« L’analyse d’acides gras pour un pilotage fin de la ration »

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Calage alimentaire. Au Gaec Le Feuil, l’analyse des acides gras du lait du troupeau, conduit en bio, met en évidence un déficit énergétique au pâturage qui constitue un facteur limitant pour les performances de reproduction et de production.

L’interprétation des acides gras du lait est un moyen d’aller plus loin dans l’analyse des dysfonctionnements métaboliques du troupeau laitier. En Ille-et-Vilaine, Eilyps la propose en routine depuis deux ans dans le cadre du contrôle de performance. L’intérêt, en plus dusuivi du troupeau, est de pouvoir faire des analyses par lots, par stade de lactation ou par race, afin d’identifier plus finement les animaux qui posent problème. L’organisme de conseil propose aussi des analyses ponctuelles de lait de tank offrant un aperçu de l’état global du troupeau à des moments clés de la saison, sans la contrainte de la pesée individuelle.

Au Gaec Le Feuil, les analyses régulières ont mis en évidence un déficit d’azote soluble dans la ration hivernale et surtout un déficit énergétique pendant la saison estivale. Déficit plus marqué en juillet-août lorsque la pousse d’herbe est à l’arrêt. Une situation couramment observée par Eilyps en élevage bio où l’optimum technique n’est pas toujours compatible avec l’économique.

Aucun concentré, ni à l’auge ni au pâturage

Ici, l’exploitation est conduite en bio depuis 2013 par Pascal et Isabelle Vaslet. Ils sont rejoints en avril 2017 par un nouvel associé hors cadre familial, Adrien Goupil. Le chargement global est de 1,1 UGB/ha, soit 92 UGB pour 83 ha de SFP. Les génisses sont élevées par des vaches nourrices, puis en pension après le sevrage. Les 70 vaches du troupeau, 20 % holsteins, 20 % simmentals et 60 % normandes, affichent une moyenne de 5661 kg de lait, soit l’équivalent de 390 000 litres de lait livrés. Elles ont accès à 68 ha d’herbe, principalement des prairies temporaires en sols superficiels et séchants (sables sur granite). La mise à l’herbe démarre fin février et, à partir du 15 avril, l’alimentation repose exclusivement sur l’herbe pâturée gérée en pâturage tournant dynamique : au printemps, les vaches tournent sur 35 ha divisés en 29 paddocks de 1 jour (50 ares/VL), puis sur 50 ha après la réintroduction de 15 ha d’herbe ensilée en première coupe. À partir du mois de juillet et au mois d’août, elles sont nourries à l’auge avec un ensilage de méteil (avoine-pois-vesce-triticale) récolté autour du 15 mai, à un stade intermédiaire entre la floraison et le grain laiteux pâteux.

La saison de pâturage se prolonge jusqu’en décembre, avec un complément à l’auge composé d’un tiers de maïs ensilage et de deux tiers d’ensilage d’herbe dès le mois d’octobre. Après la rentrée à l’étable et jusqu’au mois de février, la part de maïs diminue progressivement au profit de la betterave fourragère. « Au cours de l’année, les laitières ne reçoivent aucun concentré ni complémentation minérale, ce qui est potentiellement pénalisant au pâturage pour l’immunité et la reproduction », précise Adrien.

Apporter 1 kg de maïs grain au pâturage pour réduire l’IVV

Ce mode de rationnement représente un coût alimentaire global de 59 €/1 000 litres, soit une marge brute de 413 €/1 000 l. En bio, l’absence de concentrés ou de correcteur apparaît donc comme un choix cohérent d’un point de vue économique. Mais ici, avec un droit à produire porté à 549 000 litres dans le cadre de l’installation d’Adrien, l’objectif est de maximiser les volumes de lait livrés afin de diluer le montant des annuités liées à la construction d’une nouvelle stabulation en 2018.

Le gain d’IVV est une piste clairement identifiée avec le conseiller Eilyps pour augmenter les volumes livrés. « La réduction de l’IVV est particulièrement intéressante en bio, car cela permet d’avoir davantage de vaches en début de lactation, capables de mieux valoriser la ration de base. » En ce sens, l’interprétation des analyses d’acides gras du lait oriente vers un déficit énergétique pendant toute la saison de pâturage, qui s’accentue avec la dégradation de la valeur de l’herbe en juillet-août dans ce contexte de sols séchants (voir infographie).

À cette période, les pertes d’état corporel des vaches en lactation, parfois marquées, peuvent expliquer des retards de mise à la reproduction et un IVV de 430 jours, contre 401 jours pour la moyenne des élevages bio suivis par Eilyps. « Dans notre cas, il ne s’agit pas d’échec de l’insémination, mais d’un retard de mise à la reproduction », analyse Adrien, chiffres à l’appui : 1,3 IA de moyenne et 60 % de réussite en première IA.

Cette année, après avoir mis en place un programme de traitement antiparasitaire sélectif – autre cause possible des échecs de reproduction – avec leur praticien, les éleveurs ont donc décidé d’apporter 1 à 1,2 kg de maïs grain aux vaches à moins de 100 jours de lactation et plus de 20,5 litres de lait en complément du pâturage. Un apport énergétique qui vise à limiter la mobilisation des réserves corporelles.

Un chargement de 0,9 UGB/ha compatible avec des fauches précoces

Pendant la phase hivernale, avec une ration composée d’un maïs ensilage de qualité (10 t de MS/ha) et d’un ensilage d’herbe assez tardif, l’interprétation de la composition en acides gras du lait, couplées aux indicateurs classiques (taux d’urée, TB) pointe un déficit d’azote soluble. Mais dans ce cas de figure, pas question de recourir à l’achat de tourteau de soja bio dont le prix a atteint 1200 €/t cette année. D’autant plus que ce déséquilibre n’affecte pas l’état corporel des animaux. « Ces analyses régulières permettent d’avoir une approche plus fine de la ration en fonction du prix du lait et du concentré, surtout que la sélection génétique sur la production laitière est un facteur pouvant aggraver la sensibilité au déficit énergétique. »

L’acquisition prochaine de 30 ha de SAU supplémentaire doit désormais permettre aux associés d’augmenter le troupeau autour de 85 vaches traites en moyenne. Une opportunité de tendre vers un chargement de 0,9 UGB/ha davantage compatible avec la recherche d’autonomie, tout en misant sur des récoltes d’herbe et de méteil plus précoces en vue d’améliorer la valeur MAT et UFL des fourrages distribués.

Jérôme Pezon

© j.p. - pStabulation. L’optimisation des volumes de lait livrés vise à diluer le montant des annuités liées à la construction d’une stabulation de type niches à vaches de 100 places, avec un roto de traite de 22 postes (560 000 €).j.p.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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