L'essor contrarié de la filière bovine

L'essor contrarié de la filière bovine

Les perspectives de marché sont excellentes. Pourtant plusieurs facteurs, dont certains échappent à la filière, entravent le développement de la production de viande bovine : des mesures sanitaires en Australie, la concurrence des filières laitières et céréalières dans les grands pays agricoles... La viande de boeuf va-t-elle devenir une denrée rare ? Un article extrait de Terre-net Magazine n°17.

La viande bovine, principale source de revenu.
En Australie, les éleveurs ramènent, à cheval, les bêtes dispersées sur des millions d'hectares. (© DR)

En Australie

Territoire du Nord.
John et Helen Armstrong à Gilnockie (Territoire du Nord)

 L'Indonésie, le talon d'Achille des éleveurs

On ne les y reprendra plus. Les éleveurs australiens ont été ruinés en exportant 460.000 bêtes l’an passé en Indonésie contre 718.000 habituellement, qui plus est avec des prix en baisse alors que le marché mondial de la viande était porteur. L’heure est dorénavant à la conquête de nouveaux marchés en Turquie, en Egypte ou encore en Israël.

La crise a été d’autant plus vivement ressentie par ces producteurs qu’ils n’avaient pas de débouchés alternatifs pour écouler les animaux invendus. A l’origine de celle-ci, en mai 2011 : la décision d’un seul homme, Joe Ludwig, ministre australien de l’Agriculture. Justifiée sur le fond, elle n’en a pas moins été vécue comme une profonde injustice par les éleveurs.

L'Indonésie, la principale destination des animaux produits en Territoire du Nord.
Des salariés en train d'écorner et de marquer un veau. (© DR)
Voulant respecter certaines normes essentielles de bien-être animal, le gouvernement australien a interdit les exportations de bovins viande vifs vers l’Indonésie, en raison des conditions d’abattage dans ce pays. Or, l’Indonésie est la principale destination des animaux produits par John et Helen Armstrong, éleveurs à Gilnockie, et par l’ensemble des éleveurs du Territoire du Nord, qui réalisent plus de 90 % de leur revenu à l’export.

L’an passé, John n’a commercialisé vers l’Indonésie que 150 jeunes bovins de moins de deux ans contre 650 à 700 d’habitude. En plus, les prix pratiqués étaient très faibles : 1,85 $AU/kg (1) pour un poids de carcasse compris entre 300 et 350 kg contre 2 $AU/kg en 2010 pour un poids de carcasse compris entre 350 et 380 kg.

Diversification des débouchés

Une vache pour dix hectares

Dans le Territoire du Nord, le bush s’étend à perte de vue. La pâture constitue donc la première source de nourriture du bétail. La végétation est composée, en grande majorité, d’herbe de kangourou et de sorgho. Le chargement est en moyenne d’un animal pour dix hectares.

Deux races sont majoritaires. Les vaches brahmanes (race indienne) sont les plus représentées car elles sont peu sensibles aux insectes et aux parasites et supportent bien le climat tropical. Mais, leur fertilité est plus faible que celle de la race droughtmaster, très présente également dans la région. Le "mustering" (rabattage des animaux, Ndlr) est réalisé deux fois par an pour marquer les veaux au fer rouge (en plus de son métier d’éleveur, le fils d’Helen et de John dirige une compagnie d’hélicoptères spécialisée dans le "mustering"). A l’âge de six mois, ils sont séparés du troupeau .

A la fin de l’année dernière, le plus dur de la crise était passé avec de nouvelles autorisations du gouvernement australien pour exporter les animaux sur le marché indonésien, qui reste le premier débouché des bovins viande vifs de ce pays. Mais dorénavant, l’Indonésie impose de nouvelles contraintes : par exemple, les carcasses ne peuvent pas dépasser 350 kg.

L’heure est donc à la diversification des débouchés, mais les nouveaux marchés prospectés ne sont pas prêts d’absorber les volumes destinés à l’Asie, en forte croissance, et surtout de s’inscrire dans la dynamique de ces dernières années, avec 100.000 animaux supplémentaires exportés par an.

Dispersées sur des millions d’hectares

Les éleveurs n’ont donc pas fini de payer les conséquences de cette crise. Beaucoup d’entre eux ont dû abattre une partie de leur troupeau, faute de pâtures et de trésorerie pour alimenter leurs animaux. Les aides du gouvernement (330 millions de dollars australiens à fin 2011 pour l’ensemble du pays) ont été bien insuffisantes pour compenser les pertes subies. Le manque à gagner est supérieur dans le Territoire du Nord car la production bovine y est la source de revenu la plus importante.

