
Améliorer. Selon les premiers résultats de recherche, les vaches efficientes digéreraient mieux la ration. Si l’efficience de celles qui le sont moins est améliorée, cela ne portera que sur 5 à 8 % de la ration ingérée. La piste génétique est encore à l’étude.
Avoir des vaches laitières efficientes, c’est le rêve de tout éleveur. Elles consomment moins d’aliments que ce qui était prévu pour produire le lait. Alors, pourquoi une vache l’est-elle… ou pas ? La recherche n’apporte pas aujourd’hui de véritables explications, seulement des pistes, certes sérieuses, mais qui demandent à être approfondies. Si elles sont validées, des progrès seront possibles mais les éleveurs laitiers ne doivent pas, pour autant, en attendre des miracles. « Les deux tiers de l’énergie consommée par la vache laitière le sont pour la synthèse du lait. Cette dépense énergétique est stable, ce qui laisse peu de marge pour améliorer l’utilisation de l’énergie par l’animal », précise Philippe Faverdin, chercheur à l’Inrae de Rennes. Le dernier tiers est mobilisé par la digestion de la ration et par l’activité physique. C’est là que des gains d’efficience pourraient être réalisés, mais ils seront minimes. À même besoin métabolique, on constate un écart de quantités ingérées de 5 % à 8 % par rapport à la moyenne. Autrement dit, pour 20 kg de MS ingérés par vache en moyenne, les moins efficientes consomment au maximum 1,5 kg de MS de plus, les plus efficientes 1,5 kg de MS de moins.
Ce que l’on sait
Les chercheurs ne réussissent pas encore à dégager des indicateurs révélateurs de l’efficience alimentaire à partir de mesures directes sur l’animal, par exemple l’analyse des fèces pour mesurer la digestibilité. « La variabilité des mesures de digestibilité faites sur l’individu est supérieure à la variabilité entre individus, ce qui empêche de mesurer les différences entre vaches. Nous essayons donc de mettre en évidence des indicateurs indirects. » Ceux qui commencent à émerger de ces travaux de recherche semblent permettre d’établir des différences entre vaches dans la digestion de la ration.
Une surprise : le volume de l’abdomen. Le volume de l’abdomen est un des indicateurs émergents. La ferme Inrae de Méjusseaume (Ille-et-Vilaine) est équipée d’un portique qui, grâce à des capteurs, reconstitue la forme en 3D de la vache scannée. « Nous pouvons, à partir de là, calculer des volumes partiels d’animal. Nous avons découvert avec surprise que, à même quantité ingérée, les vaches plus efficientes ont un volume d’abdomen plus grand. »
L’Inrae formule l’hypothèse que l’aliment a un temps de séjour plus long dans le rumen, ce qui permet une meilleure digestion et donc un peu plus d’énergie valorisée par kilo d’aliment ingéré. Évidemment, si cette hypothèse se confirme, l’utilisation de cet indicateur dans les élevages paraît très compliquée. « En revanche, on pourra envisager une application en sélection génétique, à condition que ce caractère soit héritable, ce qui reste encore à prouver. »
La température du rumen. Elle pourrait constituer un autre indicateur indirect de l’efficience alimentaire, peut-être en lien avec le volume de l’abdomen. La température du rumen lors des buvées diminue, l’eau bue étant plus froide que le contenu ruminal. Elle perd de 2 à 10 °C chaque fois que l’animal boit, puis revient à son niveau initial trente minutes à deux heures plus tard. D’où l’idée de mesurer les variations de températures du rumen par des thermobolus. « À même production laitière et poids vifs, nous remarquons que les vaches plus efficientes voient la température de leur rumen moins abaissée par les buvées. » Boivent-elles moins parce qu’elles ingèrent moins, ou leur volume d’abdomen plus grand limite-t-il l’impact de l’eau froide sur la baisse de la température ? « Peut-être les deux. Nous allons étudier plus en détail cette question cette année, indique Philippe Faverdin. Si la température ruminale se révèle être un indicateur pertinent, il sera beaucoup plus facile de repérer et phénotyper les vaches plus efficientes. » L’application première serait donc génétique, à partir de leur génotypage. L’alimentation de précision pourrait en être une seconde, mais ce sera sans doute difficile à mettre en pratique.
Ce que l’on ne sait pas encore
La santé des vaches. Les vaches plus efficientes mobilisent-elles davantage l’énergie pour la production du lait, au détriment de leurs réserves corporelles, de leur reproduction ou de leur santé ? « Nous n’avons rien constaté de cet ordre, mais ce n’est pas un résultat en tant que tel », répond le chercheur. La mobilisation des réserves corporelles et ses incidences sont complexes à appréhender. Les critères choisis pour estimer l’efficience prennent plus ou moins bien en compte la gestion de ces réserves corporelles.
L’avenir est-il à une alimentation de précision ?
Identifier l’efficience alimentaire des vaches permettrait de mieux valoriser la ration distribuée. Dans ce but, l’Inrae a observé leur réaction à deux régimes restreints. Les premières conclusions montrent qu’il y a plus à attendre de la piste génétique qu’alimentaire.
Améliorer les performances des vaches les moins efficientes ? La ferme de Méjusseaume a testé une alimentation restreinte : les vaches inefficientes se voient distribuer 3 kg de MS de moins que les efficientes. Objectif : étudier si elles se corrigent avec moins d’apports alimentaires. « Une vache est considérée comme inefficiente quand elle surconsomme par rapport à ses besoins, rappelle Philippe Faverdin. Or, plus elle consomme, moins bonne est la digestibilité de la ration. » Mais attention, il explore cette voie à des fins de recherche. Il ne conseille pas aux éleveurs d’abaisser les quantités distribuées à cette catégorie de vaches, vu la difficulté de mise en œuvre.
Que constate-t-on ? Il existe toujours un écart entre les vaches efficientes et inefficientes, mais il se resserre. Sans doute ces dernières digèrent-elles mieux, mais une modification de leur gestion des réserves corporelles n’est pas à exclure.
Proposer des rations adaptées ? L’efficience des vaches laitières dépend-elle du régime alimentaire ? C’est ce que l’Inrae a cherché à mesurer à partir de deux rations hivernales à densités énergétiques différentes. La plus faible est plus riche en cellulose, avec moins d’amidon. « Le classement d’efficience des individus n’est pas modifié. Globalement, les vaches plus efficientes le restent, les moins efficientes aussi. Le type de ration hivernale ne semble donc pas avoir d’influence. » Et Philippe Faverdin de conclure : « Il est rassurant de constater que cette aptitude individuelle dépend peu du régime. C’est une information importante si, à l’avenir, ce caractère est sélectionné génétiquement. »
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