« J'ANTICIPE POUR FAUCHER UNE HERBE TRÈS PRÉCOCE »

Les pratiques mises en oeuvre par Joël Achard visent à récolter chaque année une herbe jeune, sans épis, qui est à la base de l'alimentation du troupeau dans un système tout herbe.© J.P.
Les pratiques mises en oeuvre par Joël Achard visent à récolter chaque année une herbe jeune, sans épis, qui est à la base de l'alimentation du troupeau dans un système tout herbe.© J.P. (©)

À 850 mètres d'altitude, sur une exploitation 100 % herbe, Anne-Marie et Joël Achard anticipent le stade début épiaison et misent sur l'ensilage d'une herbe au stade montaison pour couvrir les besoins du troupeau avec un fourrage riche en azote.

LE PRINTEMPS HUMIDE ET FROID A ENGENDRÉ DES REPORTS DE FAUCHE qui ont pénalisé la valeur nutritive des ensilages d'herbe 2013. « Pourtant, comme chaque année, un petit groupe d'éleveurs, souvent les mêmes, a réussi à ensiler précocement un fourrage de qualité très correcte correspondant davantage à un stade montaison qu'à un stade début épiaison », explique Jean Zapata, conseiller en production fourragère au contrôle laitier du Puy-de-Dôme. Dans ce département, les analyses de ces ensilages très précoces, réalisés début mai vers une somme de température de 650°C, affichent en moyenne un niveau de 0,93 UFL, 90 g de PDIN, 75 de PDIE et 14,5 % de MAT. « À cette période, les rendements sont globalement plus faibles, mais de cette manière, la qualité est préservée. Ces ensilages sont aussi peu encombrants, ce qui permet d'obtenir une concentration de 0,91 UFL/UEL contre une valeur de 0,83 UFL/UEL retenue sur les tables Inra pour un ensilage d'herbe préfané au stade début épiaison. »

« 7 500 L/VL AVEC UNE RATION D'ENSILAGE D'HERBE + REGAIN »

Joël Achard, au sein de la Cuma d'Orcival avec trois autres éleveurs, fait partie de ceux qui se tiennent prêts à intervenir avant le stade début épiaison pour assurer la qualité nutritive d'un fourrage qui est l'aliment principal du troupeau du mois d'octobre jusqu'au mois d'avril. « Le but d'une récolte précoce est d'obtenir un fourrage riche en MAT pour réduire le coût de la complémentation azotée », rappelle-t-il.

À 850 m d'altitude, son assolement est composé à 100 % de prairies naturelles, et la ration hivernale de ses 40 holsteins d'ensilage d'herbe de premier cycle à volonté et 5 kg de regain. Une pratique qui autorise un niveau d'étable de 7 500 l/VL avec 1,2 t de concentrés/VL/an, soit un coût alimentaire de 110 €/1 000 l à mettre en balance avec la moyenne départementale des exploitations avec ensilage d'herbe de 151 €. « Le stade optimal de récolte est difficile à déterminer dans nos prairies naturelles à flore variée, car la maturité des différentes espèces est étalée dans le temps. Mon objectif n'est donc pas de faucher selon un stade prédéterminé, mais de tout mettre en oeuvre pour intervenir autour du 15 mai, ce qui correspond au stade montaison, même si parfois on commence à voir poindre quelques épis de ray-grass ou de dactyle. » Ainsi, la valeur moyenne des ensilages récoltés sur l'exploitation lors des cinq derniers exercices est de 0,87 UFL, 91 g de PDIN et 78 g de PDIE, 14,4 % de MAT, 1,01 UEL et 29 % de MS. Ils ont été fauchés en moyenne après une somme de température de 660°C. La récolte 2013, réalisée à 546°C, affiche des valeurs de 0,89 UFL, 86 g PDIN, 78 g PDIE, 14,3 % MAT, 20 % MS et 1,05 UEL.

« FAUCHER ENTRE 600 ET 700°C »

Localement, l'EDE diffuse l'évolution des sommes de températures pour permettre aux éleveurs d'anticiper le moment de la récolte.

Pour rappel, cet indicateur consiste à additionner les températures moyennes quotidiennes à partir du 1er février selon le calcul : T°C maxi + T°C mini/2 (si la température minimum est négative, on retient 0°C et la moyenne journalière maximum retenue est de 18°C). Les recommandations couramment admises pour faucher se situent autour de 700°C pour les prairies naturelles riches en ray-grass. Il faut aussi prendre en compte l'altitude en retirant 0,6°C/j par tranche de 100 m. C'est pourquoi ce repère de 700°C correspondant au stade début épiaison est atteint autour du 25 mai en montagne, du 15 mai en semi-montagne et du 1er mai en plaine. Or, à cette période, sur le versant ouest très arrosé de la Chaîne des Puys, les fenêtres climatiques disponibles pour faucher sont rares. « L'avantage de la Cuma est de pouvoir intervenir dès qu'on l'a décidé. Je ne tiens pas compte des 700°C, même si c'est un repère pour se tenir prêt. Dans la pratique, je fauche le plus souvent entre 600 et 700°C. » Se tenir prêt passe par des pratiques de fertilisation et d'entretien de la prairie tôt en saison.

