Les pays baltes demandent un traitement d’exception

Les pays baltes demandent un traitement d’exception

Moins de 100 euros par hectare, les aides directes de la Pac reçues par les agriculteurs lettons et estoniens, sont les plus faibles de l’Union européenne. La convergence des aides, autrement dit, leur rattrapage serait le remède à la faiblesse des revenus, et surtout à la faiblesse de leurs capacités de production, selon les gouvernements et les professionnels agricoles. Mais rien n’est moins sûr.

une convergence des aides directes à hauteur de 90 % de la moyenne européenne
Kaul Nurm, secrétaire général de la Fédération des
agriculteurs estoniens. Il défend une convergence des aides
directes à hauteur de 90 % de la moyenne européenne.
(© Commission européenne)

La troïka balte fait de la convergence des aides directes, autrement dit du rattrapage du manque à gagner, une question européenne centrale. A l’horizon de 2020, les gouvernements baltes et estoniens, et leurs agriculteurs, veulent que leur pays ait rejoint le peloton des membres de l’Union européenne dotés d’aides directes à l’hectare proches de la moyenne. Les lettons se fixent un alignement à hauteur de 80 % de cette moyenne européenne de 270 € environ et les estoniens de 90 %.

Ouvrir la chasse aux « Sofa Farmers »

Ils ne sont pas prêts à accepter la réduction d’un tiers de la différence entre le montant actuel de leurs droits et le seuil de 90 % des 270 € d’aides, comme le prévoit la proposition législative de la Commission européenne.

Les arguments avancés par les gouvernements des deux pays et leurs responsables professionnels pour justifier ce rattrapage sont les prix des intrants qui sont équivalents à ceux en vigueur dans les autres pays de l’Est, le potentiel agronomique plus faible des terres cultivées que dans les autres pays de l’Union avec 6 mois d’hiver et des fermages qui ponctionnent une partie des aides versées.
Parallèlement, les gouvernements baltes et lettons souhaitent que les crédits du second pilier de la Pac représentent 50 % de leur budget national, et que les fonds réservés au verdissement basculent dans ce second pilier.

Enfin pour que les fonds publics alloués soient investis et restent dans le secteur agricole, les responsables professionnels agricoles lettons et estoniens, appuyés par leur gouvernement souhaitent que la Commission ouvre la chasse aux « Sofa Farmers », ces propriétaires qui se sont vu restituer des terres suite aux démantèlements des kolkhozes, mais qui ne les exploitent pas. Ou tout au moins qui se contentent de les faucher pour toucher des aides.

Les aides directes sont par nature des aides compensatoires

Une partie des positions des pays baltes se justifient économiquement, l’autre non. Ayant opté pour une organisation libérale de leur économie depuis vingt ans, sans législation foncière forte qui protège les fermiers (baux et prix réglementés), l’efficacité des aides est forcément faible au regard des sommes en jeu, puisque une partie de leur montant n’est plus investie dans le secteur agricole. En effet, leur alignement sur les prix des fermages réduit les gains des agriculteurs.

Par ailleurs, les pays baltes feintent d’ignorer que les aides directes sont par nature des aides compensatoires versées, à l’origine aux agriculteurs occidentaux, pour atténuer la baisse des prix garantis dans les années 1990. Les nouveaux pays membres n’étaient pas dans cette dynamique baissière quand ces aides ont été établies. Elles constituent donc pour eux un plus alors que dans les pays membres historiques de l’Union, il était primordial de préserver le pouvoir d’achat et les revenus des agriculteurs.

Dans les pays de l’Est, les aides visent en revanche à soutenir l’activité des agriculteurs et à compenser parfois des surcoûts de production générés, par l’absence de politique publique. La visite de quelques fermes en Lettonie et en Estonie a montré qu’il existe d’importants gains de productivité à réaliser. Produire 700.000 litres de lait, vendus 0.31 cent par 6 personnes payées 300 à 400 euros par mois, n’est non seulement pas concevable en France, mais cette situation montre aussi que les coûts de production à ce niveau de productivité ne sont pas plus faibles que chez nous.

La location de 40 € ou 50 € par hectare et par an est à ramener à la valeur de la terre

Augmenter les aides ne réduira ni les écarts de compétitivité, ni les écarts de revenus puisqu’une partie des aides profitent automatiquement aux détenteurs de terres si l’agriculteur est locataire. Or en Estonie, 50 % des terres sont en location, en bail précaire le plus souvent.

Autre paramètre notoire à prendre est les prix des terres. La location de 40 ou 50 euros par hectare et par an est à ramener à la valeur de la terre, qui varie selon les cas de figures autour d’un prix pivot de 2.500 euros par ha.

Bref, l’efficacité de la Pac réformée ne relève pas seulement du volume de crédits alloués par Bruxelles, mais davantage des réformes de structure à engager, aussi bien au niveau national qu’européen, pour protéger les revenus des fermiers, petits et gros et maintenir ainsi une vie rurale dynamique. Certaines erreurs commises en Europe occidentale, et en France en particulier, ne doivent pas être renouvelées.

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