maintien du TB est logique. « À l’introduction du soja toasté, la fibrosité de la ration est restée identique et nous avons veillé à ne pas dépasser les 4 % de matière grasse. » Quant à la progression du lait à la SCL de la Félière, le consultant en nutrition suggère que le soja toasté, qui s’est substitué au correcteur azoté, a permis un apport de protéines ruminales plus important.
« Économiquement, ça ne passe pas »
« Si les performances techniques sont satisfaisantes, la performance économique, elle, ne l’est pas », reprend François David. Le suivi des 10 ha en 2019 et des 30 ha en 2020 met en évidence un coût de la culture de 820 €/ha, récolte comprise, pour un rendement médiocre, voire pas de récolte à cause des ravageurs ou de l’envahissement des mauvaises herbes. « À cela s’ajoutent de l’ordre 100 €/t de frais de séchage, toastage et broyage. L’aide Pac de 30 €/ha ne compense pas le surcoût de 100 € la tonne par rapport à un tourteau de soja classiquement à 350 € en filière conventionnelle », calcule l’éleveur. Littoral Normand va plus loin dans l’analyse en se plaçant à l’échelle de l’exploitation. « La culture du soja se substitue forcément à une culture de vente telle que le blé. Il faut en tenir compte », estime Olivier Véron.
L’organisme de conseils en élevage a recours à une matrice de gains avec deux hypothèses de prix de marché por 2020 : d’un côté, un blé à 80 q par ha vendu 150 € la tonne et un tourteau de soja acheté 350 €, de l’autre, un soja récolté à 20 q/ha.
Compenser le surcoût de la protéine locale
« Pour une ration hivernale de six mois, il faut augmenter le prix du lait de 23 €/1000 l pour compenser la perte de marge du blé ou de 11 à 12 € sur un an. Avec un blé aujourd’hui à environ 200 €, il faut compenser davantage. »
Le modèle économique n’est pas encore trouvé. C’est d’ailleurs pour cette raison que les producteurs de soja partie prenante de l’aventure sont soutenus par des fonds européens et la Région Normandie. Ils ont reçu l’an passé une aide de 635 €/ha plafonnée à 3,33 ha. Les essais menés sur les itinéraires culturaux pour améliorer le rendement se poursuivent (ci-dessus), tout comme le suivi de plusieurs élevages laitiers utilisateurs. En 2022, ils testeront le tourteau, une fois le soja normand trituré.
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