Glyphosate. En plein débat sur le glyphosate, Laurent Terrien reste fidèle à l’agriculture de conservation des sols. Avec un peu d’herbicide, elle lui permet d’éviter les autres produits phytosanitaires tout en conservant une production élevée.
Même si j’utilise parfois des herbicides, mon sol est vivant », explique Laurent Terrien (1). Et cette affirmation repose sur du concret. Il suffit de regarder sa terre pour voir les vers de terre bien sûr, mais aussi tous les insectes qui s’y activent. Laurent parle aussi de la porosité de son sol bien structuré qui absorbe l’eau.
L’agriculture de conservation des sols s’appuie sur des auxiliaires naturels et non sur la chimie, pour développer des cultures productives. Cela implique la suppression du labour pour offrir à cette faune les conditions nécessaires à sa vie. Au-delà, c’est un ensemble de connaissances qu’il faut acquérir pour lutter autrement contre les ennemis des cultures. « Nous avons été contraints à une mise aux normes coûteuse et nous avons besoin d’une ferme productive pour faire face à nos charges », raconte Laurent. S’il est attaché au respect de l’environnement, il a donc aussi besoin d’une production abondante et rentable.
Cette stratégie conduit à réduire fortement les heures de tracteur et donc les besoins en carburant. La consommation a baissé ici de 10 000 à 4 000 l par an. Elle favorise l’autonomie protéique, un objectif cher à Laurent. Les achats d’aliment sont passés de 50 à 20 tonnes en dix ans. Et elle permet de stocker du carbone dans le sol.
Au regard de ces nombreux avantages, Laurent estime que l’utilisation modérée d’herbicides ne représente pas un inconvénient majeur. « Mon système est résilient. Il prévient l’érosion et le sol digère les matières actives. » L’IFT de l’exploitation se limite à 0,7, ce qui est très faible. Mais Laurent ne se fait guère d’illusion : au-delà du glyphosate, ce sont tous les herbicides qui risquent de se retrouver sur la sellette. Il poursuit donc son travail pour chercher à s’en passer.
« Je m’appuie sur un groupe pour progresser »
Avec ses dix ans d’expérience, il a beaucoup appris, mais il continue à se former. Car les agriculteurs qui s’écartent des voies les plus courantes ont intérêt à se retrouver entre eux pour se motiver et progresser. Ils conduisent leurs expérimentations pour tester de nouvelles techniques.
Ainsi, Laurent a essayé des prairies multi-espèces semées à l’automne avec des protéagineux (pois, féverole et vesce). L’idée est que ces dernières couvrent le sol en hiver. Elles sont conservées jusqu’à la production de graines et la prairie prend ensuite le relais. Dans ce schéma, les insecticides et herbicides ne sont pas nécessaires. Et l’autonomie protéique s’améliore. Sauf que la densité des protéagineux était insuffisante la première année. Laurent va continuer en adaptant les doses de semis. « Je pense que d’ici à deux ans, je pourrai me passer de soja grâce à cette pratique. »
« Je ne sème pas quand les limaces ont faim »
Dans ces systèmes, beaucoup a déjà été fait pour réduire les pesticides sans pénaliser les rendements. Sans labour, les mycorhizes se développent dans le sol sur les racines. Ce champignon occupe le terrain et Laurent n’a jamais de maladie de feuillage sur ses céréales, malgré l’absence de fongicides. De la même façon, il fait l’impasse sur les insecticides, y compris contre les limaces. « J’évite de semer la luzerne après un épisode climatique difficile. Si les limaces ont faim, elles se jettent sur les jeunes pousses. Elles sont moins tentées dans les périodes où elles ont largement de quoi se nourrir. » Il sème donc la luzerne plutôt au printemps, derrière un méteil. Les limaces continuent à se nourrir de cette végétation et la luzerne peut se développer.
Depuis quatre ans, Laurent s’est lancé aussi dans l’agroforesterie. Il a planté des fruitiers sauvages qui pompent l’eau en profondeur. Leurs feuilles alimentent le sol en surface en nouveaux éléments minéraux. Et ces arbres abritent de nombreux auxiliaires telles les coccinelles.
Mais les herbicides restent encore parfois nécessaires, même si certaines rotations, sous certaines conditions, permettent de les éviter. Laurent a encore besoin de temps pour trouver la parade à la disparition programmée du glyphosate. Et il se prépare à l’interdiction d’autres molécules. Car pour lui, les débats ne s’arrêteront pas sur le produit phare de Monsanto. C’est surtout pour le maïs que le désherbage reste nécessaire, notamment avant le semis.
« J’utilise parfois du glyphosate, au maximum 0,9 l/ha, pour détruire des couverts avant de semer du maïs. » Il désherbe parfois aussi à l’automne, avant de semer un méteil qui précède le maïs. Dans ce cas, il sème son maïs sans avoir utilisé de glyphosate.
« Je sème un méteil avec le maïs, mais je ne le récolte pas »
Ce produit présente surtout l’avantage d’une faible rémanence, ce qui le rend difficile à remplacer dans ce type de situation. Laurent pense à des mélanges de matières actives qui pourraient s’y substituer. Mais ils ne sont pas homologués pour cet usage. Il a testé une autre option qui fonctionne, mais qui réclame de la surface. « Je sème un méteil avant le maïs, mais je ne le récolte pas. Je passe le rouleau pour l’écraser. Le semoir coupe ce paillage volumineux et dépose la graine. » Le semis est alors possible sans désherbant. Mais le maïs doit souvent être désherbé ensuite. Et là, Laurent préfère la chimie à la mécanique pour préserver son sol.
D’une manière générale, l’association de plusieurs espèces et variétés améliore la résistance de la culture. Les besoins en pesticides diminuent tandis que les perspectives de rendements sont meilleures indépendamment du climat de l’année. C’est vrai pour les prairies comme pour le blé.
« Nous n’aurions peut-être pas résisté à la crise »
Ce modèle améliore aussi la résistance des exploitations du fait d’une meilleure autonomie alimentaire et d’une réduction des besoins en carburant, mais aussi en sécurisant les rendements. « Je pense que si nous étions restés en système conventionnel, nous n’aurions peut-être pas résisté à la dernière crise », affirme Laurent.
Il regrette que la recherche ne s’empare pas davantage des résultats de l’agriculture de conservation des sols. Mais rien ne se produit et ce sont les agriculteurs qui expérimentent.
La probable interdiction du glyphosate risque de limiter l’intérêt de nouveaux agriculteurs pour ce modèle de production. Dommage, car l’alternative, le bio, n’apporte pas les mêmes gains en matière de stockage de carbone, de productivité et de réduction des gaz à effet de serre.
(1) Voir aussi L’Éleveur laitier n° 240, novembre 2015, pages 40-42.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?