Un système à deux visages

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Un système à deux visages

L’Institut de l’élevage a réalisé ces dernières années une synthèse de plusieurs documents relatifs à la filière laitière canadienne dans le but d’évaluer la pertinence de son modèle économique qui donne une préférence à la production nationale.


Ces exploitations canadiennes sont des entreprises familiales ; elles sont aujourd’hui confrontées à des
difficultés de reprise compte tenu du niveau très élevé du capital à reprendre.(© Terre-net Média)

Le secteur laitier canadien a été le premier s’organiser au niveau national selon la logique de la gestion de l’offre, une politique qui s’est généralisée à partir de 1973. Cette offre laitière vise uniquement la satisfaction du marché intérieur, les exportations représentant moins de 2 %. En 2009, la filière laitière a généré un volume de près de 8 millions de tonnes et un chiffre d’affaires à la production d’environ 3,3 milliards d’euros selon. Ces données sont issues d’une analyse réalisée par l’Institut de l’élevage et présentée par Philippe Chotteau lors des rencontres 3R 2010.

Le double de la moyenne française

Les fermes laitières sont organisées distinctement selon les zones géographiques. Ainsi, dans l’Est plus peuplé, les exploitations sont nettement moins imposantes que celles des grandes plaines centrales. Les premières occupent en moyenne 93 ha (Ontario) contre 110 ha en moyenne au Québec et quatre fois plus dans les grandes plaines. Cette hiérarchisation se retrouve également dans le niveau d’intensification de l’élevage, même si en moyenne une exploitation compte 62 vaches pour une production annuelle de 500 tonnes (chiffres 2006). « C’est le double de la moyenne française, mais un tiers plus petit que celles du Wisconsin, état laitier voisin des Etats- Unis », souligne Philippe Chotteau.

Des prix élevés…

Reste que cette organisation à deux niveaux, avec d’un côté une planification doublée d’un contrôle administratif (prix, commercialisation et quantités offertes) et la mise en place de barrières douanières élevées de l’autre, fait au moins un heureux : le producteur.
En effet, le prix du lait est élevé et peu volatil : « aux standards, le prix du lait payé au Canada s’est établi en 2007 et 2008 aux alentours de 0,7 US$/kg. C’est à dire environ 40 % de plus que le prix payé en France en 2008, ou encore 55 % de plus qu’aux Etats-Unis voisins… En outre il ne subit pas les aléas des marchés mondiaux : il n’a pas été affecté par la baisse des prix à partir du 2e semestre 2008 », résumait le spécialiste de l’Institut de l’élevage.

… et des charges qui le sont tout autant !

Mais le corolaire à tout cela est que les coûts de production sont également plus élevés. La principale raison à cela est que « la fixation du prix de soutien n’encourage pas la recherche d’économies dans les exploitations. »

Les transformateurs laitiers aussi profitent du système

On pourrait penser que les transformateurs sont défavorisés par ce système de gestion de l’offre qui les empêche de négocier librement le prix du lait collecté. Il n’en est rien. En effet, leurs coûts de transaction sont extrêmement réduits ; de même, les coûts de collecte sont mutualisés et limités à moins de 4% du prix payé au producteur en 2008.
Rigide en théorie, ce système n’a en pratique pas empêché la constitution de géants de l’industrie laitière, comme Saputo (12e entreprise mondiale du secteur), ou la coopérative Agropur. Des géants qui se sont développés à l’intérieur d’un marché canadien très protégé, et qui investissent depuis les années 90’ dans d’autres pays, comme l’Argentine ou les Etats-Unis.
Or, ces dernières années, l’apparition de nouvelles contraintes (climatiques, environnementales, sanitaires) ont renchérit ce coût de revient, à la base déjà enlevés « en partie du fait des contraintes climatiques, avec des bâtiments qui doivent être capables de supporter d’abondantes chutes de neige durant un long hiver ». Ces contraintes expliquent également le système de conduite exclusive à l’étable avec des animaux entravés.
Pour compenser ces coûts de production élevés, les éleveurs canadiens recherchent une productivité maximale : génétique favorisant une production laitière très élevée (9.800 kg de lait/lactation en 2008), mécanisation de la distribution de fourrage et de concentrés à l’étable, réserves fourragères pour l’essentiel autoproduites…

Mais cette hyper concentration n’est pas aujourd’hui sans poser de problème, « en particulier sur la qualité des eaux avec une production fourragère plutôt intensive ».

Difficultés de reprise

Sauf que… « Cette assurance tout risque sur le prix du lait n’a pas empêché la restructuration des fermes canadiennes ! », explique Philippe Chotteau. Pour preuve, la baisse annuelle de 4,5 % du nombre d’exploitations, aujourd’hui situé à 13.600 fermes laitières, avec en moyenne 72 vaches et une production de 550 tonnes annuelles. Ces exploitations sont des entreprises familiales aujourd’hui confrontées à des difficultés de reprise compte tenu du niveau très élevé du capital à reprendre, en particulier, l’achat du quota pèse énormément sur les comptes des exploitations.

Pour enrayer l’hémorragie, « la Fédération des producteurs québécois a pris la décision de plafonner ce prix » souligne le français, expliquant également un second phénomène souterrain : « le quota est un actif très rassurant pour les banques qui prêtent aux éleveurs laitiers, encourageant la formation d’une bulle spéculative et un endettement croissant ».

Ce système aujourd’hui protégé fait pourtant beaucoup d’envieux du côté des grosses structures exportatrices et des « lobbies proches du patronat des grandes entreprises des autres secteurs » conclut Philippe Chotteau. Les choses ne semblent donc pas figées dans le marbre…

Pour aller plus loin

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Vaches, charolaises, U= France 7,14 €/kg net +0,04
Vaches, charolaises, R= France 6,99 €/kg net +0,05
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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