"Le Grenelle? Je n'en attends rien", résume un agriculteur qui a tourné le dos à la production intensive mais regrette que les politiques ne soutiennent pas l'agriculture respectueuse de l'environnement.
Suzanne et Joseph Cabaret, 56 et 59 ans, sont agriculteurs-éleveurs à Hillion, une commune de bord de mer, près de Saint-Brieuc. "En 1978, j'ai repris la ferme de mes parents qui pratiquaient une agriculture intensive", explique l'exploitant, qui poursuit sans état d'âme dans la même voie que ses parents puisque c'était "ce qui m'avait été aussi enseigné au lycée agricole".
Premier grain de sable avec l'afflux sur la côte, au début des années 80, des algues vertes alimentées par les rejets de nitrates de l'agriculture intensive. "Il y en avait de plus en plus. Progressivement, je me suis dit que nous, agriculteurs, n'y étions pas pour rien. Je me souviens même d'en avoir eu honte". Puis la situation s'est encore dégradée: "La commune offre la particularité d'avoir autant de producteurs de moules que d'agriculteurs, et les premiers subissaient régulièrement des interdictions de mise en vente de leurs moules à cause de la pollution des seconds. Je me suis dit: +est-ce que je peux continuer comme ça alors que j'empêche mon voisin de travailler?+ Pour moi, ça devenait une question d'éthique". Il arrive donc à la conclusion que la seule solution "acceptable" est de changer ses pratiques.
Pour Joseph, le passage à une "désintensification de la production s'est fait dans la douleur", car "il avait une vraie révolution à faire dans sa tête", témoigne Suzanne, son épouse. "C'est très compliqué comme démarche intellectuelle, confirme M. Cabaret. Il faut considérer comme un facteur de progrès ce qu'on vous a présenté pendant des années comme un retour en arrière": pas ou moins d'engrais et de pesticides, le retour à l'herbe pour les animaux plutôt que le maïs comme fourrage, etc... C'est la participation à un groupe de travail qui l'a aidé à franchir le pas à partir de 1993: "au sein du groupe, toutes les questions que je me posais se sont évanouies ou ont trouvé réponse", dit-il.
Sur la commune comme dans le département, ce type d'agriculture gagne de nouveaux adhérents. "Mais le problème, ce sont les hommes politiques qui, face aux lobbies et à leur pouvoir économique, n'ont pas le courage de soutenir les bonnes pratiques", déplore l'agriculteur. Il en veut pour preuve les subventions européennes qui continuent d'aller majoritairement à l'agriculture intensive quand ceux qui adoptent des pratiques non polluantes sont pénalisés. Pire, assure-t-il, "les conseillers agricoles -qui épaulent les agriculteurs- sont désormais invités à ne plus parler des systèmes de production économes en intrants (engrais, produits phytosanitaires, etc...) car il faut que les industriels vendent toujours plus. La voie du changement est possible, mais on n'a pas le droit d'en parler!. Alors, vous voyez, le Grenelle, ce n'est qu'une grosse opération de communication!".
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