
L’estimation du revenu 2021 des exploitations du réseau Inosys (p. 21) montre des écarts importants entre systèmes d’élevage, et les améliorations observées sont souvent imputables aux productions végétales. Décryptage, et perspectives pour 2022.
L es exploitations de plaine, depuis quatre ans, dépassent les 30 000 €/UMO de revenu. Est-ce bon signe ?
Yannick Péchuzal : C’est encourageant par rapport aux années 2012-1016. Depuis, les revenus ont effectivement progressé grâce à un meilleur prix du lait, et des charges stabilisées. Avec un bémol cependant, car les exploitations du réseau Inosys ont été triées, elles sont souvent plus grandes et plus productives que la moyenne. Nous estimons que leurs revenus courants sont 30 à 40 % supérieurs à un même échantillon du Rica (1). Il faut ajouter qu’en 2021, le revenu des exploitations de plaines s’est fait en grande partie sur les cultures de vente, grâce à des rendements et des prix en forte hausse. Certes, le prix du lait et des réformes a aussi progressé mais l’augmentation a été neutralisée par la hausse des charges. Cette inflation sera encore plus marquée en 2022, et il s’y ajoutera les prix exorbitants des fertilisants. Si nous raisonnons en coût de production de l’atelier lait, nous n’étions pas encore, en 2021, à deux Smic de rémunération.
Cette hausse des charges, combinée à un prix élevé des céréales, pourrait-elle orienter les systèmes de production ?
Y.P. : Nous verrons cela sur la durée. Aujourd’hui, nous sommes sur des adaptations techniques de court terme. Il s’agit d’ajuster au mieux les concentrés, de chasser les gaspillages, d’optimiser le pâturage, etc. Mais si cette crise sur les matières premières perdure au-delà de l’automne, avec un prix très attractif des céréales, des arbitrages pourraient intervenir entre les cultures de vente et le troupeau, en particulier dans les exploitations de polyculture-élevage car les spécialisés lait auront moins de marges de manœuvre. Avec des tourteaux hors de prix, on peut imaginer une évolution des systèmes allant vers moins de maïs et davantage de prairies. Mais on ne met pas 100 vaches au pâturage du jour au lendemain. Le prix du lait sera aussi un élément de l’équation.
Avec 15 000 €/UMO, les revenus du lait des montagnes du Sud restent à la peine. Existe-t-il des solutions ?
Y.P. : Ces revenus sont structurellement faibles et il est difficile d’envisager une éclaircie prochaine. Dans ces régions, nous observons un coût de production supplémentaire par rapport à la plaine de 130 à 150 €/1 000 l. Un même intrant est beaucoup plus cher à Aurillac, dans le Cantal, qu’à Laval, en Mayenne. Les bâtiments de montagne sont aussi plus onéreux qu’en plaine. Ensuite, les handicaps naturels limitent la productivité des élevages. Les charges se concentrent donc sur un plus petit volume de production. Les indemnités compensatrices (ICHN) ne couvrent que partiellement ce surcoût : pas plus de 40 €/1 000 l. Enfin, pour 75 % des livraisons, le prix du lait est identique à celui de la plaine. S’ajoutent à cela trois années d’aléas climatiques et les dégâts récurrents des campagnols, pour des trésoreries aujourd’hui exsangues. La solution ne pourrait venir que du prix du lait, donc de consommateurs qui acceptent de payer un prix supérieur pour la préservation des prairies permanentes et de la biodiversité en montagne. La future Pac 2023 n’apportera pas la surcompensation nécessaire au lait de montagne. Certaines filières AOP et des exploitations en transformation fermière tirent bien leur épingle du jeu, mais cela reste limité à l’échelle du Massif central.
À 27 000 €/UMO, le bio de plaine était en difficulté en 2021. Est-ce conjoncturel ?
Y.P. : Quatre ans en arrière, le lait bio était en tête des revenus. Depuis, ces exploitations ont souffert des sécheresses, notamment dans l’Est et en Pays de la Loire. Certaines régions se sont aussi désengagées des aides au maintien bio. Cela pouvait représenter 20 €/1 000 l, et le crédit d’impôt qui s’y substitue n’entre pas dans les comptabilités. Surtout, le prix du lait bio commence à faiblir, avec de gros écarts entre collecteurs : de 0 à - 30 €/1 000 l en 2021. La tendance s’inverse, avec un marché qui pourrait s’avérer durablement plus difficile. En 2022, les systèmes bio, notamment les plus autonomes, seront moins exposés aux hausses des charges, excepté le carburant. Mais quel que soit le système, en plaine comme en montagne, l’année climatique et fourragère aura un rôle prédominant sur les revenus 2022.
(1) Le Réseau d’information comptable agricole (Rica) assure le suivi des revenus et des activités des exploitations.
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