
Plateformes d’essais. Afin de concurrencer les adventices et de réduire l’usage des herbicides, des éleveurs du Finistère ont testé avec succès les couverts végétaux installés entre deux céréales, soit pour deux mois et demi.
L’idée d’implanter des couverts courts, entre deux céréales, a germé au sein d’un groupe d’agriculteurs finistériens engagés dans la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. « Depuis 2008, les différents plans Écophyto ont pour objectif de réduire leur usage de 50 %. C’est dans ce cadre que des collectifs se sont créés et sont accompagnés financièrement par l’État via l’Agence de l’eau », explique Cécile Goupille, conseillère agronomie à la chambre d’agriculture de Bretagne. En 2017, quatorze agriculteurs du Finistère ont souhaité s’engager dans la démarche et expérimenter de nouvelles pistes, notamment pour réduire l’usage du glyphosate. » Tous travaillent de manière plutôt intensive. Ils cherchent à diminuer la chimie, mais sans baisser la production, le plus souvent parce qu’ils ont des animaux à nourrir et que le foncier est limité. Entre deux céréales, deux techniques visent à réduire le salissement, et donc l’utilisation d’herbicides. La stratégie dite « d’épuisement » consiste à déchaumer plusieurs fois pour éliminer les plantes. Elle est exigeante en travail.
Avec la stratégie d’étouffement, un couvert est mis en place. Il occupe le terrain et limite les levées d’adventices. Les couverts végétaux entre une récolte d’été et une culture de printemps sont obligatoires et implantés par les agriculteurs de la région depuis longtemps pour éviter les sols nus en hiver et capter l’azote. Semer un couvert entre deux céréales n’est pas obligatoire mais est apparu comme une option intéressante à tester. En 2019, le groupe animé par Cécile Goupille a installé deux plateformes d’essais sur deux fermes, en collaboration avec les coopératives Even et Triskalia (devenues Eureden depuis). De très nombreux mélanges ont été testés. L’objectif est de trouver une association capable de couvrir le sol très rapidement et facile à détruire si l’on souhaite une implantation simplifiée de la céréale à suivre. Sur l’une des fermes, celle de Serge Donval (lire ci-contre), il y avait aussi un objectif de production de fourrages avec ce couvert court. Les semis ont été réalisés début août, quelques jours après la récolte de blé et avant un semis d’orge prévu fin octobre début novembre. « En semant rapidement après la moisson, on profite de l’humidité résiduelle du sol », note Cécile Goupille. L’itinéraire technique a été choisi de façon à limiter le travail et les coûts. Le semis a été réalisé en un passage sur les chaumes. Ce travail simplifié a l’inconvénient de favoriser les repousses de céréales.
En 2019, d’autres essais ont été conduits pour avoir une couverture plus rapide après récolte : semis à la volée quelques jours avant la moisson et courant montaison de la céréale. Les résultats sont satisfaisants si l’humidité est suffisante après semis pour assurer la germination des graines. Dans ces conditions, la technique de semis quelques jours avant la moisson est plus aléatoire. Avec cette pratique, les résultats sont meilleurs dans l’orge (sol moins sec) que dans le blé. En 2019, le semis de RGA TB réalisé dans l’orge a ainsi pu être pâturé dès septembre.
L’essai de semis de trèfle blanc-trèfle violet courant montaison a bien levé mais attention à la montée du trèfle violet conduisant potentiellement à une récolte de vert dans la paille. Le mode d’implantation de la céréale à suivre et le mode de destruction souhaités conditionnent le choix des espèces semées. Par exemple, en cas de semis de céréale en direct dans le couvert sans glyphosate, on évite des mélanges avec graminées.
La météo est déterminante pour la levée
Ces essais ont montré que la météo est déterminante pour permettre une installation rapide. Les couverts qui manquent d’eau au départ ont une vigueur insuffisante pour couvrir le sol et concurrencer les adventices. Cependant, cette technique ne permet pas de maîtriser les vivaces (principalement le chiendent) qu’il convient de gérer préalablement.
Sur les zones témoins, où aucun couvert n’a été implanté, les adventices ont recouvert la majorité de la surface. L’efficacité des différents couverts contre cet envahissement est très variable (voir tableau).
La moutarde pousse très vite et a un cycle court. C’est la seule espèce parvenue à maturité. La phacélie améliore la structure du sol et favorise la vie microbienne mais elle démarre doucement. Son association avec le radis chinois, qui couvre rapidement le sol, est intéressante. Ce radis travaille aussi la structure et est facile à détruire. Le trèfle incarnat est plus adapté aux couverts longs en raison de sa pousse assez lente et de sa résistance au gel. Quant au trèfle d’Alexandrie, c’est l’espèce qui a le mieux combattu le salissement, à la dose de 20 kg/ha. Il cumule une croissance rapide et un fort pouvoir couvrant. Il présente aussi l’avantage de fixer l’azote et de le restituer à la culture suivante.
Ces espèces offrent une réelle diversification dans la rotation et permettent de casser les cycles des maladies et des ravageurs. C’est pourquoi il vaut mieux éviter les graminées.
Outre leur action sur les adventices, ces couverts ont le mérite de limiter l’érosion. Ils peuvent aussi améliorer la structure du sol à long terme, en fonction des espèces choisies et de leur type d’enracinement. En moyenne, 30 % de l’azote capté peut être restitué à la culture suivante. La minéralisation est réduite en hiver, mais en cas d’hiver doux, elle peut repartir à un moment où la culture n’a pas de gros besoins. Il y a donc un risque de décalage entre une libération trop précoce de l’azote du couvert et les besoins de la culture en place. « Quand on enfouit un couvert jeune et tendre, il dispose d’une forte capacité de minéralisation », précise Cécile Goupille. Il faut investir entre 25 et 50 €/ha en semences, ce qui est jugé raisonnable. La question de la fertilisation de ces couverts se pose lorsqu’ils sont également destinés à produire du fourrage car les reliquats d’azote sont faibles après une céréale. « En apportant 30 à 40 UN au couvert, on obtiendrait sans doute une meilleure couverture du sol et un rendement supérieur », indique Cécile Goupille. La réglementation le permet, à la différence de celle qui régit les Cipan (culture intermédiaire piège à nitrates).
Les essais reprennent cette année, sur la base de ce qui a le mieux fonctionné. Le colza fourrager à 10 kg/ha, le trèfle d’Alexandrie (15 kg/ha), les mélanges phacélie-radis, colza fourrager-trèfle d’Alexandrie, et sarrasin-phacélie vont être mis en place.
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
« J’ai gagné presque un mois d’IVV grâce aux colliers de détection de chaleur »
Le biogaz liquéfié, une solution pour les unités de cogénération dans l’impasse
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?