« 2000 litres de plus par vache en travaillant la ration de base » 

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Fourrages. La saturation de la stabulation et la recherche d’une concentration élevée de la ration de base ont permis à ces jeunes éleveurs de doubler leurs livraisons après seulement trois campagnes, avec un coût alimentaire inférieur à 100 €/1 000 l.

Gaëtan Mouflet prend la succession de son père en 2017, sur 65 ha et 460 000 litres de lait. Il est rejoint par son frère Rémi en décembre 2020, à la suite du départ à la retraite de leur mère. Deux rallonges accordées par Sodiaal, de 300 000 litres chacun, portent le droit à produire à 1 060 000 l, avec une stabulation aire paillée de 450 m2 construite en 2000 équipée d’une TPA de dix postes, et un troupeau holstein de bon potentiel génétique issu du travail de sélection au long court mis en œuvre par leurs parents. Compte tenu du montant des annuités à assumer par les deux jeunes éleveurs (30 et 38 ans), avec une SAU qui a doublé, pas question d’envisager à court terme l’investissement dans une stabulation. « Notre objectif est de maximiser la production à partir de l’outil existant, sans déraper sur les coûts de production », précise Gaëtan.

Forts de ce double objectif d’intensification et de maîtrise des charges, les deux associés intègrent en 2018 un groupe d’échange d’une dizaine d’éleveurs, animé par Avenir Conseil Élevage (ACE), autour d’un enjeu commun déjà évoqué dans nos colonnes : 10 000 kg de lait livré par vache et un coût alimentaire des laitières inférieur à 100 €/1 000 l.

Partis d’un troupeau de 54 vaches à 8 500 litres, ils vont presque doubler leurs volumes au terme de cette campagne : 790 000 litres (90 % volume A). Pour y parvenir, ils augmentent l’effectif jusqu’à 75 à 80 vaches traites, n’hésitant pas à surcharger l’aire paillée (6 m2/VL). Paillage abondant, contrôle de la température de la litière et curages fréquents leur permettent de préserver la qualité du lait. « C’est le résultat d’une grande rigueur », explique Marie Delaporte, leur conseillère ACE, preuve à l’appui : une moyenne de 170 000 cellules et de 376 spores butyriques. Parallèlement, la recherche de fourrages de qualité et la stabilité de la ration vont permettre de franchir la barre des 10 000 kg de lait, à 44,3 de TB et 34,8 de TP.

Ici, les vaches ont accès depuis la stabulation à 2 ha de parcours, après un premier passage des génisses ou des allaitantes. L’alimentation repose donc sur une ration (voir encadré) distribuée à l’auge deux fois par jour avant la traite, afin de faciliter l’accès à l’auge de tous les animaux, le cornadis ne disposant que de 56 places.

Les terres limono-argileuses, dotées d’une bonne réserve en eau et bien pourvues en éléments fertilisants, assurent l’autonomie fourragère, sur la base d’un chargement de 2 UGB/ha et d’un triptyque classique dans les Hauts-de-France : maïs, pulpe de betterave surpressée, ensilage d’herbe. En tant que planteurs, les éleveurs profitent d’avoir accès aux pulpes de betterave surpressées, qu’ils vont chercher à seulement 14 km, soit un prix rendu ferme de 65 € la tonne de matière sèche. « Au sein du groupe, nous avons appris à miser sur la qualité des fourrages, en particulier à nous perfectionner dans la confection d’un ensilage d’herbe de qualité, en vue d’atteindre l’objectif d’une concentration de la ration de base d’au moins 0,95 UFL/kg de MS », souligne Rémi. Leur recette : une fertilisation azotée fractionnée en deux apports (110 UN cette année, dont 50 UN le 4 février, puis 60 UN le 10 mars), un retour à la fauche à plat – immédiatement suivie d’un préfanage –, et une récolte précoce du ray-grass (le 19 avril), après soixante-douze heures de séchage au sol, en brins de 5 cm. Résultat : un fourrage 2020 qui dose 0,94 UFL/kg de MS, 118 g de PDIN, 93 g de PDIE, 19 % de MAT, à 53 % de MS.

Le préfanage réduit la part d’azote soluble de l’ensilage

« L’objectif est de tendre vers une concentration optimale de la ration totale de 1 UFL et 100 g de PDI/kg MS, rappelle Benoît Verrièle, spécialiste nutrition chez ACE. Pour y parvenir, il faut apporter du tourteau tanné, surtout en début de lactation lorsque les vaches ont des besoins élevés, ou des fourrages à haute teneur en PDIE. Un bon préfanage permet de produire des PDIE au champ : le séchage a un effet de tannage, en diminuant la part d’azote soluble. Ainsi, 4 kg de MS d’un ensilage à 100 g de PDIE correspondent à l’économie d’un kilo detourteau tanné. Le gain est énorme ! » ACE recommande de viser un taux de MS entre 45 et 50 %. Une matière sèche élevée limite le risque­ de butyrique, et le hachage fin (5 cm) d’une herbe jeune prévient les problèmes de conservation. Avec 13 ha de RGI en dérobée cette année, les éleveurs envisagent de monter à 5-6 kg de préfané dans la ration. Un moyen de réduire encore davantage la longueur de coupe du maïs, de 15 mm à 10-12 mm.

Objectif : 11 000 l/VL et 850 000 litres livrés

Et cela afin de renforcer l’ingestion et la valorisation de la ration fourragère pour tendre vers un objectif de 11 000 kg de lait/VL. La combinaison de l’ensilage préfané et de la pulpe surpressée constitue en effet un apport de fibres très digestibles qui sécurise la ration d’un point de vue métabolique, sans apport de paille complémentaire. « La réussite d’un ensilage de qualité renforce les critères­ d’hygiène de la ration (voir ci-dessous), rappelle Marie Delaporte. Il contribue à maintenir une concentration énergétique et protéique élevée, tout en diminuant la teneur de la ration en amidon et en concentrés, et donc le risque de variation du pH ruminal défavorable­ au TB. »

Grâce à ce travail, la production est passée de 31 à 35,4 kg de lait/VL/jour. Le coût alimentaire est bien maîtrisé, à 94 €/1 000 l, malgré un apport de corn gluten sec (205 €/t), nécessaire pour compenser un maïs 2020 affecté par la canicule. Soit une marge brute de 241 €/1 000 l. « Notre crainte était d’augmenter nos coûts en même temps que le niveau de production. Or, cette approche des fourrages nous a permis de diluer nos charges. C’est davantage de travail, mais les résultats sont au rendez-vous », soulignent les éleveurs. Ils visent 850 000 litres de lait livrés pour la prochaine campagne, et continuent de travailler en parallèle sur le progrès génétique via le génotypage de toutes les génisses à naître et l’utilisation de semences sexées sur les meilleures lignées.

Jérôme Pezon
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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