
Diagnostic. Facilement utilisable en ferme, Devautop est un nouvel outil pour calculer l’autonomie protéique des exploitations d’élevage. Celle-ci atteint 93 % à l’EARL La Bouffée d’herbe, dans le Maine-et-Loire, et l’éleveur, Olivier Guinebretière, souhaite encore progresser.
«Les éleveurs laitiers sont souvent incités à augmenter leur production, mais cela pénalise leur autonomie. Je vise plutôt un système économe, sans dépendance vis-à-vis de l’extérieur, et une bonne expression du potentiel de mes vaches. » Installé depuis douze ans sur la commune de Cholet, dans le Maine-et-Loire, Olivier Guinebretière vient de clôturer en mars son deuxième exercice en tant qu’EARL individuelle, et de terminer sa conversion en agriculture biologique. « À la suite de la séparation avec mon associé, je ne suis pas complètement au rythme de croisière mais mon objectif de 6 000 kg de lait brut par vache est atteint. Je reste en réflexion concernant mon assolement. »
Pour nourrir le troupeau, l’éleveur « privilégie le plus souvent le vert » : pâturage, affouragement en vert, ensilage d’herbe, ensilage et foin de luzerne. Toutefois, le silo d’ensilage de maïs n’est jamais fermé : même à la saison de pâturage (février à juin), les vaches reçoivent un complément de 3 à 4 kg de matière sèche (MS). « Je ne dépasse jamais 5 kg MS de maïs soit un tiers de la ration, de façon à être capable de l’équilibrer au maximum avec de l’herbe. Je limite le maïs pour modérer les besoins en concentré protéique. »
L’autochargeuse intéressante
Autre priorité de l’éleveur : miser, par sécurité, sur une diversité de fourrages complémentaires. L’énergie de la ration vient principalement du maïs, mais aussi de la betterave fourragère distribuée pendant trois mois d’hiver environ. « Contrairement au maïs, cette culture résiste bien aux coups de chaud et a un effet bénéfique sur la santé et la reproduction des animaux, notamment grâce à une meilleure expression des chaleurs », observe Olivier Guinebretière. Les concentrés énergétiques présents toute l’année dans la ration (1 à 3 kg selon le stade de lactation et le potentiel) sont issus de la récolte en grains des mélanges triticale-pois et de la féverole toastée (plus riche en azote non dégradable). Côté protéines, les ressources sont surtout issues des prairies variées (naturelles, multi-espèces, ray-grass anglais-trèfle blanc, ray-grass hybride-trèfle violet, luzerne, mélange chicorée-plantain-trèfle), mais aussi du colza et du chou fourrager implantés en interculture d’automne et apportés à l’auge à l’aide de l’auto-chargeuse. « C’est un outil intéressant pour valoriser du fourrage à un stade jeune, mais en trop petite quantité pour être ensilé, estime Olivier Guinebretière. Je l’utilise aussi en été pour récolter en foin des repousses non exploitables. Cela nettoie les parcelles et favorise le redémarrage de la pousse à l’automne. J’y passe un peu de temps, mais ce temps est valorisé enautonomie. »
Estimation des protéines autoproduites
Chargé de mission en filière laitière pour la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, Silvère Gélineau a réalisé un diagnostic d’autonomie protéique (Devautop) à partir de l’exercice comptable de l’EARL La Bouffée d’herbe, clôt en mars 2019. Cet outil a été conçu dans le cadre du programme de recherches SOS Protein ayant mobilisé de nombreux partenaires dans l’Ouest depuis 2016. L’un des axes de travail est l’évaluation de l’impact territorial des stratégies d’amélioration de l’autonomie protéique. Il fallait pour cela un outil de calcul de cette autonomie, harmonisé et facilement utilisable en ferme dans toutes les filières animales.
« Devautop calcule les besoins en protéines de l’exploitation à partir de la production laitière, du taux protéique du lait, de la production d’animaux et de viande, explique Silvère Gélineau. En déduisant les achats de protéines, on estime les protéines autoproduites,etdonc l’autonomie protéique. »
Provenance des protéines
Dans le cas de l’EARL La Bouffée d’herbe, les besoins en matières azotées totales (MAT) étaient de 47 160 kg sur l’exercice étudié. Treize tonnes d’aliments ont été achetées (dont 9 t de tourteau de colza et 4 t de céréales) soit 3 469 kg de MAT. L’autonomie protéique de la ferme est donc estimée à 93 %. « Dans les systèmes bio, on atteint en général un niveau de 90 %, plus élevé que la moyenne des systèmes herbagers, autour de 70 %. L’autonomie à 100 % ne doit pas être un objectif à tout prix, mais elle est atteignable sur cette exploitation. »
Concernant l’autonomie massique, elle est de 100 % pour les fourrages (aucun achat sur l’exercice) et de 81 % pour les concentrés (54 tonnes produites pour 13 tonnes achetées). En revanche, les faibles rendements obtenus en maïs en raison de la sécheresse 2019 (10,5 tMS/ha sur 5 ha et 1,5 tMS/ha sur 3,5 ha) ont obligé l’éleveur à acheter des fourrages sur l’exercice 2019-2020.
Au-delà de l’autonomie protéique, Devautop vise aussi à sensibiliser les éleveurs sur la provenance des protéines. Pour l’EARL La Bouffée d’herbe, les 7 % de dépendance en MAT se répartissent en 1 % issu de la région, 3 % issus de France (hors région) et 3 % importés de l’étranger. Ils correspondent à 5 ha de ressources produites en dehors de l’exploitation.
Cet outil de diagnostic sera bientôt complété par un module de simulation permettant d’estimer l’impact des différents leviers d’amélioration de l’autonomie.
« L’autonomie alimentaire est le fer de lance, en particulier en production biologique, considère Olivier Guinebretière. Le diagnostic Devautop m’a permis de mesurer avec précision où j’en suis. J’ai encore des marges de manœuvre et des réglages à faire pour progresser. Je peux ajuster le taux de renouvellement de mon troupeau en améliorant la longévité des vaches. Dans la féverole, j’ai remplacé le seigle par l’avoine pour une récolte à maturité optimale. Dans le même esprit, je m’interroge sur le remplacement du triticale par de l’orge. De plus, la paille d’orge est davantage appréciée par les vaches. L’objectif est d’avoir les meilleures conditions de récolte pour atteindre le maximum de rendement et de qualité. » En travaillant sur ce diagnostic, l’éleveur a pris conscience aussi que son souhait de doubler la production de bœufs pour la vente directe, était sans doute une piste à abandonner s’il voulait préserver son autonomie.
Plusieurs leviers à activer
Pour Olivier Guinebretière, le mot d’ordre est « d’avoir à manger toute l’année » à l’aide de plusieurs leviers possibles à activer en fonction des aléas climatiques. C’est avec cet objectif qu’il a également fait évoluer son parcellaire en petites unités de trois à quatre hectares. « Cela me permet de multiplier les options possibles en matière de rotation, de couverts, et aussi d’irrigation. J’ai un volume de 16 000 m3 d’eau pour une surface irrigable pouvant atteindre 20 ha, sachant que les cultures prioritaires sont le maïs, la luzerne et la betterave. Les parcelles de petite taille sont plus faciles à exploiter à la bonne maturité. En revanche, ce système génère davantage de charge mentale. »
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