« TRENTE UNITÉS D'AZOTE À 200°C »

L'entretien des prairies de fauche débute au coeur de l'hiver (janvier-février), avec un chaulage systématique (pH 5,7) à base de chaux vive. En février-mars, 20 t/ha de lisier sont épandues avant un apport de 30 UN réalisé entre le 15 mars et début avril, qui correspond au démarrage de la végétation, autour de 200°C (le repère est atteint dès le 10 mars en plaine et autour du 10 avril en montagne). « Nous avons la chance de bénéficier de prairies naturelles denses avec une vraie richesse floristique. Cet engazonnement et la portance des sols volcaniques limitent le lessivage et permettent d'intervenir en hiver. L'intérêt de cette diversité réside aussi dans la souplesse d'exploitation. La fertilisation doit donc être raisonnée pour maintenir cette diversité tout en assurant les rendements. » Début avril, c'est l'heure de l'émoussage et de l'étaupinage à l'aide d'une herse à prairie pour limiter les risques de butyriques dans un secteur soumis à une forte présence de rats taupiers. « Ensuite, entre le 15 avril et début mai, on prépare le matériel et les silos pour être prêt à sortir dès que la météo annonce deux jours sans pluie. »

La récolte des 30 ha est réalisée en une journée, à partir de 10 heures pour ne pas enfermer d'eau dans les andains. Les deux faucheuses conditionneuses à fléaux de 3 m de largeur sont réglées à une hauteur de 7 à 8 cm pour laisser des réserves favorables à un redémarrage rapide de la prairie. L'herbe ressuie 24 heures au sol pour atteindre au moins 25 % de MS. Elle est ensuite ramassée à l'automotrice (6 m) en brins moyens (6 à 7 cm) pour favoriser la rumination. L'utilisation d'un conservateur acide est systématique (Ucasil 700 : 3 l/t), compte tenu de la longueur des brins et de la présence de rats taupiers, là encore pour limiter les risques de développement de spores butyriques. Les rendements en première coupe sont estimés entre 4 et 4,5 t de MS/ha. « C'est l'engazonnement de la prairie naturelle qui fait le rendement. Dans un premier temps, elle s'épaissit puis elle mûrit en montant. Décaler la date de récolte de dix jours n'offre pas de gains de rendements importants et peut surtout faire perdre 5 kg de lait permis par la ration de base. En outre, dégager rapidement les surfaces laisse l'opportunité de faire une deuxième coupe en foin, puis une troisième début septembre en foin ou en enrubannage avec un complément de 30 UN en période estivale. Il faut donc apprécier la productivité de la prairie sur l'année et ne pas s'arrêter aux rendements de la première coupe pour constituer ses stocks. » Le rendement global de la prairie est ainsi évalué à 8 t de MS/ha.

Dans ce système, la fibrosité du bol alimentaire est assurée par un regain plus mûr. En effet, la première coupe très précoce permet de faucher les regains après six semaines de repousse là où ils sont classiquement fauchés après quatre semaines.

« VEILLER À LA FIBROSITÉ DE LA RATION DE BASE »

Les analyses 2013 révèlent, pour les foins de deuxième cycle, une valeur nutritionnelle de 0,69 UFL, 59 g de PDIN, 71 g de PDIE, 10 % de MAT et pour ceux de troisième cycle, 0,73 UFL, 70 g de PDIN, 80 g de PDIE et 11 % de MAT. Sur la base de ces analyses, la ration de base est équilibrée à 15 litres de lait. La complémentation individuelle distribuée au Dac compte 2 kg d'un sous-produit du maïs et un VL 18 distribué au rythme de 1 kg pour 2,5 l de lait, soit 4 kg/VL/j pour une ration à 27 kg.

« Une complémentation uniquement à partir de céréales serait déficitaire en PDI. L'enjeu consiste donc à apporter des UF et des protéines avec un aliment dosant 18 % de protéines et 115 g de PDI, précise Catherine Cougoul, conseillère au contrôle laitier. Le système herbager économe de Joël doit faire prendre conscience que bien faire ne coûte pas plus cher, mais nécessite de l'anticipation. »

JÉRÔME PEZON

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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