Le réchauffement climatique préoccupe les agriculteurs, qui ne s'interrogent plus seulement sur ses conséquences mais de plus en plus sur leurs propres responsabilités et possibilités d'action.
Les professionnels du secteur, réunis à Berlin du 18 au 27 janvier pour le salon de l'agriculture allemand Grüne Woche ("Semaine verte"), sont profondément divisés sur l'ampleur de leur responsabilité et sur les méthodes à adopter. L'image de l'agriculteur en communion avec la nature a longtemps empêché de thématiser la contribution du secteur primaire au changement climatique. Un état de fait renforcé par l'existence d'industries beaucoup plus manifestement polluantes, comme la chimie ou la sidérurgie et leurs usines aux cheminées fumantes. De plus, l'agriculture était perçue comme faisant partie des victimes du réchauffement climatique, faisant face à de nouveaux parasites par exemple.
Encore aujourd'hui, le monde agricole est réticent à se voir jeter la pierre. "Nous sommes toujours le secteur le plus inoffensif, et nous sommes toujours les seuls qui produisent de l'oxygène", se défend le président de la fédération allemande des agriculteurs, Gerd Sonnleitner. Mais, du méthane émis par les ruminants au protoxyde d'azote issu des engrais, en passant par l'amoniac et le dioxyde de carbone, le secteur primaire est loin d'être un enfant de choeur. Dans l'Union européenne, l'agriculture représente 10% des émissions de gaz à effet de serre, selon Eurostat, dont la moitié pour l'élevage bovin. Une vache laitière émet quelque 100 kilogrammes de méthane par an, un résidu de son processus de digestion. La commissaire européenne à l'Agriculture, Mariann Fischer Boel, envisage d'ailleurs dans le cadre de sa refonte de la politique agricole commune de conditionner le versement de subventions à la réalisation d'objectifs dans le domaine du changement climatique, entre autres.
Au sein de la branche, les avis sont partagés. Pour les plus conservateurs, représentés par M. Sonnleitner, "plus l'agriculture est intensive, plus elle est bonne pour le climat". Et de se lancer dans une démonstration mathématique: autrefois, une vache produisait 4.000 litres par an, aujourd'hui 10.000. Résultat, moins d'émissions, car moins d'animaux, pour une même quantité de lait. "Nous devons réduire l'intensité, c'est ça la bonne stratégie", rétorque Hubert Weiger, président de l'"Alliance agricole", un groupe allemand d'associations rurales pro-environnement.
En réduisant les rendements, ou en s'adonnant à l'agriculture biologique qui utilise moins d'engrais et émet moins de gaz à effet de serre. Au sein de cette mouvance, les plus radicaux suggèrent de renoncer à l'élevage, et à la consommation de viande tout court. "Une mesure conséquente du point de vue de la protection du climat serait le renoncement complet à la viande, c'est-à-dire un mode de vie végétarien", pour Henriette Mackensen, vétérinaire à la société de protection des animaux citée dans le "rapport agricole alternatif" de l'Alliance agricole.
Et qui n'est pas prêt à sacrifier son escalope peut toujours soulager sa conscience en la choisissant bio, elle sera responsable de quatre fois moins d'émissions de CO2 que sa consoeur issue de l'agriculture conventionnelle, explique Mme Mackensen. Un avantage comparatif au bio qui vaut aussi pour les cultures, avec une moindre émission de gaz à effet de serre à l'hectare, explique-t-elle.
Alors, tout le monde passe au bio ? On en est loin. Le monde agricole compte aussi son lot de sceptiques. Michael Gruber par exemple, viticulteur autrichien, pour qui "on parle toujours du changement climatique, mais est-ce-que c'est prouvé ? Tout ça c'est une question de gros sous, on veut nous taxer et nous soutirer de l'argent, c'est tout".
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