Des ateliers complémentaires

Des ateliers complémentaires

Sur dix agneaux consommés en France, seul quatre sont élevés sur notre territoire et la filière ovine française est en quête de nouveaux éleveurs. Les moutons s’intègrent bien dans les exploitations céréalières où l’azote fait défaut et les coproduits sont souvent peu valorisés. Ils permettent de diversifier les ressources et de dégager du revenu supplémentaire sans avoir recours au foncier.

Production ovine et ferme céréalière
L’installation est un enjeu stratégique pour la filière. En 2011, 63 % des éleveurs ovins avaient plus de 50 ans.
(© Terre-net Média)

Thomas Cuypers Thomas Cuypers, installé avec ses deux frères à Fleury dans l'Oise.
Thomas Cuypers produit des grandes cultures, betteraves, pommes de terre et des légumes de plein champ. (© T.Cuypers)

Créer un atelier de 800 brebis et employer un berger

« Au début de la réflexion il y a deux ans, nous sommes partis d’une feuille blanche. Nous souhaitions valoriser les coproduits issus des cultures et la production ovine semblait mieux se porter que celle de bovins allaitants. Nous avons opté pour un système, où les brebis passent dix mois dehors et produisent un maximum d’agneaux avec trois agnelages en deux ans. Nous avons étudié l’élevage en bergerie intégrale, mais ce mode de conduite s’est avéré peu rentable.

Nous avons acheté 400 agnelles romanes (ancien nom de la race Inra 401) et des béliers charolais avec l’objectif d’atteindre 800 brebis l’an prochain. Nous avons embauché un jeune berger passionné par cette production et nous avons investi dans un bâtiment de 2.000 m² conçu pour l’agnelage. Pour faciliter le travail, nous l’avons équipé d’un large couloir d’alimentation surélevé, qui permet de distribuer l’ensilage et les pulpes de betteraves avec une désileuse. De même, nous disposons de clôtures électriques, qui s’installent facilement avec le quad, et de piquets souples sur lesquels on peut rouler avec le tracteur.

Les premiers agneaux nés cet hiver sont commercialisés par l’Association ovine Nord Picardie. Nous réfléchissons à nous orienter vers des circuits courts, d’autant que nous ne sommes qu’à 60 km de Paris. La viande hallal peut aussi être un marché intéressant. »

Les moutons de retour dans les plaines céréalières ? Il faut dire que les cours de la viande ovine sont porteurs, en raison de la forte demande mondiale et du rééquilibrage de l’aide à la production ovine, décidé en 2009 suite au bilan de santé de la Pac.

Serge Préveraud
Serge Préveraud, président de la Fno. (© Fno)
Reste à savoir si le prix des grains, élevé depuis plusieurs mois, ainsi que la publication des revenus agricoles, ne risquent pas de dissuader les agriculteurs qui souhaitent se lancer dans l’élevage de brebis.

« Les cours des céréales sont extrêmement variables d’une année à l’autre, tandis que le prix de l’agneau est en constante augmentation depuis deux ans. Ainsi, un atelier ovin en complément des grandes cultures peut compenser les fluctuations aléatoires des prix des céréales et sécuriser le revenu », explique Serge Préveraud, président de la Fédération nationale ovine (Fno). Selon lui, la production ovine a une carte à jouer dans les exploitations céréalières, où l’élevage pourrait revenir par la porte de l’agronomie. « Avec la hausse des cours des engrais, les moutons retrouvent de l’attrait auprès des céréaliers. Un moyen, pour eux, de fertiliser leurs têtes d’assolement à moindre coût. De plus, le fumier s’échange à prix d’or ! »

Valoriser les couverts et les coproduits

L’Institut de l’élevage estime que 200 brebis peuvent fertiliser une quinzaine d’hectares, soit plus de 1.800 € d’économie réalisée sur l’azote minéral. Bien choisies, les Cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) offrent un fourrage de choix aux brebis. « Nous avons créé un atelier ovin parce que cette production s’avère complémentaire des nombreuses cultures de l’exploitation, explique Thomas Cuypers. Nos terres sont situées en zone vulnérable, avec obligation de ne pas laisser les sols nus, et nous avions envie de valoriser les couverts. Les brebis pâturent les repousses de colza, les semis de chicorée fourragère et d’herbe. De plus, nous produisons des légumes de plein champ et les coproduits ne manquent pas. Désormais, les pulpes de betteraves, les déchets d’oignons ou les pommes de terre sont valorisés par les animaux. »