Etre stagiaire dans le bush australien

A Gilnockie, le mode de vie se résume en deux mots : nature et autarcie. Les approvisionnements en électricité et en eau sont assurés par des panneaux solaires et par la collecte des eaux de pluie pendant la saison humide.

Pour la toilette, la rivière la plus proche fait l’affaire. Et au menu, boeuf à tous les repas ou presque ! La nature s’impose jusque dans la chambre à coucher ! Trouver un python de 2,20 m au seuil de sa porte fait partie du quotidien !

La conduite d’élevage est singulière en Australie, puisque les bêtes sont dispersées sur des millions d’hectares. Il est assez difficile de connaître précisément la taille des troupeaux car les animaux sont livrés à euxmêmes, ceci jusqu’à leur mort s’ils ne sont pas commercialisables. Les 7.000 vaches de John et d’Helen, réparties sur les 72.000 hectares exploités, sont assimilées à un capital valorisé en fonction du marché. Produire un veau par vache et par an n’est pas l’objectif recherché. C’est même tout à fait exclu car les terres ne pourraient pas nourrir tous les animaux. Le chargement ne peut pas excéder une vache pour dix hectares et produire du fourrage ne serait pas rentable.

Les veaux sont élevés conformément au schéma de reproduction, établi par l’éleveur au début de chaque campagne, en constituant des lots de 1.200 vaches (avec un taureau pour 100 vaches) dans des parcs de 12.000 ha. A l’intérieur de ceux-ci, les animaux sont répartis par classe d’âge. Le schéma est réactualisé tous les ans selon la conjoncture. Ainsi, certaines années, la priorité est donnée à la commercialisation de vaches de 500 kg au détriment de la reproduction.

Un capital valorisé en fonction du marché.
En Australie, c'est boeuf à tous les repas !
Ici dépecé en plein champ ! (© DR)

 

Au niveau mondial

Panorama de la filière bovine, d'après l'Institut de l'élevage

Les bovins viande concurrencés par le lait et les grandes cultures

« L’Inde a un vrai potentiel pour faire progresser ses exportations en 2012 : son cheptel bovin, de loin le plus important au monde, est aujourd’hui très peu utilisé pour produire de la viande, interdit hindouiste oblige. Mais, face à la forte demande mondiale, une véritable industrie exportatrice se structure, exclusivement à partir de bufflons, pour gagner des parts de marché dans un contexte de pénurie pour le boeuf qui devrait perdurer en 2012 ».

En Australie aussi et dans une moindre mesure en Nouvelle-Zélande, la capitalisation allaitante est en marche. L’Australie tire parti de deux années consécutives sans accident climatique majeur. En revanche, le cheptel allaitant continue de régresser en Nouvelle-Zélande, où l’élevage laitier progresse toujours fortement. Le reste du monde, lui, est plutôt orienté vers une décapitalisation parfois massive des troupeaux de vaches allaitantes, comme en Chine et au Japon où le cheptel recule même nettement alors que la demande est porteuse.

La décapitalisation se poursuit

Voici quelques-unes des conclusions du panorama mondial de la filière bovine, dressé par l’Institut de l’élevage dans un dossier spécial. Selon cet organisme, la décapitalisation en bovins viande se poursuit dans l’Union européenne (2) et aux Etats-Unis. Dans tous ces pays, l’élevage allaitant souffre de la comparaison avec les grandes cultures en termes de rentabilité, voire avec la production laitière. Il devrait donc continuer à décliner en 2012 et le solde exportable dépendra de la vigueur de la demande interne, qui semble particulièrement faible dans les états les plus touchés par la crise économique.

Cette concurrence des grandes cultures joue aussi à plein au Brésil ou en Argentine. Et même si, dans ce dernier pays, le mouvement est probablement stoppé depuis 2011, le cheptel n’est pas prêt de reconquérir le terrain perdu. Autrement dit, l’Argentine va rester un exportateur, mais de second rang, surtout si la demande intérieure reste soutenue. Au Brésil, beaucoup d’indices montrent un mouvement de capitalisation, qui pourrait se traduire par des disponibilités accrues à partir de 2013. Ainsi, 2012 restera encore vraisemblablement une année de faibles disponibilités en bovins, alors que la demande intérieure a fortement augmenté ces dernières années sous l’effet des redistributions de revenu aux classes brésiliennes les plus pauvres.


Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°17

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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