Face à l'Allemagne, les filières bovines françaises souffrent de distorsions de concurence

Face à l'Allemagne, les filières bovines françaises souffrent de distorsions de concurence

Des choix politiques avantageux et une réglementation plus souple rendent les éleveurs allemands de bovins plus compétitifs que les français. Les distorsions les plus importantes portent sur les faibles niveaux de rémunération de la main d’œuvre étrangère dans les abattoirs, les avantages successoraux et la fiscalité des exploitations. Le lissage des cotisations sociales, le seuil des installations classées ou encore la production de biogaz qui tire les prix des terres à la hausse, complètent le dispositif de soutiens très favorable aux éleveurs Outre-rhin.

conccurence filière bovine Allemagne France
En Allemagne, le Smic n'existe pas et les abattoirs emploient des ouvriers à bas coût. Le gain est d'environ 9 centimes d'euro par kg de carcasse. (© Terre-net Média)

« La France soutient l’agrandissement et la modernisation du plus grand nombre, tandis que l’Allemagne parvient à encourager l’agrandissement des exploitations les plus compétitives au Nord (ex Rda) tout en favorisant le maintien des plus petites structures au Sud », fait remarquer Anne Mottet de l’Institut de l’élevage.

« Les distorsions de concurrence entre les deux pays sont principalement d’ordre fiscale et salariale ». En effet, Les exploitations allemandes peuvent opter pour un régime fiscal spécifique, sans limite de chiffre d’affaires selon lequel la Tva s'applique sur les achats et les ventes avec des taux différenciés.

Pas de salaire minimum

Comme dans la plupart des exploitations, le montant collecté sur les ventes est supérieur à celui payé sur les achats, la différence est empochée par l’exploitation qui n’a pas l’obligation de la reverser au fisc. « Cet avantage fiscal est un acquis agricole ancien et fort, qu’il est presque impossible de remettre en question en Allemagne, notamment pour des raisons de simplicité administrative », explique Anne Mottet lors des journées 3R. Et il explique pourquoi la baisse du prix du lait en 2009 n'a pas été ressentie avec la même intensité qu'en France. 

Dans l’industrie de la viande, le coût de la main d’œuvre, souvent étrangère, est un des principaux postes de dépenses. Il représente plus de la moitié des charges opérationnelles, hors achat des animaux. Comme il n'existe pas de salaire minimum (Smic en France),  « cette politique de faibles coûts, qui favorise la compétitivité de l’industrie allemande à l’export, est parfois qualifiée de dumping salarial. Elle est critiquée par les autres états membres, la France en premier lieu, qui s’est récemment vue reléguée à la deuxième place des exportateurs de produits agricoles dans l’UE. »

Une succession favorisée

Avec une loi garantissant le rachat de l’électricité issue du biogaz durant 20 ans, plus de 7.000 élevages allemands se sont lancés dans la méthanisation, abandonnant parfois même l’élevage au profit du maïs fourrage pour nourrir les digesteurs.
38 % de la surface totale en maïs fourrage (700.000 ha) sont dédiés à la production de biogaz, ce qui augmente considérablement le prix des terres et du fermage (jusqu’à 1.000 euros /ha/an)

méthanisation allemagne

Concernant la succession des exploitations, certains Länders allemands disposent d’une loi fixant une valeur minimum de dédommagement des héritiers écartés de la succession.
Mais l’arrangement à l’amiable est généralement la règle, et la valeur accordée en dédommagement bien inférieure à la valeur vénale de l’exploitation. En fait, c'est la valeur économique de l'exploitation, estimée en fonction des revenus agricoles, qui est retenue pour estimer la succession et non la valeur patrimoniale.
Cet avantage fiscal préserve les systèmes d'exploitation en l'état et favorise même leur agrandissement. Les jeunes ne bénéficie par d'aides à l'installation mais ils sont beaucoup moins endettés en s'installant.

Cet avantage successoral favorise même l’agrandissement des exploitations lors de la reprise. Il est fréquent dans le Nord que le jeune agriculteur double la taille du cheptel. Puisqu’il s'endette peu en s'installant, il dispose de capacité d'emprunt importantes pour investir.

 Outre-Rhin, les seuils des installations classées sont bien supérieurs à ceux retenus en France. Les allemands appliquent les seuils minimum exigés par la réglementation européenne (300 places de vaches laitières et pas de seuils pour les vaches allaitantes). Les français, plus stricts, limitent à 150 vaches laitières le seuil pour autorisation (100 avant 2011), ce qui crée une charge administrative supplémentaire pour les grosses exploitations françaises.

Autre distorsion, le mode de calcul des prélèvements sociaux. Les cotisations sociales des agriculteurs allemands dépendent très peu de leur revenu. Forfaitaires, elle sont basées à 90 % sur le type d’exploitation, la taille et le potentiel agronomique des terres.

« Les bonnes années, l’éleveur français voit ainsi sa cotisation augmenter fortement alors que l’éleveur allemand ne paie qu'un très léger supplément. Mais les mauvaises années, malgré un revenu faible, la cotisation de l’éleveur allemand reste également la même », indique Anne Mottet.

Pac : la France fait du « saupoudrage »

Anne Mottet
« En Allemagne, la crise du lait fait partie du passé. La flière se dit prête à produire plus car les outils en aval sont capables d'absorber une augmentation de la production laitière », a expliqué Anne Mottet ce matin aux Journées 3R. (© Terre-net Média)

Si l’on compare l’application des directives de la Pac en France et en Allemagne, on relève plusieurs différences significatives. Côté allemand, les projets de 20.000 € à 2 millions d'euros sont subventionnés à hauteur de 25 %. En France, le montant maximum du projet est bien plus faible (90.000 € en plaine). Les taux de subvention sont également inférieurs (20 % et 30 % pour les JA).

Le nombre de projets de bâtiments d’élevage en France est de 103.250 sur 2000-2006 pour un montant moyen de dépenses publiques 6.155 € par projet. En Allemagne, 33.283 projets ont été subventionnés à hauteur de 27.536 € par projet, soit quatre fois plus qu’en France. Cela porte le taux moyen de subvention d’un projet à 21 % en France contre 29 % en Allemagne.

La mise en oeuvre du Bilan de santé de la Pac a conduit en France et en Allemagne à une augmentation de 967 millions d’euros (+12 %) du budget du deuxième pilier mais « l’affectation de ces fonds est cependant différente. Outre-Rhin, 25 % ont été affectés à la restructuration du secteur laitier, sous la forme d’aides à l’investissement. En France, la priorité a été la gestion de l’eau et de la biodiversité. »

« Les deux pays ont choisi une application radicalement différente des mêmes outils politiques européens : "saupoudrage" sur un plus grand nombre d’exploitations côté français, concentration et encouragement de l’agrandissement des exploitations déjà les plus importantes côté allemand, en particulier au Nord, (Basse-Saxe) »

 

Réagir à cet article
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

Tapez un ou plusieurs mots-clés...