S’installer sans foncier supplémentaire

Certains éleveurs vont même jusqu’à faire pâturer leur troupe sur les terres des voisins, qui ne sont pas mécontents de cet apport de matière organique. En plaine, les terres sont chères et s’agrandir n’est pas toujours envisageable. L’atelier ovin peut être une solution pour développer son exploitation sans foncier supplémentaire, notamment pour s’installer à plein temps, s’associer avec quelqu’un ou employer un salarié.

Berger - éleveur ovin
Pour s'occuper du troupeau, Thomas Cuypers a employé un jeune berger après sa formation et a construit une bergerie pour les périodes d'agnelage. (© T.Cuypers)

Un quart temps par tranche de 200 brebis

Question charge de travail, il faut compter un quart temps par tranche de 200 brebis, soit un plein temps pour 800 brebis. Dans les exploitations céréalières, les agnelages ont généralement lieu en septembre, avant les semis, et en décembre pour vendre des agneaux à Noël et à Pâques.

« Les travaux d’élevage s’intercalent bien avec ceux des champs, si les mises bas sont planifiées en dehors des pointes d’activité des cultures », fait remarquer Laurence Sagot de l’Institut de l’élevage. Pour cela, les brebis doivent être prolifiques et aptes au désaisonnement de la date d’agnelage. Les races telles que la Romane ou l’Ile-de-France sont particulièrement adaptées. « Le revenu dégagé est en lien direct avec les performances techniques du troupeau, prévient Laurence Sagot. Pour obtenir de bons résultats, les moutons réclament un peu d’attention mais techniquement, c’est passionnant. »

Revenu annuel pour un mi-temps :
400 brebis hors annuités liées aux bâtiments
Prix des céréales
Nb d’agneaux produits/brebis/an
1,5
1,7
1,8
100 €/T
17.500 €
23.900 €
27.100 €
150 €/T
13.200 €
19.300 €
22.400 €
175 €/T
11.000 €
17.000 €
20.000 €
200 €/T
8.800 €
14.700 €
17.700 €

Source : Ciirpo. Conjoncture 2011

Reconquête ovine
Gilles Duthu. (© Terre-net Média)
Gilles Duthu, polyculteur-éleveur en Gaec sur 275 ha à Francheville (Côte-d’Or) et président du groupement de producteurs Terre d’Ovin. 

Des agneaux bien valorisés sous signe officiel de qualité

« Il y a toujours eu un atelier ovin sur la ferme pour valoriser les prairies permanentes et apporter un plus aux cultures. La luzerne et les prairies à base de mélanges de graminées-légumineuses permettent d’allonger ma rotation triennale colza, blé, orge. C’est intéressant pour la fertilité des sols et sur le plan phytosanitaire. Le fumier est composté, puis épandu sur une vingtaine d’hectares avant les colzas.

En termes de travail, les ovins et les cultures se complètent bien. Je passe environ une heure par jour avec les brebis en été et deux heures en hiver lorsqu’elles sont en bergerie, avec des pics d’activité durant les agnelages. Les agneaux sont bien valorisés grâce à une démarche qualité soumise à un cahier des charges. Ils sont vendus à Pâques lorsque les cours sont les plus élevés, entre 110 et 130 € par bête.

Si l’élevage est bien mené, les moutons représentent un bon complément pour les fermes en zone intermédiaire. Certains céréaliers préfèrent s’orienter vers l’élevage de volailles pour diversifier leur exploitation. Il appartient donc à la filière de promouvoir la production ovine en montrant que la demande en agneaux est forte et que ceux qui souhaitent s’installer peuvent bénéficier de droits à primes, d’aides à l’investissement et de prêts bonifiés. »

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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